Philharmonie : ce qui nous unit

Actualités Philharmonie : Ce qui nous unit Le Snac déplore et condamne les graves incidents ayant eu lieu le 6 novembre 2025 à la Philharmonie de Paris lors d’un concert de l’Orchestre philharmonique d’Israël consacré à Beethoven et Tchaïkovski. Un théâtre, une salle de concert sont des lieux de culture – une culture qui rassemble et se place au-dessus des haines, des peurs et des conflits. Vociférer, interrompre volontairement un spectacle, mettre en danger l’intégrité physique du public et des artistes comme cela a été le cas le 6 novembre 2025 n’est pas tolérable et porte atteinte aux libertés fondamentales. Le Snac condamne avec fermeté tout type d’action visant à intimider et réduire au silence les artistes, quelles que soient leur confession religieuse et leur nationalité, dans un objectif de récupération politique. Cette violence ne saurait se confondre avec les combats syndicaux légitimes portés par notre organisation et par d’autres, relatifs aux droits des musiciens et de tous les créateurs et créatrices. Nous disons NON à l’instrumentalisation du spectacle vivant. Le Groupement Musique Contemporaine du Snac Contact Presse: 01 48 74 96 30 / 06 73 69 04 38
Pour une réforme profonde du modèle économique du streaming – Un entretien avec Denis Levaillant

Actualités Pour une réforme profonde du modèle économique du streaming – Un entretien avec Denis Levaillant, compositeur, pianiste, auteur, président de la Fédération de la Composition – Musique de création (2021/2024). Bulletin des Auteurs – Les auteurs et compositeurs peuvent-ils se réjouir de l’essor du streaming ? Denis Levaillant – Nous sommes au Far West. Chaque jour, plus de 130 000 nouveaux titres sont diffusés sur les plateformes, en majorité du rap, de la dance, de l’électro, des variétés, ce que l’on nomme généralement le « mainstream » ; à leurs côtés on ne comptera que 200 titres de « classique » (toutes époques confondues). D’après une annonce récente de Deezer, 18 % de ces titres sont à présent des créations de l’IA. Dans le système actuel, le profit vient de l’utilisation de la masse des datas revendues par ceux qui les collectent. La conséquence immédiate de ce raz-de-marée quotidien est que les plateformes ne sont pas du tout encouragées à défendre la qualité ou l’originalité, contrairement aux distributeurs de disques d’antan. Les plateformes sont devenues les outils de promotion du « mainstream » dont les contenus leur sont fournis par les majors ou certains « indépendants ». Lesquelles sociétés tentent d’acquérir depuis peu des parts dans des sociétés comme Suno ou Udio, qui se spécialisent dans la facturation à leurs clients du service de créer des musiques à la demande, à partir des catalogues existants, en y entraînant leurs IA. À terme cela signifie la disparition des royalties et des droits d’auteur, puisque si j’aime un master de Denis Levaillant mais que j’aimerais entendre une version remixée avec ukulélé électrique, la solution me sera donnée par mon abonnement – et Denis Levaillant ne sera jamais rémunéré pour cette nouvelle version, bien sûr. Nous sommes au Far West et les premiers qui s’installent prennent les meilleures terres. Il est donc assez aisé de comprendre qu’il n’y a pas de revenus raisonnables du répertoire « classique » (comprenant ici le « contemporain ») dans l’industrie du streaming. B. A. – La Sacem vient de conclure un accord avec Deezer. D. L. – Au premier abord cette annonce de la Sacem apparaît d’abord comme une opération de communication, sans réel impact commercial. Deezer représente 10 millions d’abonnés payants, dont 60 % des revenus viennent de la France, là où Spotify en affiche 263 millions (en 2024) : c’est donc bien cette dernière plateforme qu’il faudrait convaincre de changer de politique. D’autant que Deezer perd beaucoup d’argent et devrait avoir beaucoup de mal à échapper à un rachat. Ensuite, il faut analyser en détail les informations qui nous sont données. Éliminer les fraudes IA et autres n’est pour moi pas du tout un résultat de négociation valable, puisque le devoir de toute plateforme est bien entendu de ne pas proposer à ses clients des marchandises illégales. Cet accord ne s’attaque pas du tout au noeud du problème : la répartition aujourd’hui n’est pas égalitaire. Étant calculée au prorata global du nombre de streams, elle favorise les artistes les plus en vue. Si vous êtes abonné et que vous n’écoutiez que du Levaillant par exemple, eh bien l’argent de votre abonnement ira malgré tout à Rihanna et non à moi – et cela ne changera pas car le plafond défini de 1000 streams mensuels pour un titre avec 500 abonnés différents est extrêmement élevé et éliminera beaucoup de monde. Avec in fine le danger de voir Deezer et les majors décider qui est un « vrai artiste », ce qui n’est pas vraiment démocratique. Il semble donc bien que ce modèle « Artist-Centric » va donner au final plus aux plus gros et moins aux petits, et ne changera pas grand-chose au matraquage des genres mainstream, car il y a gros à parier que les « fermes à streams » seront remplacées très vite par des systèmes encore plus performants. B. A. – Que faudrait-il changer ? D. L. – Trois pistes de réformes s’imposent, qui convergent dans l’idée que la répartition vienne de la consommation réelle, en termes de genres et de durées. Le revenu de chaque abonné devrait être fléché vers ce qu’il écoute en priorité. Lorsqu’en Avril 2024 Spotify a modifié son système de rétribution en ne payant un titre qu’à partir de 1000 streams par an, le principe d’équité a été largement bafoué. 1/ La rémunération à la seconde Une des disparités principales tient au principe de la rétribution à l’acte et non au temps : une écoute de cinq minutes d’un mouvement symphonique sera rétribuée autant qu’une écoute de trente secondes de rap (la première boucle). Imaginez si ce principe était appliqué par les sociétés de droits d’auteur dans l’audiovisuel ! La rémunération à la seconde – pratiquée par la Sacem – est aujourd’hui la seule qui soit un minimum équitable entre les genres. Malheureusement ce principe de répartition n’a pas été négocié en temps utile. 2/ Le prix unique Autre disparité voire incohérence : il n’y a que dans le streaming qu’un producteur ne peut fixer son prix de gros HT, qui est défini par les plateformes. Imagine-t-on aujourd’hui ce modèle appliqué au livre ? Ce serait la ruine des libraires et de la plupart des éditeurs. Un producteur peut toujours fixer son prix pour le téléchargement payant, qui à une certaine époque a très bien fonctionné, mais a été quasiment tué dans l’oeuf par les labels classiques qui n’ont pas vu arriver le monde numérique. La piste du prix unique devrait être sérieusement étudiée, même si évidemment le stream n’est pas comparable à un achat d’objet. Aujourd’hui, pour chaque stream, la répartition des revenus est ainsi établie : 30% pour la plateforme, 54% — soit 80% des 70% restants — pour le producteur du master, et 16% pour le publishing (éditeur/compositeur), via les sociétés de gestion des droits comme la Sacem. En moyenne ce pourcentage pour le producteur s’élève à 0,004 € par stream, mais cette rétribution diffère d’une plateforme à l’autre, car elle dépend des
Félicitations à Jean-Baptiste Gourdin pour sa nomination à la présidence du CNM

Actualités Félicitations à Jean-Baptiste Gourdin pour sa nomination à la présidence du CNM Le Syndicat National des Auteurs et des Compositeurs (SNAC) félicite chaleureusement Jean-Baptiste Gourdin pour sa nomination à la tête du Centre National de la Musique (CNM). Nous lui transmettons tous nos vœux de réussite pour cette nouvelle fonction au sein de cet établissement, pour lequel il s’était déjà engagé lors de sa création. Son arrivée au CNM constitue une opportunité de renforcer encore davantage les initiatives de soutien aux autrices/auteurs et compositrices/compositeurs. Fort d’un parcours marqué par son engagement en faveur de la filière créative, notamment au sein de la Direction générale des médias et des industries culturelles du ministère de la Culture, son expertise du secteur et sa volonté d’installer un dialogue constructif entre les acteurs seront des atouts précieux pour renforcer le rôle du CNM. Le SNAC tient également à saluer le travail accompli par Jean-Philippe Thiellay, premier président du CNM, et Romain Laleix, directeur général délégué, pour leur rôle déterminant dans le lancement du CNM, dans un contexte particulièrement difficile. Le SNAC exprime sa volonté de poursuivre un travail commun avec le CNM afin de valoriser la création musicale. Nous lui souhaitons pleine réussite dans ses nouvelles responsabilités et espérons que cette nouvelle dynamique profitera à l’ensemble des autrices/auteurs et des compositrices/compositeurs, et notamment dans le cadre de la réforme des aides du CNM. Contact : Maïa Bensimon – contact@snac.fr – 01 48 74 96 30
L’Assemblée Générale d’Ecsa à Paris – Un entretien avec Bernard Grimaldi

Actualités L’Assemblée Générale d’Ecsa à Paris – Un entretien avec Bernard Grimaldi, compositeur, président d’honneur de U2C, co-président fondateur et vice-président d’honneur d’Ecsa. Bulletin des Auteurs – Les 13 et 14 novembre derniers, la France a accueilli l’Assemblée générale d’Ecsa. Bernard Grimaldi – C’était la première fois que la France, qui est un membre fondateur d’Ecsa, je dirais même le pays qui a initié cette dynamique d’union européenne des compositeurs, accueillait l’Assemblée Générale comme le font les pays membres qui le souhaitent lors de nos assemblées générales d’été. Un peu d’histoire pour comprendre : Avant Ecsa il y eut « Fface » (« Federation of Film and Audiovisual Composers of Europe »), qui reste historiquement la première fédération européenne de compositeurs et dont j’ai eu l’honneur d’être le président fondateur. Cette initiative française, née de rencontres durant le Festival de Cannes autour du petit pavillon de la musique de film que l’UCMF animait à partir de 2004, fut suivie très rapidement par la création d’« ECF » à Vienne qui, à l’initiative de mon collègue et ami Klaus Ager, put réunir au plan européen les organisations nationales de compositeurs de musiques classiques et contemporaines. Il ne manquait plus que les compositeurs et auteurs-compositeurs de musiques populaires et c’est avec l’aide précieuse de David Ferguson, auteur-compositeur britannique malheureusement disparu trop vite, que nous pûmes créer cette troisième fédération, « Apcoe ». C’est à partir de cette architecture, qui respectait les sensibilités de créateurs nourris de cultures très diverses et issus d’horizons très différents, que nous pûmes installer ce climat essentiel de confiance réciproque qui reste l’ADN de notre organisation et qui permit, avec la réunion de ces trois piliers il y a seize ans, la naissance d’Ecsa. Durant tout ce processus la France a joué un rôle primordial et essentiel. La France est aussi historiquement le pays du droit d’auteur, elle est enfin traditionnellement au sein de l’Union Européenne le plus ardent défenseur de la culture. Nous avions donc l’ambition de faire de notre mieux pour être à la hauteur de l’occasion… Nos trois organisations professionnelles françaises d’auteurs et compositeurs, U2C, Unac et Snac, membres d’Ecsa depuis l’origine, avaient proposé dès 2019 la tenue de l’Assemblée générale en France mais la pandémie a suspendu ce projet. Nous sommes revenus à la charge ensuite. B. A. – Vous avez organisé l’Assemblée Générale, mais aussi des tables rondes. B. G. – Nos trois organisations professionnelles ont mis sur pied un groupe de travail pour préparer cet événement, qui dans notre esprit devait inclure un volet « tables rondes » sur des sujets importants pour les créateurs de musique ainsi que, évidemment, les « Camille Awards » qu’Ecsa organise bi-annuellement avec le soutien du programme « Creative Europe » de la Commission Européenne. La première table ronde était consacrée à l’initiative « Fair Music Project », un projet initié par notre organisation sœur suédoise, la Skap, en partenariat avec l’IMC, organisation issue de l’Unesco et regroupant l’ensemble des structures qui ont trait à la musique au plan mondial. Ce projet, qui vient d’obtenir le soutien de la Commission Européenne, vise à explorer les nouvelles technologies qui pourraient être mises en place afin de mieux identifier les œuvres, mieux répartir les droits, améliorer la transparence des flux, bref : mieux servir les créateurs dans un monde qui bouge de plus en plus vite. Aujourd’hui l’I.A. est là, la « block-chain » est là. Ces technologies sont en train d’évoluer exponentiellement et si nous, les créateurs, ne prenons pas à bras le corps ces défis pour en faire des opportunités, si nous ne parvenons pas à être une force de proposition pour garder une forme de gouvernance sur ces évolutions, le droit d’auteur, qui nous permet de vivre, sera grignoté jusqu’à être réduit à la portion congrue tôt ou tard, c’est une certitude. Le but de cette table ronde n’était pas de répéter avec les mêmes invités les mêmes discours sur les dangers de l’intelligence artificielle ou de dénoncer le déséquilibre de la répartition des flux d’argent dans l’écosystème du streaming. Le but était de réunir des personnalités diverses (tech, créateurs, sociétés de droits collectifs) plutôt expertes dans ces domaines et très concernées par ces évolutions, afin de créer des synergies qui permettent d’avancer concrètement. La conversation fut riche et fructueuse et il me semble, au vu des retours que j’ai pu avoir, que nous avançons. Pour la deuxième table ronde nous souhaitions avoir la présence du Centre national de la Musique, qui a par ailleurs son siège tout près de la BnF. Nou avons donc construit cette table ronde autour d’un projet initié au départ par le CNM au moment de la présidence française de l’Europe, qui a ensuite été développé sous les présidences tchèque, suédoise et belge qui ont suivi. Intitulée « One Voice for European Music », cette initiative a pour ambition de créer des synergies entre les acteurs culturels liés à la musique des différents pays et territoires européens, de mieux utiliser la richesse et la diversité qui font notre continent. Elle a plusieurs volets : l’identification, la cartographie, la mise en relation, la création d’une éventuelle base de données à l’échelon européen. C’est un projet ambitieux et nécessaire si l’Europe de la culture veut préserver et développer son identité. La présidente de l’IMC et la secrétaire générale de l’« European Music Council » (EMC) ont assuré la modération de cette deuxième table ronde, à laquelle a participé Florencia Di Concilio, compositrice française d’origine uruguayenne de musiques de films. La troisième et dernière table ronde était en lien avec la cérémonie des Camille Awards qui allait avoir lieu le soir même dans le grand auditorium de la BnF. Nous avons souhaité la consacrer à la place des compositrices dans la musique de film. Les mentalités ont bien évolué depuis deux décennies, et même s’il reste encore des efforts à faire pour en terminer définitivement avec les vieux réflexes patriarcaux poussiéreux, il suffisait de voir les nominés des Camille Awards 2025 pour
L’Intelligence artificielle (IA) et la Création musicale – par Greco Casadesus, compositeur.

Actualités L’Intelligence artificielle (IA) et la Création musicale – par Greco Casadesus, compositeur. Voici l’extrait d’un article paru dans « Les Échos » en 1996 : Plus l’œuvre mise à disposition est segmentée, plus l’accès à cette fragmentation autorise une ré-ordination dans laquelle le droit moral ne peut être respecté, et ceci tout simplement parce que l’artiste n’a plus aucun moyen physique d’exiger l’intégrité de son œuvre. L’informatique, outil fabuleux, par le biais d’intelligences artificielles de plus en plus affinées, se substitue à l’esprit de conception, à l’âme et à la notion d’originalité qu’elle bafoue en la mystifiant. Lorsque j’ai écrit ces lignes voici vingt-huit ans[1], je n’imaginais pas que l’IA prendrait sa place de façon aussi exponentielle. Certes, certains outils de l’époque – que j’appelle la lutherie électronique (les synthés, les ordinateurs, en bref la place croissante de l’électronique dans l’élaboration des musiques) – m’indiquaient qu’une conflagration allait manifestement se produire, mais il m’était impossible de prévoir une période d’aboutissement. Aujourd’hui, c’est avéré : l’IA s’est immiscée dans nos vies, dans nos textes et dans nos musiques, de façon aussi insidieuse que fulgurante ! En 2006, lors d’un nouvel écrit[2], j’avais bien pris conscience qu’une prolifération des créateurs s’annonçait, que l’œuvre et son ersatz allaient se confondre dans un amalgame organisé par des réseaux de l’industrie technomusicale ayant flairé un marché prometteur et foisonnant. Nous y sommes ! Certes, l’IA générative (et non créative…) n’est qu’un outil analytique à la puissance de calcul incroyablement rapide ; mais elle n’a pas de conscience, elle ne doute pas et ne sait pas se remettre en cause. Donc, a priori, elle ne peut pas avoir d’intuition, donc d’imagination, en tous les cas comme un humain. Il n’y a pas longtemps, on se moquait des piètres résultats musicaux de l’IA ; mais chaque jour, ceux-ci sont de plus en plus bluffants, ce qui bouleverse nos repères. Et cette évolution est galopante ! L’audiovisuel : un domaine impacté. Le domaine de l’audiovisuel sera très largement impacté. L’état de crise s’accentuera avec d’un côté, en petits nombres, les créatrices et créateurs éminents, influents, bankables, demandés pour des raisons de qualité, de sensibilité et de marketing. Ils seront approchés par des productions soucieuses de préserver et d’appliquer certaines valeurs fondamentales. Et pour les autres, très nombreux, une véritable compétition avec l’IA a déjà commencé ! Des équipes de réalisation vont préférer l’immédiateté, les coûts réduits, le dialogue avec les machines plutôt qu’avec des humains, machines auxquelles on lancera des requêtes illimitées… Dans un premier temps, ces productions concerneront des ambiances musicales et sonores plutôt que de belles envolées lyriques et enivrantes. Je mentionne « sonores », car il n’y a aucune raison que le domaine des bruitages et autres effets ne soient pas concernés. Les principales caractéristiques d’une séquence d’images seront analysées et rapprochées des bases d’entraînement : le rythme du montage, l’expression faciale et corporelle des acteurs, le déplacement des objets, les variations de couleurs, les mouvements de caméra, la bande-son, etc. Les requêtes concerneront de nombreux critères : les sentiments à transmettre, le tempo, les couleurs et styles musicaux, mais aussi les césures souhaitées ou tout élément intentionnel ou aléatoire… Insatisfait, le réalisateur (ou tout autre membre de l’équipe) pourra reformuler des requêtes illimitées. Puis, en cas de validation, se posera la délicate question de la paternité et les droits susceptibles de découler de cette manipulation… Cette analyse s’applique bien entendu au sous-titrageet au doublage. Le premier se voit déjà largement remplacé par des propositions automatiques dont les résultats ne sont pas toujours convaincants ; donc, afin d’introduire certaines subtilités absentes concernant le sens du message ou les tournures de phrases, le texte est revisité par des professionnels dont la marge de manœuvre, on le comprendra, est plutôt réduite. Mais l’IA apprend en permanence et progresse très très vite… Quant au second, la modélisation (le clonage augmenté) va mettre à mal une économie presque centenaire. Associer à une voix quelconque le timbre (la caractéristique sonore) d’une autre voix (une chanteuse, un comédien ou un politicien) est désormais à portée de tous. Les manipulations malintentionnées (deep fake) sont déjà nombreuses.Ces techniques évoluent très rapidement et l’on peut imaginer dans un avenir plus ou moins proche la voix clonée de Tom Cruise (par exemple) s’exprimanten français, danois ou espagnol, avec ses inflexions originelles associées à une parfaite synchronisation des labiales. La stratégie du producteur ou du diffuseur appliquant ou non la méthode humaine sera déterminante pour préserver le droit et la rémunération de beaucoup de professionnels du doublage. Mais revenons à la musique : je vois au moins trois domaines que l’IA va investir amplement. Générer des idées. À l’origine du message préexiste l’idée. Chez l’humain, du moins. Pas d’idées, manque d’idée ? Pas de problème ! Je joue ou je chante deux notes, et je fais référence à un style ou un échantillon : j’obtiens alors de nombreuses propositions de mélodiesassociées à des accords en cohérence avec les règles de l’harmonie et de l’orchestration (il serait temps…) Ces propositions seront associées àdes sonorités adaptées offertes par les gigantesques librairies d’instruments virtuels désormais pilotées par leur propre IA. Je rappelle que les instruments virtuels sont des générateurs sonores qui, soit imitent les vrais instruments avec un réalisme de plus en plus convaincant, soit inventent des sonorités inconnues. La MAO (Musique Assistée par Ordinateur) va devenir une MAIA (Musique assistée par l’Intelligence Artificielle). La modélisation & la transformation des timbres. Nous venons de l’évoquer dans la partie doublage, ressusciter la voix d’un artiste disparu (ou pas) pour l’adapter à un univers musical contemporain (ou le contraire) sera courant. Le musicochimérisme. Dans la mythologie grecque, la chimère est une créature fantastique ayant une tête de lion, un corps de chèvre et une queue de serpent, qui crachait le feu et dévorait les humains. Le musicochimérisme procède du même principe, mais ne dévore pas encore les humains… En déconstruisant nos fichiers audio pour s’approprier la signature sonore de nos œuvres afin de la redistribuer lors de montages complexes dénaturant l’œuvre originale, de nouvelles esthétiques vont apparaître et bouleverser notre secteur. Par exemple, après s’être accaparé les caractéristiques stylistiques d’un Avicii, d’un Ravel et d’un Duke Ellington, l’IA sera capable de produire
Les auteurs et les compositeurs à l’heure de l’IA – Un entretien avec Patrick Sigwalt, compositeur, président du conseil scientifique et de l’innovation de la Sacem, vice-président du Snac, ancien président de la Sacem.

Actualités Les auteurs et les compositeurs à l’heure de l’IA – Un entretien avec Patrick Sigwalt, compositeur, président du conseil scientifique et de l’innovation de la Sacem, vice-président du Snac, ancien président de la Sacem. Bulletin des Auteurs – La Sacem et la Gema (société allemande de gestion des droits d’auteur) ont publié les résultats d’une étude sur l’impact de l’intelligence artificielle dans la musique. Patrick Sigwalt – Cette étude a été conduite auprès de 15 000 créateurs, membres de la Gema et de la Sacem. Les quelques chiffres à retenir sont les suivants : 35 % des personnes qui ont répondu à cette étude ont déjà utilisé l’IA comme un outil au service de leur création ou comme aide à la réalisation de leurs projets. On estime que le marché de l’IA générative dans la musique, qui pèse aujourd’hui 300 millions de dollars, représentera plus de trois milliards de dollars en 2028. Les deux problématiques qui ressortent pour nous, auteurs et compositeurs, sont d’une part, qu’une rémunération doit être garantie quand nos œuvres alimentent les bases d’entraînement de l’IA générative. D’autre part, nous demandons une protection des revenus liés à nos œuvres quand les plateformes de streaming seront noyées, ce que nous redoutons, par des contenus provenant de l’IA. Aujourd’hui 120 000 titres par jour sont déversés sur les plateformes de streaming et, à l’horizon 2028, cela pourrait tripler. À terme la moitié des contenus ne seront plus des œuvres de création humaine. Les revenus des créateurs dont les œuvres auront servi aux bases d’entraînement à l’origine de nouveaux contenus devront être protégés. On considère que, d’ici 2028, les revenus des créateurs pourraient baisser de 27 %, et 71 % des créateurs pensent que l’IA menacera directement la possibilité de vivre de leur travail. Il y a donc une crainte extrêmement élevée chez les auteurs de la musique, mais aussi de l’ensemble des industries créatives face à l’IA. 64 % des personnes qui ont répondu évaluent que les risques impliqués par l’IA dépassent ses bénéfices. 90 % des membres de la Gema et de la Sacem qui ont répondu, soit la quasi-totalité, demandent une rémunération pour l’utilisation de leurs œuvres par l’IA. Pour ce faire, nous disposerions de plusieurs pistes, comme celle d’un dispositif qui s’inspirerait de celui de la copie privée. Ce processus, que nous maîtrisons parfaitement, demande à être travaillé pour répondre au mieux à ces nouveaux enjeux. Il permettrait de rémunérer directement les créateurs et de compenser immédiatement leur perte de revenus due à l’IA. Pour y parvenir il faut que l’IA soit identifiée comme telle. Nous devons savoir ce qui provient de l’IA, et ce qui relève d’une œuvre de l’esprit. 89 % des personnes qui ont participé à l’étude le demandent. Nous devons donc nous atteler à rendre transparentes les IA et notamment les IA génératives. 90 % souhaitent que leur permission soit exigible avant que leurs œuvres ne soient utilisées. C’est un vœu pieux quand on sait que, dans quelques mois maintenant, l’ensemble de ce qui aura transité sur internet depuis sa création aura été fouillé. Il nous faut donc arrêter d’opposer en permanence innovation et culture et prôner ensemble une IA transparente et vertueuse qui prenne réellement en compte l’apport indispensable des auteurs et des compositeurs dans l’élaboration de ces nouveaux contenus. Le droit d’opposition (opt-out) que la Sacem a été la première à mettre en place, nous donne tout de même un levier pour nous opposer en cas de litige. Mais donner son accord en amont paraît un combat perdu depuis déjà longtemps. B. A. – Personnellement, cette étude confirme-t-elle ce que vous anticipez ? P. S. – Je pense que les risques induits par l’IA dépasseront largement ses bénéfices, dans le domaine de la musique mais aussi de la culture en général, si nous ne prenons pas des mesures aussi rapides que fortes. Dans le cadre du Conseil Scientifique et de l’Innovation de la Sacem, nous avons déclaré très tôt que la France devait se tenir là où elle s’est toujours tenue, dans la défense du droit d’auteur qu’elle a elle-même inventé en sortant du siècle des lumières. J’ai publiquement demandé une régulation des nouvelles pratiques et dénoncé la position de blocage lors de l’adoption de l’« IA Act » au niveau européen. Je pense que l’exécutif français a subi un lobbying puissant de la part d’intérêts commerciaux privés qui souhaitent opposer culture et Innovation, ce qui est historiquement absurde. De mon point de vue, les sociétés françaises développant de l’IA devraient au contraire se démarquer de leur concurrence étrangère par leur transparence et la traçabilité de leurs données. Cela leur donnerait un avantage concurrentiel quant à la sécurité juridique de leurs produits. Le milieu culturel français s’est toujours tenu à l’avant-garde de l’innovation. ce titre, nous regrettons que le comité interministériel pour l’IA, placé sous l’autorité de Matignon, n’ait pas fait une vraie place à la culture. Les auteurs et les compositeurs ont toujours accompagné avec bonheur les évolutions technologiques de façon responsable, transparente, et éthique. Les prises de bénéfices de Google dans des OGC devenus à but lucratif comme BMI ou dans des licornes françaises comme Mistral nous inquiètent quant à la dérégulation souhaitée par cette multinationale. Heureusement la législation européenne de l’IA a été adoptée, l’Allemagne et l’Italie se sont désolidarisées de la surprenante et ponctuelle position française. J’en appelle aujourd’hui à notre ministre de la Culture. Les industries créatives représentent une économie plus importante que celle de l’industrie automobile et celle du luxe. Près d’un million et demi d’emplois non délocalisables sont concernés. L’enjeu est démocratique, car c’est bien sa culture qui définit un peuple. Comment pourrait-on définir la France sans évoquer son architecture, sa littérature, sa peinture ou sa musique ? Et comment garantir son rayonnement culturel sans protéger celles et ceux qui créent aujourd’hui les œuvres de demain ? En 2019, notre mobilisation a été totale et, contre toute attente, nous avons fait adopter la directive européenne « Droit d’auteur » face aux Gafam. L’IA met en lumière l’importance du droit d’auteur et l’impérieuse nécessité de faire vivre celles et ceux qui façonnent aujourd’hui la culture de demain. Depuis près de
Le retour de l’essentialisme. Assignation identitaire et retournement du stigmate – par Jean-Loup Amselle, anthropologue et ethnologue.

Actualités Le retour de l’essentialisme. Assignation identitaire et retournement du stigmate – par Jean-Loup Amselle, anthropologue et ethnologue. Peut-on écrire une femme quand on « est » un homme ? Et réciproquement ? Peut-on écrire un « Blanc » quand on est un « Noir » ? Et réciproquement ? Quid de la traduction française d’un auteur Cherokee ? Les auteurs français ayant une « gueule d’étranger » doivent-ils être cantonnés dans une littérature dite « à part », dite « francophone » ? Ce sont des questions auxquelles sont confrontés les auteurs, dans le livre, mais pas uniquement. Nombre d’entre eux dénoncent ces assignations identitaires, qui sont à l’origine d’injonctions de contenu remettant en cause la liberté de création. Percival Everett abordait déjà cette problématique dans son roman « Effacement », écrit en 2001 et adapté au cinéma en 2023 sous le titre « American Fiction ». Le Snac a organisé deux webinaires sur cette question : # 1 – Liberté de création & Assignations identitaires : État des lieux. https://youtu.be/WJN9yJrczVQ?si=4X3eOTzTdq0JAaRI # 2 – La catégorie Francophone. https://youtu.be/aB_cks6YrV0?si=e565yTrI3Nh6_9rY Des auteurs comme Shumona Sinha et Bessora ont publié dans le « Bulletin des Auteurs » des textes sur le sujet. Ci-dessous, Jean-Loup Amselle nous propose une réflexion sur le retour de l’essentialisme. Lorsque Césaire et Senghor créent le concept de « négritude », ils s’emparent d’un stigmate infâmant qui leur est accolé, celui de « nègre » et le retournent pour en faire un objet de fierté, une sorte de « black pride ». Vous nous avez insultés en nous traitant de « nègres », nous disent-ils, eh bien soit, nous assumons cette insulte et nous nous en emparons en faisant de ce stigmate une valeur positive. La négritude, telle qu’elle est conçue par Césaire et Senghor, est donc une forme d’essentialisme et elle a été très tôt critiquée comme telle notamment par Jean-Paul Sartre dans « Orphée noir », la préface à la « Nouvelle Anthologie de la poésie nègre et malgache de langue française » de Senghor (1948)[1]. Dans cette préface, Sartre conseille aux Africains de ne pas se tourner vers le passé (« Orphée ») et de considérer que la négritude n’est qu’une phase d’affirmation identitaire sans doute nécessaire mais qui n’est pas destinée à durer puisqu’elle sera vouée à disparaître dans le cadre du socialisme. Là est déjà en germe la notion d’« essentialisme stratégique », telle qu’elle sera développée ultérieurement, comme on le verra, par Gayatri Spivak. La notion de « négritude » s’attirera rapidement des critiques venues de tout bord, celle du philosophe béninois Stanislas Adotevi dans « Négritudes et Négrologues » (1970)[2], lequel voit dans Senghor un suppôt du colonialisme français, celle de l’écrivain nigérian Wole Soyinga pour lequel « le tigre ne proclame pas sa tigritude, il bondit » (1966), ou bien encore de Yambo Ouologuem qui, dans « Le Devoir de violence » (1968), renvoie les difficultés de l’Afrique actuelle à la période précoloniale, et donc exempte d’une certaine façon le colonialisme[3]. Le sort de la « négritude » semble donc être scellé en tant que figure majeure de l’essentialisme au profit d’analyses contextualisées des réalités africaines, et cela d’autant plus que Senghor est contesté à cette époque en raison de ses liens très étroits avec l’ancienne puissance coloniale. Mais c’est sans compter avec l’essor des études postcoloniales et notamment des « Subaltern Studies » qui se développent en Inde puis aux États-Unis dans les années 1990[4]. Axées sur une critique de l’historiographie indienne classique, ces études qui s’appuient notamment sur les idées de A. Gramsci et de W. Benjamin, visent à lire les archives coloniales « à rebours » afin de remettre sur le devant de la scène les différentes formes de la conscience populaire telles qu’elles ont émergé dans les grèves et les révoltes indiennes. L’un des membres de cette école historienne, Gayatri Spivak,redonne vie, d’une certaine façon, à la négritude de Senghor et de Césaire en pointant, comme on l’a dit, la nécessité de recourir au concept d’« essentialisme stratégique » dans un but d’affirmation identitaire. Car, après la chute du mur de Berlin, il n’est plus question, comme du temps de Sartre, d’espérer que les identités essentialisées disparaîtront d’elles-mêmes dans le cadre du paradis communiste. Désormais, les expressions culturelles, de race ou de genre, qu’elles soient africaines, indiennes, ou amérindiennes, sont destinées à durer sub specie aeternitatis et ne sauraient donc être un appoint à la lutte des classes. C’est dans cette optique qu’il faut replacer le célèbre essai de Gayatri Spivak « Les Subalternes peuvent-elles s’exprimer ? »[5]. Ce tournant essentialiste n’est pas seulement le fait de celle qui apparaît aujourd’hui comme une figure éminente du féminisme postcolonial. C’est toute l’école des « Subaltern Studies » indienne qui opère, dans une deuxième phase, un changement profond de paradigme avec le départ de certains de ses membres aux États-Unis (Gayatri Spivak, Partha Chaterjee, Dipesh Chakarabarty, etc.) et l’influence conjuguée des idées de la « French Theory » (M. Foucault, J. Derrida, G. Deleuze), de celles de M. Heidegger et de l’ethnologie indianiste (L. Dumont). Désormais, le marxisme, parfois teintée de maoïsme, comme chez le chef de file de ce mouvement – Ranajit Guha, n’est plus de mise. En lieu et place, le projecteur est désormais orienté vers les valeurs essentielles de la culture indienne telles qu’elles figurent notamment dans les épopées comme le Mahabharata ou le Ramayana ou dans la pensée védique (Ashis Nandy). On retrouve cette même inflexion dans la mouvance décoloniale qui présente maintes ressemblances avec le postcolonialisme et apparaît à certains égards comme son prolongement. Dans la pensée décoloniale, le marxisme et la dialectique sont dévalorisés au profit de la mise en avant de ce que E. Dussel, par exemple, nomme l’« analectique », c’est-à-dire des valeurs amérindiennes essentialisées comme la Pachamama ou le « buen vivir ». De la sorte, l’action des entreprises minières capitalistes en Amérique du Sud est vue davantage comme un viol de la Terre-Mère que comme le simple produit de l’exploitation capitaliste. Avec le postcolonialisme et la pensée décoloniale, il se produit un surgissement de pensées alternatives qui s’opposent à l’universalisme perçu comme la résultante de la domination occidentale. On assiste donc au triomphe du relativisme culturel et à la revendication d’un essentialisme identitaire comme chez Norman Ajari ou Houria Bouteldja[6]. Pour ces auteurs, les mœurs et les coutumes de chaque groupe discriminé ne sauraient être mises en cause au nom de l’universalité des droits de l’homme. Elles ne sauraient pas être
La rémunération proportionnelle doit entrer dans les mœurs. – Un entretien avec Christophe Héral, compositeur de musiques de jeux vidéo, membre du groupement « Musiques à l’image ».

Actualités La rémunération proportionnelle doit entrer dans les mœurs. – Un entretien avec Christophe Héral, compositeur de musiques de jeux vidéo, membre du groupement « Musiques à l’image ». Bulletin des Auteurs – Quelles sont les pratiques qui régissent la rémunération des compositeurs de musiques pour les jeux vidéo ? Christophe Héral – Dans les années 1990, les éditeurs de jeux vidéo proposaient aux compositeurs français des contrats sous la forme juridique du « Work for Hire » : « Je t’achète ton œuvre et elle m’appartient ». Une telle cession incluait le droit moral. Aucune rémunération proportionnelle n’était consentie. Aux États-Unis, même sous le régime du Copyright, certains compositeurs peuvent avoir une rémunération liée à l’exploitation de l’œuvre, en tant que co-producteurs, la valeur de leur talent, de leur nom, étant considérée comme un capital apporté à l’entreprise. Le pékin moyen, lui, n’a droit à rien. L’intervention de la Sacem, s’appuyant sur le droit de la propriété intellectuelle, s’est révélée contre-productive, dans la mesure où elle est devenue la bête noire de l’industrie du jeu vidéo, dont le chiffre d’affaires dépasse depuis cinq ou six ans celui du cinéma dans le monde. Les compositeurs français, voire européens, ont été ainsi mis au ban des maisons de production. La jurisprudence actuelle a statué, affirmant que le jeu vidéo n’est pas qu’une œuvre collective, mais est une œuvre collective et de collaboration, et que les graphistes, les scénaristes, c’est-à-dire les auteurs de la narration, comme les compositeurs, sont soumis aux règles de l’œuvre de collaboration. On peut nommer ce qui a été créé, et les gens qui l’ont créé. La musique peut être extraite d’un jeu et avoir une vie autonome, comme dans toute œuvre audiovisuelle. Je crée pour le jeu vidéo depuis 1999. Je suis peut-être à l’origine de cette nouvelle position de la Sacem, que j’avais alertée sur ce type de contrat, quand je travaillais sur « Beyond Good and Evil ». Dans un premier mouvement la Sacem m’avait répondu que, dans ces conditions, je n’avais pas le droit de créer pour le jeu vidéo. J’ai opposé qu’une société d’auteurs ne pouvait m’interdire, à moi auteur, de travailler avec un autre auteur, à savoir le réalisateur du jeu. « Faites-le, mais ne le dites pas », m’a-t-il alors été conseillé. Au moment de la signature du contrat avec Ubisoft pour la musique de « Tintin and the secret of the Unicorn », le jeu officiel du film « Le Secret de la Licorne », comme un bon petit soldat j’ai recontacté la Sacem, où Catherine Kerr-Vignale, directrice de la SDRM [Société pour l’administration du droit de reproduction mécanique] m’a confirmé la position de son organisme. Je me sentais une responsabilité, alors que je pouvais travailler dans cette industrie, vis-à-vis des jeunes compositeurs qui m’interrogeaient parce qu’ils ne comprenaient pas pourquoi, à cause de leur nationalité, les maisons de production les éconduisaient. Et ça continue aujourd’hui. J’étais assez proche de Catherine Kerr-Vignale, ensemble nous essayions de trouver une solution. À l’occasion de la signature du contrat pour « Rayman Origins », la Sacem n’était toujours pas prête. Mon nom figurait sur les jacquettes, mais ma musique était intégrée au jeu vidéo, sans sortie physique audio. Par ailleurs je ne pouvais pas cotiser via la Sacem à l’assurance Retraite. J’avais une société, qui facturait à Ubisoft. Est arrivé « Rayman Legends ». J’ai exposé à la Sacem qu’elle autorisait un de ses membres à traverser hors des clous. C’est enfin un jeu intitulé « Just dance » qui a permis l’élaboration d’un contrat qui autorisait à encapsuler dans un jeu vidéo des musiques préenregistrées, qui appartenaient déjà au catalogue de la Sacem. Ce contrat s’est ensuite appliqué à la musique originale, dans le cadre d’un accord tripartite, entre la Sacem, l’éditeur de jeu vidéo et le compositeur. Désormais, un premier contrat me lie à l’éditeur pour un tiers de la somme en jeu. C’est un contrat normal de producteur à compositeur. Un deuxième contrat lie l’éditeurà la Sacem pour les deux tiers restants, d’entreprise à entreprise, qui oblige l’éditeur à une reddition des comptes, avec droit de contrôle pour la Sacem. Les frais de gestion de la Sacem s’élèvent à 5 %. La facture Ubisoft/ Sacem est décorrélée des répartitions, ce qui permet de payer plus rapidement les droits d’auteur. B. A. – Grâce à vos actions répétées, les difficultés se sont ainsi aplanies. Ch. H. – Le jeu vidéo a quand même essuyé quelques plâtres, parce que les ressources humaines de la Sacem n’étaient pas à la hauteur. Une seule personne avait en responsabilité Apple Music, toutes les licences liées à l’exploitation numérique, et le jeu vidéo, ce qui générait des délais de réponse pas acceptables par les éditeurs. Peut-être que le jeu vidéo, et ses musiques, n’étaient pas assez considérés. Depuis 2023 Louis Fritsch s’occupe exclusivement du jeu vidéo, devenant ainsi la personne référente qui établit la passerelle entre les compositeurs, éditeurs et Sacem. B. A. – La voie est-elle ouverte désormais aux jeunes compositeurs et compositrices ? Ch. H. – Le problème juridique demeure, car le jeu vidéo est globalisé. Une musique pour un jeu est pour le monde entier. Si l’éditeur français ne peut vendre son jeu à un diffuseur américain, la situation est bloquée. Le fait d’être français empêche toujours de travailler. La loi internationale s’impose à la loi française, ou européenne. C’est la loi du marché. Les États-Unis ne veulent pas entendre parler d’une rémunération proportionnelle. Le créateur de Batman, ou de n’importe quel personnage chez Marvel, peut très bien mourir dans la dèche. Le syndicat national des éditeurs de jeux vidéo [SNJV] ne facilite pas l’application de l’accord tripartite. Quant à l’Association française pour le jeu vidéo [AFJV], elle déconseille totalement de travailler avec des compositeurs français, surtout s’ils sont membres de la Sacem. Quand un éditeur demande à un auteur d’agir hors la loi, il se met en péril. Si le compositeur se rebiffe devant le tribunal de grande instance, l’éditeur perdra. Faire appel à un compositeur français est donc un risque. B. A. – Les compositeurs réagissent-ils ? Ch. H. – On peut réagir quand on a le ventre
Interroger le lien entre auteur, compositeur, éditeur – Un entretien avec Pierre Thilloy, compositeur, membre du groupement « Musiques contemporaines ».

Actualités Interroger le lien entre auteur, compositeur, éditeur – Un entretien avec Pierre Thilloy, compositeur, membre du groupement « Musiques contemporaines ». Bulletin des Auteurs – Une nouvelle journée « Musique & Créations » se prépare pour 2024. Pierre Thilloy – La journée « Musique & Créations » du 30 novembre a été organisée grâce à l’investissement soutenu du groupement « Musiques contemporaines » et d’un premier soutien financier de la SEAM [Société des Éditeurs et Auteurs de Musique]. Cette subvention, financée par la rémunération pour copie privée, a été renouvelée et augmentée pour l’année 2024 autour d’un nouveau projet. Nous proposons un regard non seulement sur les compositeurs, mais aussi sur les auteurs, et par effet de rebond, in fine sur l’éditeur : le Snac est le seul syndicat qui soit transversal à tous les métiers de la création, d’où cette idée, partagée et discutée avec Henri Nafilyan et le groupement, de réfléchir sur la relation entre auteurs et compositeurs. Si les compositeurs ont tendance à travailler sur des poèmes de Verlaine ou de Baudelaire, qui sont dans le domaine public, ou préfèrent, à l’instar de Wagner, écrire eux-mêmes le texte, on peut se demander pourquoi. Wagner est un grand compositeur mais n’est pas toujours pas considéré à ce jour comme un grand auteur. Est-il dommage qu’il n’ait pu s’adjoindre la plume d’un grand auteur ? Qu’est ce qui a conduit à une telle démarche que l’on retrouve de plus en plus aujourd’hui ? Peut-on ou doit-on regretter l’époque des mélodies (ou des lieder), quand la relation entre compositeur et auteur était directe ? On était alors dans une période où l’on créait, avant de se préoccuper des contrats. La SEAM regroupe également les éditeurs. Nous avons pensé intéressant d’interroger ce lien entre auteur, compositeur, éditeur sans qu’il soit pour autant restrictif. Il existe des tensions perpétuelles, par exemple dans l’opéra, au moment de la répartition des droits entre les 300 ou 400 pages de musique et le texte du livret, ou n’importe quel opus musical nécessitant du texte, deux écritures qui n’occupent pas le même temps linéaire. Un débat serait-il le bienvenu, qui permette d’élaborer une charte des bonnes pratiques, voire de s’entendre sur des fourchettes de répartition, qui éviteraient que naisse une tension là où il n’y en a pas besoin, ou la question est-elle trop sensible pour l’aborder frontalement ? La deuxième idée de notre projet est d’organiser cette nouvelle journée non à Paris, mais à Mulhouse, ville transfrontalière et proche aussi bien de l’Allemagne que de la Suisse, nous permettant ainsi d’inviter nos collègues d’outre-frontières à participer activement et débattre de cette question, ouvrant alors aussi sur la question de traduction (le cas du Faust de Goethe dans la traduction de Nerval est évidemment en ligne de mire pour ouvrir vers la traduction et l’appropriation d’un texte). L’invitation des sociétés d’auteurs de ces pays voisins nous permettra – peut-être – de connaître l’état de la relation entre auteurs et compositeurs chez eux et de créer l’embryon d’une réflexion européenne sur le sujet. ECSA [European Composer & Songwriter Alliance] et EWC [European Writers’ Council]serontsollicités pour participer à ces échanges. L’idée de nous réunir en province est aussi bien évidemment une manière de ne pas oublier que si Paris est la capitale de la France, elle n’en n’est pas pour autant la France et qu’il est revigorant de développer une activité qui ne sera pas centralisée. Nous défendons ainsi l’idée que les membres du Snac puissent également s’investir là où ils résident, faisant abonder leurs propres réseaux vers cette idée fondamentale qu’est la défense du droit d’auteur. Il est prévu à ce titre de travailler avec la formation LP GEPSAC [Licence Professionnelle en Gestion des Projets et Structures Artistiques et Culturels] de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de l’université de Haute-Alsace où nous allons impliquer les étudiants de cette formation sur deux promotions dans ce projet, en continuité des invitations que nous avons déjà faite en 2022-2023, ce qui entre dans leurs compétences, et parce que nous souhaitons les initier au mieux à ce qu’est la défense du droit d’auteur. La mission première du Snac est de défendre la notion de droit, moral et patrimonial. Les étudiants doivent s’emparer très vite de cette notion, au moins pour en avoir conscience car dès lors que nous sommes en contact avec des étudiants, nous avons le devoir moral de sensibiliser les décideurs de demain sur ces aspects. Les étudiants qui suivent cette formation ne sont pas des artistes, ce sont de futurs administrateurs, qui ne doivent pas être ignares en la matière. Depuis de nombreuses années, nous avons pu observer un glissement de la culture vers le spectacle de divertissement. Trop de décideurs politiques sont devenus des incultes notoires. Pour eux la culture est ce qui est vu ou connu (le meilleur étant le label « vu à la TV »), ce qui est mondain. Le temps a montré que la culture est exactement l’inverse. (Je vous invite à relire (ou lire) le visionnaire et extraordinaire ouvrage La crise de la culture d’Hannah Arendt sans omettre l’efficace et implacable S.O.S. Culture de Serge Regourd). Nous essaierons également de toucher un public plus jeune, notamment au lycée, dans les classes musicales en horaires aménagés et les prépas littéraires, toujours dans l’esprit de sensibilisation nécessaire à ce domaine qui nous est cher. Enfin, pour finir comme nous avons commencé, le Snac étant pluriel, nous allons proposer aux auteurs de bande dessinée d’entrer dans cette discussion. Nous avons la musique à l’image, nous avons eu quelques tentatives (un peu bancales) de musiques de livres, la BD a un côté script rapide qui s’accorderait bien à la musique. Tout comme pour la première édition, cette journée se bâtira avec les auteurs. Elle aura pour but d’ouvrir un débat qui n’a pas encore eu lieu et qui est pourtant fondamental. Nous pouvons nous éclairer les uns les autres sur les problématiques que nous rencontrons. À demeurer dans un entre-soi, on s’étouffe. Nous avons besoin de l’avis de chacune des corporations, auteurs, compositeurs, éditeurs de textes ou de musiques. Photo :
Le Snac est signataire de la lettre de soutien à Toomaj Salehi, rappeur iranien, condamné à la peine de mort

Actualités Le Snac est signataire de la lettre de soutien à Toomaj Salehi, rappeur iranien, condamné à la peine de mort Le SNAC est signataire de la lettre de soutien à Toomaj Salehi, rappeur iranien, condamné à la peine de mort. Le 24 avril, Toomaj Salehi, rappeur iranien, a été condamné à la peine de mort. Aux côtés du monde judiciaire, le Syndicat National des Auteurs et Compositeurs est signataire de cette lettre de soutien. Avocats et Artistes sont mobilisés ensemble depuis plusieurs jours pour la justice et la liberté d’expression ! Signez-vous aussi cette lettre ouverte : https://lnkd.in/eYUmfQAx #FreeToomaj#StopExecution#StopExecutionInIran Lire la lettre de soutien en intégralité