Être scénographe – par l’Union des scénographes, membre du Snac.

Actualités Être scénographe – par l’Union des scénographes, membre du Snac. C’est l’histoire d’une scénographe qui débarque dans la vie professionnelle et qui découvre les particularités du métier. Une histoire librement inspirée de faits réels vécus par différents scénographes soutenus par l’Union des Scénographes. Fraîchement diplômée, Zoé est passionnée par la scénographie de spectacle vivant. Elle sait que c’est un milieu dans lequel il est difficile de percer mais elle a la niaque, elle est jeune, le monde lui appartient. D’ailleurs, elle a déjà commencé à goûter un peu à cet univers merveilleux en faisant des stages dans les ateliers des plus grandes maisons : la Comédie Française, l’Opéra de Paris… Elle en est convaincue, ce métier est fait pour elle. Par contre, elle ne sait pas par où commencer pour trouver un vrai travail. Il n’y a évidemment aucune offre d’emploi de scénographe sur le site de France Travail… Elle le sait, dans ce métier, ce n’est que du relationnel. Mais alors, que faire ? Elle a bien tenté, une fois, d’aborder un metteur en scène dont elle venait de voir le spectacle, mais que dire ? « J’ai adoré votre spectacle mais, pour ce qui est de la scénographie, vous feriez mieux de travailler avec moi ! » ?… Bon, autant se taire ! Ça y est, grâce à une amie de sa maman qui croit en elle depuis le début, elle décroche enfin son premier entretien : une metteuse en scène d’opéra qui cherche quelqu’un pour faire la scénographie d’un de ses spectacles. L’occasion rêvée pour Zoé ! Elle se prépare à fond, l’entretien se passe extrêmement bien, mais la metteuse en scène ne donnera malheureusement pas suite : Zoé n’a pas d’expérience. Il en faut plus pour décourager Zoé ; de l’expérience, elle va s’en faire. Pendant deux ans, elle prend tout ce qui passe : stages, projets étudiants non rémunérés, compagnies amateurs… Heureusement que ses parents l’aident financièrement et qu’elle n’a pas de prêt étudiant sur le dos à rembourser, comme Claire, sa copine de promo, qui a emprunté 45 000 € pour ses études supérieures. D’ailleurs, parlons-en de sa promo de scénographie (deux ans déjà…) ! Sur sept diplômées, elle est la seule à continuer dans cette voie. Pauline est devenue accessoiriste à l’Opéra Comique, Myriam est partie dans l’événementiel, Suzanne fait de l’architecture et les trois autres ont totalement changé de voie. Un jour, ça y est enfin, on la contacte ! Zoé est tellement heureuse ! Toutes ces années à travailler comme une folle sans être rémunérée, ça paye enfin ! Un metteur en scène la contacte : il a pour projet de monter le texte d’un auteur fraîchement récompensé par un grand prix littéraire. Rendez-vous est donné pour que Zoé assiste à la prochaine lecture qui aura lieu, devant des professionnels, à la SACD (Société des Auteurs-Compositeurs Dramatiques). Le texte est top, les comédiens très bons, le metteur en scène convaincant : il lui faut des maquettes de scénographie pour qu’il puisse vendre le projet. Le Théâtre du Rond-Point est très intéressé mais le spectacle doit faire ses preuves avant, sur des scènes non parisiennes. Elle a la pression, Zoé ! Imagine si elle se plante ? C’est sûr, on ne la rappellera plus… Alors elle bosse, elle bosse dur… Il faut dire qu’elle a l’habitude Zoé : depuis l’école de scénographie, les charrettes, elle connaît ! Après plusieurs semaines de travail et quelques discussions avec le metteur en scène, elle présente son projet à toute l’équipe : les retours sont dithyrambiques ! Ouah ! Elle est trop contente ! Et maintenant ? Ben maintenant, il faut que le spectacle se vende… Ça, c’est le travail du diffuseur et, avec les dates envisagées au Rond-Point, ce sera facile. En attendant, Zoé accepte, pendant quelques mois, un travail de dessinatrice dans le bureau d’étude d’un atelier de construction de décors. C’est chouette, elle apprend plein de choses et elle est enfin payée ! Elle a aussi décroché un poste d’assistante d’une scénographe qui travaille pour des opéras. Là aussi elle est payée, mais il vaut mieux ne pas compter ses heures… Heureusement, elle en a suffisamment déclaré pour décrocher son statut d’intermittente du spectacle ! Elle est aux anges : elle va enfin pouvoir subvenir à ses besoins quand elle fera ses projets de scénographie non rémunérée. D’ailleurs, ça en est où le Rond-Point ? Toujours rien, mais “t’inquiète pas, on te préviendra le moment venu” ! L’année suivante, coup de bol, on lui propose un poste fixe de dessinatrice de décors pour la télé ! Pas vraiment un CDI mais quand même un bon plan : tu travailles six mois sous contrat intermittent, comme ça tu fais tes heures, et ensuite tu es rémunérée grâce à l’intermittence. Une aubaine ! Bon, elle n’en est pas encore à déclarer 1 500 heures par an comme son pote François, technicien, qui profite ensuite de ses indemnités pour partir en vacances l’année suivante, mais c’est déjà un bon début ! Mais bon, on ne va pas se mentir, la télé, en termes de créativité, ce n’est pas ça… Un an, d’accord, mais il ne s’agirait pas de moisir ici. En revanche, ça ne lui laisse que six mois pour faire ses 507 heures… autant dire que c’est très chaud ! Une petite compagnie lui propose de faire la scénographie de son prochain spectacle. Cette fois-ci, on lui parle enfin de budget : on a 3 000 € pour tout faire. Tout faire ? Oui, les achats et la rémunération. Ah ok, alors plus je mets de choses dans la scénographie, moins je suis payée… Bon ben il va falloir être maligne. Muto, Le Bon Coin, Donnons.com, La Réserve des Arts… Zoé passe beaucoup de temps à récupérer à droite à gauche le matériel nécessaire à sa scénographie. Ça lui rappelle quand elle faisait des scénographies sans budget ! Sauf que là, elle est payée ! Enfin, pas encore suffisamment pour pouvoir faire construire le décor par un atelier. C’est donc elle qui s’y colle et, franchement, elle n’a pas à pâlir du résultat : ça en jette ! Bilan des courses : 500 € d’achats, 2 500 € de salaire ! Elle a sacrément bien géré son truc ! Passons à
Les compagnies théâtrales rencontrent de graves difficultés – Un entretien avec Vincent Dheygre, auteur dramatique, metteur en scène, président des « Écrivaines et Écrivains associés du théâtre » (EAT), vice-président du « Conseil permanent des écrivains » (CPE).

Actualités Les compagnies théâtrales rencontrent de graves difficultés – Un entretien avec Vincent Dheygre, auteur dramatique, metteur en scène, président des « Écrivaines et Écrivains associés du théâtre » (EAT), vice-président du « Conseil permanent des écrivains » (CPE). Bulletin des Auteurs – Comment produit-on une pièce de théâtre ? Vincent Dheygre – Il existe plusieurs modes de production qui concernent la création, à distinguer de la diffusion, en fonction aussi du réseau auquel la pièce est destinée : soit un théâtre produit une pièce tout seul, ce qui est de plus en plus rare ; soit plusieurs théâtres se mettent ensemble pour une co-production. Nous avons aussi des contrats de co-réalisation, et des contrats de cession où les compagnies montent une pièce à leurs risques et périls, pour essayer ensuite de vendre des dates à différents théâtres. B. A. – Un festival comme Avignon permet de proposer sa création. V. D. – Être présent au « Off » d’Avignon comporte de grands risques. Le coût est très conséquent. Soit quelques théâtres produisent ou coproduisent la pièce, soit ils « louent » leurs locaux dans des contrats de coréalisation. Pour qu’une création soit achetée et puisse construire une tournée, il faut généralement la présenter deux années de suite au festival d’Avignon. La première pour que l’on parle de vous, la seconde pour que les programmateurs viennent vous voir. Sur le « Off » règne un manque de distinction entre les compagnies professionnelles et compagnies amateurs. Ces dernières, si elles en ont les moyens, peuvent louer des créneaux dans les théâtres. 1 600 spectacles se déroulent sur l’ensemble du festival « Off ». Comment émerger parmi cette profusion ? Voilà pour le tableau habituel. B. A. – L’actualité est pire ? V. D. – La Covid a attaqué très sérieusement les différentes structures, théâtres et compagnies. L’inflation des années post-Covid a réduit considérablement les moyens de production. Les moyens des compagnies, qui sont soumises directement à l’inflation, mais surtout ceux des collectivités locales, qui souvent participent à la production des spectacles de théâtre. Ces collectivités ont été confrontées à une baisse de leurs ressources et à une augmentation de leurs dépenses, parfois dans des proportions très importantes, notamment par la hausse du coût de l’énergie. Les moyens consacrés au soutien du spectacle vivant ont diminué d’autant. Rajoutons à cela une diminution de 10 % des moyens de l’État consacrés à la création en 2024 malgré une injonction de sa part à augmenter les salaires. Une étude menée conjointement par le « Syndicat national des arts vivants » (Synavi) et le « Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles » (Syndeac), qui est le principal syndicat d’employeurs du spectacle vivant, indique pour cette saison une diminution du nombre de représentations deplus de 30 % par création, soit une perte d’un tiers de l’activité. Et la proportion de compagnies qui tournent moins de vingt dates passent de 33 à 52 % Cette catastrophe annoncée depuis plus d’un an est donc en train d’advenir. De nombreuses compagnies, qui avaient déjà du mal à survivre, ne vont plus avoir les moyens de créer, ce qui va accélérer la spirale de leur disparition. Mais les scènes nationales et les scènes conventionnées, qui s’associaient déjà pour produire des pièces, vont accentuer leur regroupement en termes de coproduction, dont vont bénéficier principalement les compagnies les plus solides. B. A. – Quelle est la situation des auteurs dramatiques ? V. D. – La crise de la Covid les avait déjà malmenés. Selon la SACD, on venait de rejoindre enfin le niveau de répartition des droits d’auteur d’avant la Covid, mais la baisse de 30 % des créations va directement se répercuter sur les droits d’auteur. Les droits des auteurs et autrices dramatiques ont deux composantes : la représentation, et l’édition, cette dernière étant négligeable en termes de revenus. La situation de l’édition théâtrale en France est d’ores et déjà catastrophique. Les petites maisons sont en survie permanente. Les plus grandes maisons réduisent leur volume de publications. Les librairies théâtrales disparaissent les unes après les autres. Les maisons d’édition théâtrale publient de préférence des textes qui ont été portés à la scène. Si le texte est publié avant sa représentation, les maisons d’édition théâtrale réclament de plus en plus souvent à l’auteur des droits de représentation, en arguant de l’idée que, si le texte est monté, c’est grâce à sa publication. Dans la mesure où un texte représenté génère des ventes papier, moins de textes représentés signifie aussi une baisse des ventes papier. Le nombre infime des auteurs dramatiques qui peuvent vivre décemment de leur activité va décroître inéluctablement. La part de la fiction littéraire dans l’édition française n’est que de 15 %. Au sein de la littérature, la part de l’édition théâtrale est très faible.Il faut aussi remarquer que les coûts de diffusion pèsent lourdement dans le budget des maisons. B A. – Les maisons d’édition de théâtre publient-elles en numérique ? V. D. – La vente des versions numériques ne décolle pas. Autrefois le public lisait du théâtre. Aujourd’hui la pratique de la lecture du théâtre se perd, au profit de la représentation. Ce sont principalement les gens de théâtre qui en lisent encore. Et si les acteurs apprennent un texte, prennent des notes, ils ont besoin d’avoir le texte en main version livre papier, pas en numérique. Les critiques au sein de la presse quotidienne ne rendent compte par ailleurs que des textes qui ont été montés. La diffusion des textes de théâtre en numérique est assurée soit par l’éditeur lui-même, soit par des petites plateformes qui sont noyées dans le flot des publications numériques. Il faudrait une plateforme dédiée à l’ensemble des textes théâtraux, mais serait-elle rentable ? B. A. – Les ressources des EAT sont-elles menacées ? V. D. – Nos ressources sont en légère baisse. Nous devons être attentifs, car nous avons deux personnes salariées à temps plein.Nous sommes principalement financés par les organismes de gestion collective, la SACD en tête et la Sofia en second. Nous avons pris soin, au long de notre histoire, de diversifier nos ressources. À la création des EAT, voilà vingt-trois ans, l’aide de la
« Comment une Charte des bonnes pratiques dans le Spectacle vivant protégera-t-elle les auteurs et autrices ? » par Camille Dugas, scénographe, membre de l’Union des Scénographes (l’UDS est membre du Snac), François Peyrony, compositeur, Olivier Cohen, dramaturge

Actualités « Comment une Charte des bonnes pratiques dans le Spectacle vivant protégera-t-elle les auteurs et autrices ? » par Camille Dugas, scénographe, membre de l’Union des Scénographes (l’UDS est membre du Snac), François Peyrony, compositeur, Olivier Cohen, dramaturge Photographie de Camille Dugas. Crédit : Doriane Fréreau. Photographie de François Peyrony. Crédit : François Peyrony. Photographie d’Olivier Cohen. Crédit : Manuel Gouthière. Les autrices et auteurs du Spectacle vivant souhaitent écrire et que soit adoptée une « Charte des bonnes pratiques » dans le Spectacle vivant. Nous avons posé à trois auteurs de ce secteur la question : « Comment une Charte des bonnes pratiques dans le Spectacle vivant protégera-t-elle les auteurs et autrices ? * Une Charte des bonnes pratiques dans le spectacle vivant permettra de mettre en lumière certaines dérives, malheureusement monnaie courante dans nos métiers artistiques, et de servir d’appui aux créateurs lorsqu’ils y sont confrontés. Peut-être, alors, en sera-t-il terminé : des créations signées par un autre que celui qui les a réalisées, des commandes livrées mais jamais rémunérées, des créations originales réutilisées sans même que l’auteur en soit informé, du non-respect de la qualité et des droits des auteurs, des heures de travail non prises en compte et jamais rémunérées, et de toutes autres mauvaises pratiques dont nous allons prendre connaissance en enquêtant auprès des créateurs, dans les domaines de la scénographie, de la musique de scène, des créations lumière et costume, de la chorégraphie, notamment. En effet, les auteurs du spectacle vivant sont particulièrement touchés par ces dérives, alors même qu’ils sont souvent dans une situation précaire. Cela est dû à plusieurs facteurs : une tradition orale très forte qui empêche d’avoir des traces écrites des commandes et donc de pouvoir prouver les choses en cas de litige, une demande quasi systématique de commencer à travailler sans avoir signé aucun contrat, une commande de maquettes très en amont, pour espérer avoir une aide financière pour un projet qui ne verra souvent, malheureusement, jamais le jour, l’accaparement par un seul auteur des droits d’une œuvre pourtant collective, une volonté économique, bien cachée sous des intentions écologiques, de réutiliser des œuvres originales sans l’accord de leur auteur, et tout autre facteur qui apparaîtra lors de l’enquête préalable. L’existence de cette Charte, idéalement validée par toutes les parties, permettra : aux auteurs de pouvoir se protéger et se défendre, en ayant connaissance de ce que doivent être les bons usages, les bonnes pratiques, aux institutions de disposer d’un cadre de référence pour s’assurer du rôle et de la place de chacun, aux producteurs de prévoir des garanties pour les créateurs, lorsqu’ils leur passent commande, que la production ait lieu ou pas, aux jeunes générations qui débutent dans nos métiers de disposer de références solides pour ne pas accepter des conditions inacceptables. Camille Dugas, François Peyrony, Olivier Cohen Cette Tribune libre a été oubliée dans le Bulletin des Auteurs n° 155.
Appel à l’aide des créateurs / créatrices de décors, costumes et lumières du spectacle vivant !

Actualités Appel à l’aide des créateurs / créatrices de décors, costumes et lumières du spectacle vivant ! Les équipes artistiques des productions de spectacle vivant sont confrontées à des problèmes de paupérisation et de privation de leurs droits de plus en plus importants. L’Union des Scénographes alerte les pouvoirs publics depuis plusieurs années mais rien ne bouge ! Le contexte Au cours de ces dernières années, de profonds bouleversements, liés à la situation économique actuelle et à la transition écologique, ont marqué le secteur culturel. L’enjeu tient en un slogan du ministère de la Culture : “Mieux produire, mieux diffuser”, qui se résume pour les équipes artistiques à “Travailler plus pour être payés moins”… Les créateurs de décors et de costumes sont parmi les premiers à avoir initié dans leur pratique une véritable transition écologique, en témoigne leur “Manifeste d’éco-scénographie” qui appelle tous les acteurs du secteur à s’inscrire dans une démarche commune d’éco-conception. Cependant, cette démarche implique un temps de travail de conception bien supérieur aux pratiques traditionnelles : recherche de matériaux de seconde main, réajustement des dessins en fonction des matériaux trouvés, réflexion sur le désassemblage des éléments… Nos rémunérations sont forfaitaires et rarement en lien avec la réalité. Dans le contexte culturel actuel, nous devons composer avec un système de rémunération qui n’est plus soutenable. Tout semble être fait pour payer de moins en moins les équipes artistiques et leur supprimer des droits qui pourtant, dans les textes, leur sont acquis. Il est de notre responsabilité professionnelle de créer des conditions décentes de rémunération et de faire comprendre les enjeux et mutations de nos métiers. Les faits 1 – Des salaires de misère Ces dernières années, le monde du spectacle privé parisien a attiré la convoitise d’hommes d’affaires qui ont créé des monopoles, plus intéressés par l’aspect pécuniaire des choses que par leur caractère artistique. Cette situation a abouti à une dégradation esthétique de l’offre culturelle,accentuée par la présence des géants du divertissement sur tous les maillons de la chaîne du spectacle et de la production. En effet, afin de bénéficier de la « Garantie de déficit » prévue par l’ASTP (Association pour le Soutien des Théâtres Privés), subventionnée en partie par les pouvoirs publics, de plus en plus de théâtres privés rémunèrent les créateurs bien en deçà du Smic ! Généralement, un scénographe travaille entre un mois et trois mois sur une création de décors (conception, production de maquettes, plans, dessins, suivi de chantier, suivi des répétitions, montage…), se verra imposer un forfait total plafonné à 1 525 € brut*, soit un taux horaire pouvant varier entre 9 € brut (pour un mois de travail) et 3 € brut (pour trois mois de travail) !!! Le ministère du Travail a notifié, en 2023, aux syndicats représentant les producteurs, la situation de non-conformité dans laquelle se trouvent les grilles de salaires de notre convention collective. Le ministère du Travail invite à un juste rattrapage du montant des salaires des équipes artistiques et techniques dans le spectacle vivant. Ce rééquilibrage est difficilement possible en raison du contexte actuel de stagnation, voire de diminution, des subventions qu’il faudrait plutôt indexer sur l’inflation. * : plafond de salaire brut en vigueur pour les postes “scénographe”, “costumier”, “éclairagiste” et “chorégraphe” pour bénéficier de la “garantie de déficit” proposée par l’ASTP. 2 – La non reconnaissance du statut d’artiste-auteur Certains producteurs, dont la majorité des théâtres publics, ne reconnaissent toujours pas le statut d’artiste-auteur des scénographes, créateurs décors, costumes et lumières, pourtant inscrit dans la loi depuis 2017, et exploitent allègrement les œuvres de ces artistes-auteurs sans que ceux-ci bénéficient d’aucune contrepartie financière ! Nous espérons que le plan “Mieux produire, mieux diffuser” viendra consolider et renforcer le respect du droit d’auteur, en créant les meilleures conditions possibles de rétribution sur l’exploitation de nos œuvres. 3 – La suppression des droits d’auteur D’autres théâtres, qui jusqu’alors respectaient la qualité d’artiste-auteur des créateurs, ne veulent plus leur régler de pourcentage sur les recettes pour l’exploitation de leurs créations. Ces théâtres récupèrent une partie du salaire qui leur est dû et le déguisent en droits d’auteur forfaitaires pour ainsi payer moins de charges. D’autre part, il est de plus en plus difficile pour les auteurs de percevoir une rémunération dans le cadre d’une cession de droits d’exploitation en tournée. 4 – Une pression de plus en plus importante sur les artistes Lorsqu’un créateur demande à percevoir une rémunération décente et des droits d’auteur qui lui sont normalement dûs, il lui est répondu que ce n’est pas possible et que si les conditions proposées ne conviennent pas, un autre créateur sera engagé à sa place… Il ne lui sera évidemment plus proposé de faire une création dans ce théâtre, ni dans un autre géré par le même producteur ! Certains producteurs n’hésitent pas non plus à mettre en concurrence déloyale des créateurs, sans que ceux-ci en soient informés. Chacun d’eux présente un projet et peut apprendre ensuite que, finalement, une autre création est choisie. Il est inutile de préciser qu’ils ne sont alors absolument pas rémunérés pour le travail réalisé (maquette, dessins, croquis…) pour cette création… 5 – Un travail sans contrat La quasi-totalité des auteurs de décors, costumes et lumières commence à travailler sans avoir aucun contrat. Une fois le travail commencé, ils sont contraints d’accepter les conditions imposées par les producteurs. Si, pour des raisons financières, la production ne voit jamais le jour, les semaines de travail effectuées ne seront jamais rémunérées. 6 – Une assurance chômage qui ne reflète pas la réalité du métier En 2015, Hortense Archambault et Jean-Denis Combrexelle ont remis au Premier Ministre leur rapport ”Bâtir un cadre stabilisé et sécurisé pour les intermittents du spectacle” dans lequel ils indiquaient : “Une réflexion mérite d’être menée au niveau des branches sur une répartition différente de certains métiers techniques étroitement liées à la création artistique. Sans doute faudrait-il, affecter dans l’annexe 10 certaines professions aujourd’hui considérées comme techniques alors qu’elles sont attachées à la conception du spectacle et font partie de
La protection sociale de l’artiste auteur : Écris un bestseller ou tais-toi ! – par Olivier Cohen, dramaturge, membre du groupement Théâtre, Scénographie, Danse.

Actualités La protection sociale de l’artiste auteur : Écris un bestseller ou tais-toi ! – par Olivier Cohen, dramaturge, membre du groupement Théâtre, Scénographie, Danse. « Compose le “Boléro” ou “Born to be alive”… Scénarise un blockbuster… Sois téléchargé un million de fois ou tais-toi ! » : alors qu’il apparaît comme indispensable à tout livre, spectacle, art visuel, concert, film, dramatique enregistrée, roman graphique, alors qu’il conditionne production, diffusion, médiation des œuvres, alors que sans lui rien ne se fait, rien ne se crée, l’auteur reste la seule personne non salariée dans le projet. Sur un plateau de théâtre ou d’opéra, dans une salle de concert, toutes et tous sont rémunérés, du technicien au comptable, du scénographe au régisseur, du comédien au musicien, hormis le créateur de l’œuvre, celui sans qui l’évènement n’a pas lieu. Le statut d’auteur n’existe même pas comme profession en tant que telle, par exemple au sein des AEM (attestation employeur mensuelle, seul document validant une activité auprès de Pôle Emploi par exemple). Seule l’œuvre est considérée et génère un revenu patrimonial, assimilable à une location. Pourtant, un compositeur doit souvent contribuer aux répétitions, expliquer, revoir sa partition, épauler le chef. De même un auteur doit retravailler son œuvre, la présenter, la commenter, l’expliquer, parfois faire répéter les acteurs. Une telle absurdité tient au statut particulier des créateurs d’œuvres de l’esprit. Contrairement par exemple au régime des intermittents du spectacle, qui jouissent de la présomption de salariat, et bénéficient des avantages inhérents à la condition de salariés, les artistes auteurs, eux, n’ont pas de « subordination » à un employeur, du moins en principe. Comment comprendre pourtant les incitations, demandes, objectifs imposés aux scénaristes, aux auteurs de théâtre ? Ou les commandes sur un thème imposé avec distribution obligée… et délai de livraison ? Les artistes auteurs ne sont pas considérés comme des travailleurs, alors que le spectacle, le concert, le livre ne peuvent exister sans leur incessante et active participation. Ils toucheront « leurs droits » et devraient en être satisfaits, puisque tout le monde travaille pour eux ! On peut juste objecter qu’un droit d’auteur ne rémunère que l’exploitation de l’œuvre et qu’elle est souvent partagée avec des éditeurs, et versée avec un retard de plusieurs mois sinon de plusieurs années, quand elle est versée… Pourtant, la plupart des œuvres (opéra, scénarii, romans, BD) peuvent impliquer des mois, voire des années de travail. Comment accepter qu’elles génèrent pour l’auteur un salaire dix fois inférieur à celui des interprètes, même si ces derniers ne consacrent que quelques heures au projet ? De manière cynique, les plus grandes structures expliquent encore parfois que la diffusion d’un texte, d’une partition, d’un scénario, d’une illustration constitue une excellente publicité et que pour cela il paraît normal qu’elle soit chichement rétribuée, sans avouer les salaires, les bénéfices incroyables parfois générés indirectement par l’œuvre. Il faut ajouter à cette indignité que l’auteur, le compositeur, le dessinateur, ne sont pas protégés lors de leurs actions, de leurs déplacements puisqu’il ne s’agit pas de travail… Il est heureux qu’aucun d’entre eux ne se blesse lors de leurs… comment dire ? visites amicales. Nous assisterions sans doute à un bel imbroglio administratif. J’ai même récemment découvert la belle invention d’« Allocation de droits d’auteur » proposé par une scène nationale alors que la tâche imposée inclut déplacements, activités sur le terrain, dialogue avec les acteurs du projet, etc. Alors que chaque travailleur se voit soutenu, aidé lors des épreuves de la vie, notamment par un système de chômage, l’artiste auteur bénéficie d’un triste privilège : celui de vivre selon les lois du XIXe siècle : devoir gagner assez d’argent pour se débrouiller seul ou crever ! Il peut pourtant vivre des moments difficiles dont les origines lui sont étrangères, par exemple la crise du disque qui a généré d’énormes baisses de revenus, une maladie, un accident, un burn-out… Et cette indignité, cette iniquité appauvrit, et tue : combien d’artistes auteurs ne bénéficient d’aucune protection ? Combien ne peuvent compter sur un revenu décent, malgré un travail acharné ? Récemment Alexandra Lazarescou, traductrice de deux pièces dans le « In », n’avait pas même été invitée à leur lecture et, malgré son désir, n’avait pas les moyens de se rendre au Festival, qui aime les auteurs, mais les oublie quelque peu lorsqu’ils ne font pas partie du cénacle. À plusieurs reprises, nous avions discuté de ses inquiétudes quant à la récupération de son travail par un réalisateur, de sa précarité, de la difficulté à se faire régler ses droits, de l’absence de considération, de l’oubli de son travail… Il y a quelques jours, épuisée sans doute, elle a mis fin à ses jours à 42 ans. Que cette brève contribution lui soit dédiée. Olivier Cohen Cette Tribune libre a été publiée dans le Bulletin des Auteurs n° 155. Photographie d’Olivier Cohen. Crédit : Manuel Gouthière