Défense de la danse classique – Un entretien avec Cécile Däniker

Actualités Défense de la danse classique – Un entretien avec Cécile Däniker, chorégraphe, représentante du groupement Théâtre, Scénographie, Danse. Bulletin des Auteurs – Votre association est active à Beynat et Albussac. Cécile Däniker – Nous nous sommes installés en Corrèze en 2021, là où, depuis vingt-cinq années, nous passions tous nos étés et organisions avec mon époux, qui est originaire de la région, des stages de danse. Durant trente années, notre association établie à Poissy-en-Yvelines a fait connaître et aimer la danse classique à de nombreux élèves. Mais la mairie, en apportant un soutien total au conservatoire de la ville et en redoutant sans doute une concurrence envers celui-ci, montrait une certaine indifférence, voire une méfiance à notre égard, malgré l’intérêt que portaient à notre projet des personnes comme Maïa Plissetskaïa et Patrick Dupond. Nos efforts pour créer une petite compagnie, qui avaient pour objectif de remonter des morceaux oubliés de danse classique et de présenter des créations de ballets d’action, n’ont pu aboutir. Le ministère de la Culture ne nous a pas aidés non plus. Depuis les années 1980, en France et en Europe, la danse classique, à l’exception de l’Opéra de Paris ou de celui de Bordeaux, a été écartée au profit de la danse dite contemporaine. La définition de « contemporain », c’est ce que vous créez aujourd’hui. En pratique, « contemporain » est devenu un style, dans tous les arts. Nous avons rencontré une résistance féroce à l’usage de tout vocabulaire qui pouvait se référer à la danse classique. Afin de continuer à exercer mon métier, qui est ma passion, j’ai pris le parti d’enseigner, et de monter des chorégraphies avec mes élèves. Nous avons pu présenter parmi d’autres, à Poissy, une version de Casse-Noisette adaptée aux élèves, La Reine des neiges, sur la musique d’une compositrice anglaise, Wendy Picton, qui d’ailleurs se heurtait aux mêmes problèmes en Angleterre, Cendrillon, sur la musique de Prokofiev, Fairy Doll (Die Puppenfee) sur la musique de Josef Bayer, 1888, Cigale sur la musique de Jules Massenet, 1904. B. A. – Vous continuez à Albussac. C. D. – À Poissy je travaillais avec trente à quarante élèves. Ici, je rebâtis à partir de zéro. Pour le moment je n’ai qu’une quinzaine d’élèves. Nous ne pouvons encore monter un ballet. Cela nécessiterait vingtcinq danseurs et danseuses, dont sept ou huit d’un certain niveau. Peut-être dans deux ou trois ans. Mais en Corrèze je bénéficie d’un appui réel, de la part des municipalités d’Albussac comme de Beynat, qui sont ravies de notre présence. Je pense que la force de la France va venir de ce qui se construit en province, dans tous les domaines. Les grandes villes sont bloquées, aux mains de personnes qui sont installées confortablement. Nous devons travailler avec des élèves quand ils sont très jeunes, pour créer des racines. Le ministère des Sports a créé une bourse, qui s’appelle « Pass Sport », qui offrait 50 euros aux jeunes pour pratiquer un sport. La danse était incluse, parce que la danse relève du ministère de la Culture et du ministère des Sports. Cette bourse contribuait à réduire les frais d’inscription, ou à acheter un équipement nécessaire à la pratique d’un sport. Elle était destinée aux enfants âgés de 8 à 14 ans. Cette année, la bourse a été augmentée, à hauteur de 70 euros, mais il a été décidé que ce soutien ne serait attribué qu’à des jeunes de 14 à 17 ans. C’est une absurdité, car on doit commencer la danse, comme la musique, le plus tôt possible. Je n’ai aucun élève qui va venir demander, à 14 ans, de commencer à apprendre la danse classique. J’ai moi-même pratiqué le patinage artistique à partir de quatre ans, le piano à partir de six ans, la danse classique à partir de huit ans. La danse classique demande un entraînement de haut niveau, et un mécénat. Si l’on traduit « classique » par : ce qui est appelé à durer. Certains pays continuent à la soutenir, comme la Russie. Au XVIII siècle les meilleurs chorégraphes français y constituent un répertoire, qui est adopté par le monde entier. Marius Petipa, Arthur Saint-Léon, Jules Perrot, Auguste Bournonville perpétuent cette tradition au long du XIX siècle. Au début du XX siècle, ce sont les artistes russes, avec Diaghilev et les Ballets russes, qui réveillent l’Opéra de Paris. Ils nous font redécouvrir le ballet Giselle, monté en 1841 à Paris par Jules Perrot et Jean Coralli puis remonté par Marius Petipa à Saint-Pétersbourg en 1884. B. A. – Vous avez trouvé en Corrèze un nouvel élan. C. D. – La Fédération française de danse, à laquelle j’adhère depuis une quinzaine d’années, nous épaule également. Contrairement au ministère de la Culture, où la mentalité stagne, la Fédération est ouverte à toutes les danses. Je présente mes élèves au concours qu’elle organise, en danse classique et en jazz. Ce concours a lieu par région, par spécialité de danse, par classe d’âge des élèves, et sur des variations et des musiques imposées. Les élèves s’y présentent de manière individuelle. Le professeur peut aussi monter des chorégraphies par groupes, établis par classe d’âge, et bénéficie alors d’un libre choix du sujet. En danse classique, le champ est vaste, et comprend le jazz à base de la technique classique et les danses de demi-caractère, c’est-à-dire les danses influencées par les traditions de pays. Cette année, je vais présenter deux chorégraphies dans le cadre de ce concours régional. Chaque année le concours a lieu dans une ville différente. La Fédération m’a demandé si cette année le concours de la Région Nouvelle-Aquitaine, à laquelle nous appartenons, pouvait se tenir en Corrèze. Malheureusement les trois principaux théâtres de Brive, de Tulle et d’Uzerche sont déjà réservés aux dates prévues, mais l’année prochaine cela sera certainement possible. Actuellement nous avons trouvé une belle salle polyvalente à Allassac à côté de Brive et le concours aura lieu : samedi 31 janvier 2026 pour le jazz et dimanche 1 février 2026 pour le classique.
Être scénographe – par l’Union des scénographes, membre du Snac.

Actualités Être scénographe – par l’Union des scénographes, membre du Snac. C’est l’histoire d’une scénographe qui débarque dans la vie professionnelle et qui découvre les particularités du métier. Une histoire librement inspirée de faits réels vécus par différents scénographes soutenus par l’Union des Scénographes. Fraîchement diplômée, Zoé est passionnée par la scénographie de spectacle vivant. Elle sait que c’est un milieu dans lequel il est difficile de percer mais elle a la niaque, elle est jeune, le monde lui appartient. D’ailleurs, elle a déjà commencé à goûter un peu à cet univers merveilleux en faisant des stages dans les ateliers des plus grandes maisons : la Comédie Française, l’Opéra de Paris… Elle en est convaincue, ce métier est fait pour elle. Par contre, elle ne sait pas par où commencer pour trouver un vrai travail. Il n’y a évidemment aucune offre d’emploi de scénographe sur le site de France Travail… Elle le sait, dans ce métier, ce n’est que du relationnel. Mais alors, que faire ? Elle a bien tenté, une fois, d’aborder un metteur en scène dont elle venait de voir le spectacle, mais que dire ? « J’ai adoré votre spectacle mais, pour ce qui est de la scénographie, vous feriez mieux de travailler avec moi ! » ?… Bon, autant se taire ! Ça y est, grâce à une amie de sa maman qui croit en elle depuis le début, elle décroche enfin son premier entretien : une metteuse en scène d’opéra qui cherche quelqu’un pour faire la scénographie d’un de ses spectacles. L’occasion rêvée pour Zoé ! Elle se prépare à fond, l’entretien se passe extrêmement bien, mais la metteuse en scène ne donnera malheureusement pas suite : Zoé n’a pas d’expérience. Il en faut plus pour décourager Zoé ; de l’expérience, elle va s’en faire. Pendant deux ans, elle prend tout ce qui passe : stages, projets étudiants non rémunérés, compagnies amateurs… Heureusement que ses parents l’aident financièrement et qu’elle n’a pas de prêt étudiant sur le dos à rembourser, comme Claire, sa copine de promo, qui a emprunté 45 000 € pour ses études supérieures. D’ailleurs, parlons-en de sa promo de scénographie (deux ans déjà…) ! Sur sept diplômées, elle est la seule à continuer dans cette voie. Pauline est devenue accessoiriste à l’Opéra Comique, Myriam est partie dans l’événementiel, Suzanne fait de l’architecture et les trois autres ont totalement changé de voie. Un jour, ça y est enfin, on la contacte ! Zoé est tellement heureuse ! Toutes ces années à travailler comme une folle sans être rémunérée, ça paye enfin ! Un metteur en scène la contacte : il a pour projet de monter le texte d’un auteur fraîchement récompensé par un grand prix littéraire. Rendez-vous est donné pour que Zoé assiste à la prochaine lecture qui aura lieu, devant des professionnels, à la SACD (Société des Auteurs-Compositeurs Dramatiques). Le texte est top, les comédiens très bons, le metteur en scène convaincant : il lui faut des maquettes de scénographie pour qu’il puisse vendre le projet. Le Théâtre du Rond-Point est très intéressé mais le spectacle doit faire ses preuves avant, sur des scènes non parisiennes. Elle a la pression, Zoé ! Imagine si elle se plante ? C’est sûr, on ne la rappellera plus… Alors elle bosse, elle bosse dur… Il faut dire qu’elle a l’habitude Zoé : depuis l’école de scénographie, les charrettes, elle connaît ! Après plusieurs semaines de travail et quelques discussions avec le metteur en scène, elle présente son projet à toute l’équipe : les retours sont dithyrambiques ! Ouah ! Elle est trop contente ! Et maintenant ? Ben maintenant, il faut que le spectacle se vende… Ça, c’est le travail du diffuseur et, avec les dates envisagées au Rond-Point, ce sera facile. En attendant, Zoé accepte, pendant quelques mois, un travail de dessinatrice dans le bureau d’étude d’un atelier de construction de décors. C’est chouette, elle apprend plein de choses et elle est enfin payée ! Elle a aussi décroché un poste d’assistante d’une scénographe qui travaille pour des opéras. Là aussi elle est payée, mais il vaut mieux ne pas compter ses heures… Heureusement, elle en a suffisamment déclaré pour décrocher son statut d’intermittente du spectacle ! Elle est aux anges : elle va enfin pouvoir subvenir à ses besoins quand elle fera ses projets de scénographie non rémunérée. D’ailleurs, ça en est où le Rond-Point ? Toujours rien, mais “t’inquiète pas, on te préviendra le moment venu” ! L’année suivante, coup de bol, on lui propose un poste fixe de dessinatrice de décors pour la télé ! Pas vraiment un CDI mais quand même un bon plan : tu travailles six mois sous contrat intermittent, comme ça tu fais tes heures, et ensuite tu es rémunérée grâce à l’intermittence. Une aubaine ! Bon, elle n’en est pas encore à déclarer 1 500 heures par an comme son pote François, technicien, qui profite ensuite de ses indemnités pour partir en vacances l’année suivante, mais c’est déjà un bon début ! Mais bon, on ne va pas se mentir, la télé, en termes de créativité, ce n’est pas ça… Un an, d’accord, mais il ne s’agirait pas de moisir ici. En revanche, ça ne lui laisse que six mois pour faire ses 507 heures… autant dire que c’est très chaud ! Une petite compagnie lui propose de faire la scénographie de son prochain spectacle. Cette fois-ci, on lui parle enfin de budget : on a 3 000 € pour tout faire. Tout faire ? Oui, les achats et la rémunération. Ah ok, alors plus je mets de choses dans la scénographie, moins je suis payée… Bon ben il va falloir être maligne. Muto, Le Bon Coin, Donnons.com, La Réserve des Arts… Zoé passe beaucoup de temps à récupérer à droite à gauche le matériel nécessaire à sa scénographie. Ça lui rappelle quand elle faisait des scénographies sans budget ! Sauf que là, elle est payée ! Enfin, pas encore suffisamment pour pouvoir faire construire le décor par un atelier. C’est donc elle qui s’y colle et, franchement, elle n’a pas à pâlir du résultat : ça en jette ! Bilan des courses : 500 € d’achats, 2 500 € de salaire ! Elle a sacrément bien géré son truc ! Passons à
Les compagnies théâtrales rencontrent de graves difficultés – Un entretien avec Vincent Dheygre, auteur dramatique, metteur en scène, président des « Écrivaines et Écrivains associés du théâtre » (EAT), vice-président du « Conseil permanent des écrivains » (CPE).

Actualités Les compagnies théâtrales rencontrent de graves difficultés – Un entretien avec Vincent Dheygre, auteur dramatique, metteur en scène, président des « Écrivaines et Écrivains associés du théâtre » (EAT), vice-président du « Conseil permanent des écrivains » (CPE). Bulletin des Auteurs – Comment produit-on une pièce de théâtre ? Vincent Dheygre – Il existe plusieurs modes de production qui concernent la création, à distinguer de la diffusion, en fonction aussi du réseau auquel la pièce est destinée : soit un théâtre produit une pièce tout seul, ce qui est de plus en plus rare ; soit plusieurs théâtres se mettent ensemble pour une co-production. Nous avons aussi des contrats de co-réalisation, et des contrats de cession où les compagnies montent une pièce à leurs risques et périls, pour essayer ensuite de vendre des dates à différents théâtres. B. A. – Un festival comme Avignon permet de proposer sa création. V. D. – Être présent au « Off » d’Avignon comporte de grands risques. Le coût est très conséquent. Soit quelques théâtres produisent ou coproduisent la pièce, soit ils « louent » leurs locaux dans des contrats de coréalisation. Pour qu’une création soit achetée et puisse construire une tournée, il faut généralement la présenter deux années de suite au festival d’Avignon. La première pour que l’on parle de vous, la seconde pour que les programmateurs viennent vous voir. Sur le « Off » règne un manque de distinction entre les compagnies professionnelles et compagnies amateurs. Ces dernières, si elles en ont les moyens, peuvent louer des créneaux dans les théâtres. 1 600 spectacles se déroulent sur l’ensemble du festival « Off ». Comment émerger parmi cette profusion ? Voilà pour le tableau habituel. B. A. – L’actualité est pire ? V. D. – La Covid a attaqué très sérieusement les différentes structures, théâtres et compagnies. L’inflation des années post-Covid a réduit considérablement les moyens de production. Les moyens des compagnies, qui sont soumises directement à l’inflation, mais surtout ceux des collectivités locales, qui souvent participent à la production des spectacles de théâtre. Ces collectivités ont été confrontées à une baisse de leurs ressources et à une augmentation de leurs dépenses, parfois dans des proportions très importantes, notamment par la hausse du coût de l’énergie. Les moyens consacrés au soutien du spectacle vivant ont diminué d’autant. Rajoutons à cela une diminution de 10 % des moyens de l’État consacrés à la création en 2024 malgré une injonction de sa part à augmenter les salaires. Une étude menée conjointement par le « Syndicat national des arts vivants » (Synavi) et le « Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles » (Syndeac), qui est le principal syndicat d’employeurs du spectacle vivant, indique pour cette saison une diminution du nombre de représentations deplus de 30 % par création, soit une perte d’un tiers de l’activité. Et la proportion de compagnies qui tournent moins de vingt dates passent de 33 à 52 % Cette catastrophe annoncée depuis plus d’un an est donc en train d’advenir. De nombreuses compagnies, qui avaient déjà du mal à survivre, ne vont plus avoir les moyens de créer, ce qui va accélérer la spirale de leur disparition. Mais les scènes nationales et les scènes conventionnées, qui s’associaient déjà pour produire des pièces, vont accentuer leur regroupement en termes de coproduction, dont vont bénéficier principalement les compagnies les plus solides. B. A. – Quelle est la situation des auteurs dramatiques ? V. D. – La crise de la Covid les avait déjà malmenés. Selon la SACD, on venait de rejoindre enfin le niveau de répartition des droits d’auteur d’avant la Covid, mais la baisse de 30 % des créations va directement se répercuter sur les droits d’auteur. Les droits des auteurs et autrices dramatiques ont deux composantes : la représentation, et l’édition, cette dernière étant négligeable en termes de revenus. La situation de l’édition théâtrale en France est d’ores et déjà catastrophique. Les petites maisons sont en survie permanente. Les plus grandes maisons réduisent leur volume de publications. Les librairies théâtrales disparaissent les unes après les autres. Les maisons d’édition théâtrale publient de préférence des textes qui ont été portés à la scène. Si le texte est publié avant sa représentation, les maisons d’édition théâtrale réclament de plus en plus souvent à l’auteur des droits de représentation, en arguant de l’idée que, si le texte est monté, c’est grâce à sa publication. Dans la mesure où un texte représenté génère des ventes papier, moins de textes représentés signifie aussi une baisse des ventes papier. Le nombre infime des auteurs dramatiques qui peuvent vivre décemment de leur activité va décroître inéluctablement. La part de la fiction littéraire dans l’édition française n’est que de 15 %. Au sein de la littérature, la part de l’édition théâtrale est très faible.Il faut aussi remarquer que les coûts de diffusion pèsent lourdement dans le budget des maisons. B A. – Les maisons d’édition de théâtre publient-elles en numérique ? V. D. – La vente des versions numériques ne décolle pas. Autrefois le public lisait du théâtre. Aujourd’hui la pratique de la lecture du théâtre se perd, au profit de la représentation. Ce sont principalement les gens de théâtre qui en lisent encore. Et si les acteurs apprennent un texte, prennent des notes, ils ont besoin d’avoir le texte en main version livre papier, pas en numérique. Les critiques au sein de la presse quotidienne ne rendent compte par ailleurs que des textes qui ont été montés. La diffusion des textes de théâtre en numérique est assurée soit par l’éditeur lui-même, soit par des petites plateformes qui sont noyées dans le flot des publications numériques. Il faudrait une plateforme dédiée à l’ensemble des textes théâtraux, mais serait-elle rentable ? B. A. – Les ressources des EAT sont-elles menacées ? V. D. – Nos ressources sont en légère baisse. Nous devons être attentifs, car nous avons deux personnes salariées à temps plein.Nous sommes principalement financés par les organismes de gestion collective, la SACD en tête et la Sofia en second. Nous avons pris soin, au long de notre histoire, de diversifier nos ressources. À la création des EAT, voilà vingt-trois ans, l’aide de la SACD représentait
Le Forum des organisations professionnelles du spectacle – Un entretien avec Thibault Sinay

Actualités Le Forum des organisations professionnelles du spectacle – Un entretien avec Thibault Sinay, scénographe, membre de l’Union des Scénographes. Bulletin des Auteurs – Quelle est la genèse du forum ? Thibault Sinay – Durant les multiples épisodes de la crise Covid, les différentes organisations professionnelles du spectacle vivant s’étaient rassemblées en visio pour échanger des informations, des inquiétudes, et des idées sur la culture, considérée comme « non essentielle »… Nous avions alors interpellé à plusieurs reprises le ministère de la Culture sur la situation de nos métiers et nous avions obtenu des réunions avec la Direction générale de la Création artistique (DGCA). Ce forum, où les voix s’unissaient pour dialoguer avec les pouvoirs publics, espérait se constituer en fédération. Nous avions déjà imaginé ce que pourrait être une telle organisation en créant la Fédération des créateurs d’expositions, XPO. Ce modèle nous avait inspirés : si les métiers de l’exposition avaient trouvé un espace commun pour se défendre, se représenter, pourquoi ne pas rêver d’une fédération forte des métiers du spectacle vivant ? Après le Covid, les liens se sont un peu relâchés car chacun est reparti vaillamment travailler de son côté, mais nous avons tout de suite ressenti un fort dérèglement dans la dynamique de ce nouveau départ, et ce sentiment d’un futur incertain ne s’est pas fait attendre. Nous avons alors réactivé ce groupement, et nous avons tendu la main à ceux qui, dans le silence de la crise, avaient eux aussi créé des associations, forgé des initiatives pour pallier l’absence de soutien ou répondre à l’immobilité du secteur. Nous nous sommes associés à des directions techniques, et à des professeur.e.s d’art dramatique, lesquels se sont révélés être moteurs dans notre mouvement, ainsi qu’aux administrateurs.trices, qui se sont imposés comme une clé de voûte de notre mouvement. Notre dialogue pragmatique est ainsi devenu transversal, ce qui nous a aidés à appréhender la mutation de tous les métiers du Spectacle vivant, à mieux comprendre les crises économiques et politiques mais aussi les injonctions ministérielles, qui, sous couvert de formules telles que :« Mieux produire, mieux diffuser », laissaient souvent pour compte ceux qui font (?) le cœur de notre travail. On nous demande de « produire mieux », mais avec quelles ressources ? De « diffuser mieux », mais en tenant compte de quels territoires, de quelles réalités ? Nous avons constaté que ces mots, en apparence porteurs d’espoir, révèlent aussi une faille : celle d’un art que l’on croit acquis, mais qui, sans le soutien des structures et des individus qui le portent, risque de disparaître. Mon appel initial sur les réseaux a rencontré rapidement un écho de la part des acteurs membres des actrices et acteurs (Aafa), des directions techniques (Reditec), des professeurs des Conservatoires d’art dramatique (Anpad), des créateurs Lumière (UCL), des administrateurs de Spectacles (Lapas), des Chorégraphes associés, du Syndicat national des metteurs en scène (SNMS), des chanteurs lyriques (Unisson), du Snac, des écrivaines et écrivains associés du Théâtre (EAT), etc. B.A. – Le Forum des organisations professionnelles du Spectacle a organisé un premier séminaire en mai 2024 à la Philharmonie de Paris. Th.S. – Nous avons communiqué principalement en interne sur cet événement auprès de nos conseils d’administrations respectifs, mesurant des préoccupations partagées. Après un an de réunions, c’était le premier séminaire auquel participaient tous les bureaux et présidents des associations et des syndicats membres du Forum en présentiel. Nous voulions voir où nous allions. En amont, nous avions proposé un questionnaire aux adhérents de nos associations, afin de mieux cerner les enjeux, les problématiques, les préoccupations de nos membres. Les réponses, riches et variées, révélaient à quel point nos problématiques et nos questionnements sont communs. Cinq thématiques ont été à l’ordre du jour de cette journée : Valeur travail et fragilisation économique de la filière. Formation, emploi et attractivité. Climat, Éco-responsabilité et Éco-conception. Mutations technologiques. Relations de travail entre les différentes associations professionnelles de la filière. Maintenant que nous avions laissé le temps à chacun et à tous de dialoguer et de trouver sa place, dans un contexte encore plus fragilisé et même menaçant, il nous semblait qu’il était temps et nécessaire de communiquer sur notre forum pour révéler le dialogue collectif et transversal que nous avions donc construit. Un Forum plutôt qu’une nouvelle Fédération Nous avons fait le choix de ne pas fonder une nouvelle organisation. Trop souvent, les structures se figent, les intentions s’y perdent. Nous avons préféré « faire forum », créer un espace informel mais essentiel où toutes les voix peuvent se croiser et se répondre. Chaque organisation y conserve son statut propre, et son autonomie. C’est là toute l’idée du forum : favoriser un point de dialogue vivant, où chacun peut s’associer selon ses moyens, ses besoins, et ses convictions, en s’associant à une signature commune, comme nous venons de le faire avec le texte « L’Applatissement du monde de la culture ». Le Forum d’Avignon 2025 Ainsi nous avons prévu d’organiser le prochain forum lors du Festival d’Avignon, à l’été 2025. Le Festival d’Avignon, dans sa grandeur et sa diversité, a toujours été ce lieu unique où le théâtre privé et le théâtre public font face aux mêmes défis, aux mêmes questions. Le clivage qui parfois fait naître des débats stériles entre le « populaire » et l’« élitiste » ne tient plus. Ces catégories ont vécu. Elles sont dépassées par la réalité des artistes, des techniciens, des producteurs et du public. Car il existe une seule et même exigence : porter la culture, la partager, la rendre accessible à tous. Le forum sera l’occasion de montrer que les organisations professionnelles du spectacle vivant sont belles et bien mobilisées, conscientes de la précarité de notre secteur, et de la fragilité des structures qui le composent. Le Forum, en ce sens, sera le lieu où nous pourrons faire entendre un discours collectif, celui des organisations professionnelles du spectacle vivant, un discours d’espoir, mais aussi de propositions pragmatiques pour soutenir l’avenir de nos activités. Cette manifestation se voudra cette fois-ci ouverte au public, nous y inviterons les pouvoirs publics et le ministère à nous entendre. Photographie du Forum à la Philharmonie. Crédit :
« Comment une Charte des bonnes pratiques dans le Spectacle vivant protégera-t-elle les auteurs et autrices ? » par Camille Dugas, scénographe, membre de l’Union des Scénographes (l’UDS est membre du Snac), François Peyrony, compositeur, Olivier Cohen, dramaturge

Actualités « Comment une Charte des bonnes pratiques dans le Spectacle vivant protégera-t-elle les auteurs et autrices ? » par Camille Dugas, scénographe, membre de l’Union des Scénographes (l’UDS est membre du Snac), François Peyrony, compositeur, Olivier Cohen, dramaturge Photographie de Camille Dugas. Crédit : Doriane Fréreau. Photographie de François Peyrony. Crédit : François Peyrony. Photographie d’Olivier Cohen. Crédit : Manuel Gouthière. Les autrices et auteurs du Spectacle vivant souhaitent écrire et que soit adoptée une « Charte des bonnes pratiques » dans le Spectacle vivant. Nous avons posé à trois auteurs de ce secteur la question : « Comment une Charte des bonnes pratiques dans le Spectacle vivant protégera-t-elle les auteurs et autrices ? * Une Charte des bonnes pratiques dans le spectacle vivant permettra de mettre en lumière certaines dérives, malheureusement monnaie courante dans nos métiers artistiques, et de servir d’appui aux créateurs lorsqu’ils y sont confrontés. Peut-être, alors, en sera-t-il terminé : des créations signées par un autre que celui qui les a réalisées, des commandes livrées mais jamais rémunérées, des créations originales réutilisées sans même que l’auteur en soit informé, du non-respect de la qualité et des droits des auteurs, des heures de travail non prises en compte et jamais rémunérées, et de toutes autres mauvaises pratiques dont nous allons prendre connaissance en enquêtant auprès des créateurs, dans les domaines de la scénographie, de la musique de scène, des créations lumière et costume, de la chorégraphie, notamment. En effet, les auteurs du spectacle vivant sont particulièrement touchés par ces dérives, alors même qu’ils sont souvent dans une situation précaire. Cela est dû à plusieurs facteurs : une tradition orale très forte qui empêche d’avoir des traces écrites des commandes et donc de pouvoir prouver les choses en cas de litige, une demande quasi systématique de commencer à travailler sans avoir signé aucun contrat, une commande de maquettes très en amont, pour espérer avoir une aide financière pour un projet qui ne verra souvent, malheureusement, jamais le jour, l’accaparement par un seul auteur des droits d’une œuvre pourtant collective, une volonté économique, bien cachée sous des intentions écologiques, de réutiliser des œuvres originales sans l’accord de leur auteur, et tout autre facteur qui apparaîtra lors de l’enquête préalable. L’existence de cette Charte, idéalement validée par toutes les parties, permettra : aux auteurs de pouvoir se protéger et se défendre, en ayant connaissance de ce que doivent être les bons usages, les bonnes pratiques, aux institutions de disposer d’un cadre de référence pour s’assurer du rôle et de la place de chacun, aux producteurs de prévoir des garanties pour les créateurs, lorsqu’ils leur passent commande, que la production ait lieu ou pas, aux jeunes générations qui débutent dans nos métiers de disposer de références solides pour ne pas accepter des conditions inacceptables. Camille Dugas, François Peyrony, Olivier Cohen Cette Tribune libre a été oubliée dans le Bulletin des Auteurs n° 155.
Appel à l’aide des créateurs / créatrices de décors, costumes et lumières du spectacle vivant !

Actualités Appel à l’aide des créateurs / créatrices de décors, costumes et lumières du spectacle vivant ! Les équipes artistiques des productions de spectacle vivant sont confrontées à des problèmes de paupérisation et de privation de leurs droits de plus en plus importants. L’Union des Scénographes alerte les pouvoirs publics depuis plusieurs années mais rien ne bouge ! Le contexte Au cours de ces dernières années, de profonds bouleversements, liés à la situation économique actuelle et à la transition écologique, ont marqué le secteur culturel. L’enjeu tient en un slogan du ministère de la Culture : “Mieux produire, mieux diffuser”, qui se résume pour les équipes artistiques à “Travailler plus pour être payés moins”… Les créateurs de décors et de costumes sont parmi les premiers à avoir initié dans leur pratique une véritable transition écologique, en témoigne leur “Manifeste d’éco-scénographie” qui appelle tous les acteurs du secteur à s’inscrire dans une démarche commune d’éco-conception. Cependant, cette démarche implique un temps de travail de conception bien supérieur aux pratiques traditionnelles : recherche de matériaux de seconde main, réajustement des dessins en fonction des matériaux trouvés, réflexion sur le désassemblage des éléments… Nos rémunérations sont forfaitaires et rarement en lien avec la réalité. Dans le contexte culturel actuel, nous devons composer avec un système de rémunération qui n’est plus soutenable. Tout semble être fait pour payer de moins en moins les équipes artistiques et leur supprimer des droits qui pourtant, dans les textes, leur sont acquis. Il est de notre responsabilité professionnelle de créer des conditions décentes de rémunération et de faire comprendre les enjeux et mutations de nos métiers. Les faits 1 – Des salaires de misère Ces dernières années, le monde du spectacle privé parisien a attiré la convoitise d’hommes d’affaires qui ont créé des monopoles, plus intéressés par l’aspect pécuniaire des choses que par leur caractère artistique. Cette situation a abouti à une dégradation esthétique de l’offre culturelle,accentuée par la présence des géants du divertissement sur tous les maillons de la chaîne du spectacle et de la production. En effet, afin de bénéficier de la « Garantie de déficit » prévue par l’ASTP (Association pour le Soutien des Théâtres Privés), subventionnée en partie par les pouvoirs publics, de plus en plus de théâtres privés rémunèrent les créateurs bien en deçà du Smic ! Généralement, un scénographe travaille entre un mois et trois mois sur une création de décors (conception, production de maquettes, plans, dessins, suivi de chantier, suivi des répétitions, montage…), se verra imposer un forfait total plafonné à 1 525 € brut*, soit un taux horaire pouvant varier entre 9 € brut (pour un mois de travail) et 3 € brut (pour trois mois de travail) !!! Le ministère du Travail a notifié, en 2023, aux syndicats représentant les producteurs, la situation de non-conformité dans laquelle se trouvent les grilles de salaires de notre convention collective. Le ministère du Travail invite à un juste rattrapage du montant des salaires des équipes artistiques et techniques dans le spectacle vivant. Ce rééquilibrage est difficilement possible en raison du contexte actuel de stagnation, voire de diminution, des subventions qu’il faudrait plutôt indexer sur l’inflation. * : plafond de salaire brut en vigueur pour les postes “scénographe”, “costumier”, “éclairagiste” et “chorégraphe” pour bénéficier de la “garantie de déficit” proposée par l’ASTP. 2 – La non reconnaissance du statut d’artiste-auteur Certains producteurs, dont la majorité des théâtres publics, ne reconnaissent toujours pas le statut d’artiste-auteur des scénographes, créateurs décors, costumes et lumières, pourtant inscrit dans la loi depuis 2017, et exploitent allègrement les œuvres de ces artistes-auteurs sans que ceux-ci bénéficient d’aucune contrepartie financière ! Nous espérons que le plan “Mieux produire, mieux diffuser” viendra consolider et renforcer le respect du droit d’auteur, en créant les meilleures conditions possibles de rétribution sur l’exploitation de nos œuvres. 3 – La suppression des droits d’auteur D’autres théâtres, qui jusqu’alors respectaient la qualité d’artiste-auteur des créateurs, ne veulent plus leur régler de pourcentage sur les recettes pour l’exploitation de leurs créations. Ces théâtres récupèrent une partie du salaire qui leur est dû et le déguisent en droits d’auteur forfaitaires pour ainsi payer moins de charges. D’autre part, il est de plus en plus difficile pour les auteurs de percevoir une rémunération dans le cadre d’une cession de droits d’exploitation en tournée. 4 – Une pression de plus en plus importante sur les artistes Lorsqu’un créateur demande à percevoir une rémunération décente et des droits d’auteur qui lui sont normalement dûs, il lui est répondu que ce n’est pas possible et que si les conditions proposées ne conviennent pas, un autre créateur sera engagé à sa place… Il ne lui sera évidemment plus proposé de faire une création dans ce théâtre, ni dans un autre géré par le même producteur ! Certains producteurs n’hésitent pas non plus à mettre en concurrence déloyale des créateurs, sans que ceux-ci en soient informés. Chacun d’eux présente un projet et peut apprendre ensuite que, finalement, une autre création est choisie. Il est inutile de préciser qu’ils ne sont alors absolument pas rémunérés pour le travail réalisé (maquette, dessins, croquis…) pour cette création… 5 – Un travail sans contrat La quasi-totalité des auteurs de décors, costumes et lumières commence à travailler sans avoir aucun contrat. Une fois le travail commencé, ils sont contraints d’accepter les conditions imposées par les producteurs. Si, pour des raisons financières, la production ne voit jamais le jour, les semaines de travail effectuées ne seront jamais rémunérées. 6 – Une assurance chômage qui ne reflète pas la réalité du métier En 2015, Hortense Archambault et Jean-Denis Combrexelle ont remis au Premier Ministre leur rapport ”Bâtir un cadre stabilisé et sécurisé pour les intermittents du spectacle” dans lequel ils indiquaient : “Une réflexion mérite d’être menée au niveau des branches sur une répartition différente de certains métiers techniques étroitement liées à la création artistique. Sans doute faudrait-il, affecter dans l’annexe 10 certaines professions aujourd’hui considérées comme techniques alors qu’elles sont attachées à la conception du spectacle et font partie de
La protection sociale de l’artiste auteur : Écris un bestseller ou tais-toi ! – par Olivier Cohen, dramaturge, membre du groupement Théâtre, Scénographie, Danse.

Actualités La protection sociale de l’artiste auteur : Écris un bestseller ou tais-toi ! – par Olivier Cohen, dramaturge, membre du groupement Théâtre, Scénographie, Danse. « Compose le “Boléro” ou “Born to be alive”… Scénarise un blockbuster… Sois téléchargé un million de fois ou tais-toi ! » : alors qu’il apparaît comme indispensable à tout livre, spectacle, art visuel, concert, film, dramatique enregistrée, roman graphique, alors qu’il conditionne production, diffusion, médiation des œuvres, alors que sans lui rien ne se fait, rien ne se crée, l’auteur reste la seule personne non salariée dans le projet. Sur un plateau de théâtre ou d’opéra, dans une salle de concert, toutes et tous sont rémunérés, du technicien au comptable, du scénographe au régisseur, du comédien au musicien, hormis le créateur de l’œuvre, celui sans qui l’évènement n’a pas lieu. Le statut d’auteur n’existe même pas comme profession en tant que telle, par exemple au sein des AEM (attestation employeur mensuelle, seul document validant une activité auprès de Pôle Emploi par exemple). Seule l’œuvre est considérée et génère un revenu patrimonial, assimilable à une location. Pourtant, un compositeur doit souvent contribuer aux répétitions, expliquer, revoir sa partition, épauler le chef. De même un auteur doit retravailler son œuvre, la présenter, la commenter, l’expliquer, parfois faire répéter les acteurs. Une telle absurdité tient au statut particulier des créateurs d’œuvres de l’esprit. Contrairement par exemple au régime des intermittents du spectacle, qui jouissent de la présomption de salariat, et bénéficient des avantages inhérents à la condition de salariés, les artistes auteurs, eux, n’ont pas de « subordination » à un employeur, du moins en principe. Comment comprendre pourtant les incitations, demandes, objectifs imposés aux scénaristes, aux auteurs de théâtre ? Ou les commandes sur un thème imposé avec distribution obligée… et délai de livraison ? Les artistes auteurs ne sont pas considérés comme des travailleurs, alors que le spectacle, le concert, le livre ne peuvent exister sans leur incessante et active participation. Ils toucheront « leurs droits » et devraient en être satisfaits, puisque tout le monde travaille pour eux ! On peut juste objecter qu’un droit d’auteur ne rémunère que l’exploitation de l’œuvre et qu’elle est souvent partagée avec des éditeurs, et versée avec un retard de plusieurs mois sinon de plusieurs années, quand elle est versée… Pourtant, la plupart des œuvres (opéra, scénarii, romans, BD) peuvent impliquer des mois, voire des années de travail. Comment accepter qu’elles génèrent pour l’auteur un salaire dix fois inférieur à celui des interprètes, même si ces derniers ne consacrent que quelques heures au projet ? De manière cynique, les plus grandes structures expliquent encore parfois que la diffusion d’un texte, d’une partition, d’un scénario, d’une illustration constitue une excellente publicité et que pour cela il paraît normal qu’elle soit chichement rétribuée, sans avouer les salaires, les bénéfices incroyables parfois générés indirectement par l’œuvre. Il faut ajouter à cette indignité que l’auteur, le compositeur, le dessinateur, ne sont pas protégés lors de leurs actions, de leurs déplacements puisqu’il ne s’agit pas de travail… Il est heureux qu’aucun d’entre eux ne se blesse lors de leurs… comment dire ? visites amicales. Nous assisterions sans doute à un bel imbroglio administratif. J’ai même récemment découvert la belle invention d’« Allocation de droits d’auteur » proposé par une scène nationale alors que la tâche imposée inclut déplacements, activités sur le terrain, dialogue avec les acteurs du projet, etc. Alors que chaque travailleur se voit soutenu, aidé lors des épreuves de la vie, notamment par un système de chômage, l’artiste auteur bénéficie d’un triste privilège : celui de vivre selon les lois du XIXe siècle : devoir gagner assez d’argent pour se débrouiller seul ou crever ! Il peut pourtant vivre des moments difficiles dont les origines lui sont étrangères, par exemple la crise du disque qui a généré d’énormes baisses de revenus, une maladie, un accident, un burn-out… Et cette indignité, cette iniquité appauvrit, et tue : combien d’artistes auteurs ne bénéficient d’aucune protection ? Combien ne peuvent compter sur un revenu décent, malgré un travail acharné ? Récemment Alexandra Lazarescou, traductrice de deux pièces dans le « In », n’avait pas même été invitée à leur lecture et, malgré son désir, n’avait pas les moyens de se rendre au Festival, qui aime les auteurs, mais les oublie quelque peu lorsqu’ils ne font pas partie du cénacle. À plusieurs reprises, nous avions discuté de ses inquiétudes quant à la récupération de son travail par un réalisateur, de sa précarité, de la difficulté à se faire régler ses droits, de l’absence de considération, de l’oubli de son travail… Il y a quelques jours, épuisée sans doute, elle a mis fin à ses jours à 42 ans. Que cette brève contribution lui soit dédiée. Olivier Cohen Cette Tribune libre a été publiée dans le Bulletin des Auteurs n° 155. Photographie d’Olivier Cohen. Crédit : Manuel Gouthière
Le « Manifeste de l’Éco-scénographie » – Un entretien avec Camille Dugas, scénographe, membre de l’Union des Scénographes et du groupement Théâtre, Scénographie, Danse, au Snac.

Actualités Le « Manifeste de l’Éco-scénographie » – Un entretien avec Camille Dugas, scénographe, membre de l’Union des Scénographes et du groupement Théâtre, Scénographie, Danse, au Snac. Bulletin des Auteurs – Comment est né le « Manifeste de l’Éco-scénographie » ? Camille Dugas – À l’ère de la transformation écologique, il est important que les protagonistes qui sont à l’origine d’une scénographie agissent dans une direction commune d’éco-conception. Ce manifeste invite donc ces acteurs à des actions concrètes qui, à chaque étape, orientent les choix vers une “éco-scénographie”. Ce manifeste a pour vocation de promouvoir le réemploi et faciliter la réutilisation d’une scénographie, en anticipant, dès le départ du processus créatif, les problématiques souvent liées au réemploi : démontage, réutilisation de la matière première, réutilisation d’éléments standardisés… Ces nouvelles compétences acquises par les créateurs doivent être rémunérées, grâce aux économies réalisées sur les achats de matières premières. Ce changement vers une éco-scénographie ne peut se faire qu’en respectant pleinement la qualité d’auteur des créateurs : scénographes, créateurs costume… En effet, nous constatons encore trop souvent que des éléments d’œuvres originales sont réutilisés sans même que l’auteur en soit informé. Ces dérives concernent aussi bien le domaine de l’exposition que le domaine du spectacle vivant. Or, il est important de rappeler que la violation des droits d’auteurs est constitutive du délit de contrefaçon (CPI, art. L. 335-3). Le code de la propriété intellectuelle entend par contrefaçon tous les actes d’utilisation non autorisée de l’œuvre. L’encadrement lié au réemploi, dans les règles de l’art et au bénéfice de toutes les parties, est donc plus que nécessaire. C’est pourquoi le Manifeste d’Éco-scénographie présente des clauses types relatives aux conditions de réemploi, avec ou sans adaptation, et la rémunération, sous forme de droits d’auteur, qui peut en découler*. Nous souhaitons que ces clauses soient prévues dès le départ dans les contrats de cession de droits d’auteur des créateurs. Ce document contractuel qui encadre la diffusion d’une œuvre (conditions d’exploitation : durée ; conditions financières liées à la diffusion, à la captation, aux transmissions télévisuelles) doit aujourd’hui permettre d’anticiper sa réutilisation. L’absence de contrat de cession de droits d’auteur, le plus souvent par manque de connaissance, est encore aujourd’hui à déplorer. Or ces contrats de cession de droits d’auteur ont pour double vocation de protéger l’auteur et le diffuseur. L’argument financier est souvent avancé, alors même que la rémunération est basée sur un pourcentage de la recette (1 % est préconisé pour le scénographe et 0,5 % pour le créateur costume dans le spectacle vivant) et qu’il est tout à fait possible de signer des contrats de cession de droits à titre gracieux, si cela se justifiait. Par ce Manifeste, nous souhaitons donc promouvoir l’éco-scénographie et obtenir que les clauses qu’il propose, sur le chapitre de la déontologie, du réemploi d’éléments originaux, de la rémunération en cas de réemploi, du respect du droit moral, etc., soient incluses dès aujourd’hui dans chaque contrat de cession de droits d’auteur. B. A. – À qui s’adresse le Manifeste ? C. D. – À tous les acteurs qui interviennent à tous les moments de la vie d’une scénographie (décor ou costumes), qu’il s’agisse de la production, la conception, la construction, le démantèlement, la réutilisation : producteurs, scénographes d’exposition, de théâtre et d’opéra, créateurs de costumes, ateliers de construction des décors, directeurs techniques, etc. Il est important pour nous d’associer à ce projet les principaux représentants des producteurs, diffuseurs, directeurs techniques, concepteurs d’exposition comme Profedim, Syndeac, Reditec, xpo, et que ce texte fasse l’unanimité afin d’être pleinement diffusé et adopté. Notre Manifeste aura ainsi une audience et une application plus larges qu’auprès des seuls auteurs. La conception d’une éco-scénographie ne peut être que le fruit d’un effort commun. * Les éléments techniques et les éléments manufacturés, qui ne sont pas liés à la création originale et à la propriété intellectuelle, sont exclus du domaine des droits d’auteur. Crédit de la photo : Doriane Fréreau. Cet entretien est paru dans le Bulletin des Auteurs n° 152 (Janvier 2023).
MANIFESTE DE L’ÉCO-SCÉNOGRAPHIE : pour une déontologie des pratiques d’éco-conception

Actualités MANIFESTE DE L’ÉCO-SCÉNOGRAPHIE : pour une déontologie des pratiques d’éco-conception Le Snac soutient le MANIFESTE DE L’ÉCO-SCÉNOGRAPHIE, pour une déontologie des pratiques d’éco-conception rédigé et publié par l’Union des scénographes (l’UDS est membre du Snac). “Le réemploi constitue aujourd’hui l’une des pratiques de référence de l’économie circulaire : partir de la ressource matérielle, c’est aussi prendre au sérieux les droits d’auteur des créateurs. La quête d’une unité professionnelle est au cœur des actions de l’UDS (Union Des Scénographes). Ce manifeste traduit la volonté de coordonner les pratiques afin d’inciter la profession à adopter des comportements pour créer des nouvelles pratiques durables. Les scénographes sont ici, et pour la première fois, encouragés à adopter une posture forte et partagée sur le réemploi des scénographies existantes afin d’en favoriser massivement la pratique, tout en veillant à protéger les droits de chacun. Ces préoccupations écologiques s’accompagnent de la recherche d’outils méthodologiques adaptés aux scénographes, producteurs et directeurs techniques en faveur de l’économie durable et circulaire. Les éléments énoncés se rapportent à la législation, à la jurisprudence et à la réglementation applicables. Ils se fondent également sur des usages professionnels reconnus, dans le respect des intérêts de chacun.” Consulter le manifeste
Bourse Lagardère scénariste : dépôt avant le 4 juin

Actualités Bourse Lagardère scénariste : dépôt avant le 4 juin Dotée de 15 000 €, la bourse récompense chaque année un jeune professionnel de moins de 35 ans qui a un projet de scénario pour la télévision ou les plateformes (unitaire, sitcom, série, mini-série, short). Les dossiers de candidatures sont téléchargeables sur le site de la Fondation et doivent être retournés à la Fondation avant le 4 juin 2022.