Avec l’AMAEL, les auteurs et éditeurs de livres se dotent d’une instance de médiation

Actualités Avec l’AMAEL, les auteurs et éditeurs de livres se dotent d’une instance de médiation Les organisations représentatives des auteurs SGDL, SNAC, SAJ, ADGAP, SAIF et LaScam et le Syndicat national de l’édition ont tenu, le 6 novembre, l’assemblée générale constitutive de l’Association de Médiation des Auteurs et des Editeurs de Livres (AMAEL). La création de cette association fait suite aux discussions interprofessionnelles menées, d’abord en 2014, puis en 2023, sous l’égide du ministère de la Culture. Elle est issue d’une concertation à laquelle toutes les parties prenantes des cycles de discussions précédents ont participé. Il s’agit d’une initiative fondamentale pour notre secteur en ce qu’elle a pour finalité de favoriser la qualité du dialogue entre auteurs et éditeurs, tant sur le plan individuel que collectif. Cette instance a vocation à : Faciliter, par la voie de la médiation, le règlement des différends et litiges d’ordre individuel entre auteurs et éditeurs du secteur du livre, sans recourir au juge. Identifier les causes les plus fréquentes des différends et litiges entre auteurs et éditeurs dans le secteur du livre et en faire état dans un rapport annuel d’activité qui permettra aux organisations professionnelles de se saisir de questions récurrentes pour tenter d’y apporter des solutions dans le cadre des discussions interprofessionnelles. Permettre le règlement de différends ayant trait au réexamen des conditions d’exploitation de l’œuvre sous forme numérique, tel que le prévoit l’article 6 de l’accord du 1er décembre 2014 entre le Conseil permanent des écrivains et le Syndicat national de l’édition sur le contrat d’édition dans le secteur du livre. La création de l’AMAEL constitue une première étape formelle importante qui sera suivie dans les tous prochains mois par la désignation et la formation de médiateurs indépendants garantissant un traitement neutre et professionnel des dossiers qui pourront leur être soumis à partir de 2026. Tous les auteurs et toutes les autrices de livres ainsi que leurs éditeurs confrontés à un conflit portant sur l’application d’un contrat d’édition à compte d’éditeur pourront avoir recours à ce processus de médiation, qu’ils soient ou non membres d’une des organisations signataires. Télécharger le communiqué
Rémunérer les auteurs sur la vente des livres d’occasion – Un entretien avec Séverine Weiss

Actualités Rémunérer les auteurs sur la vente des livres d’occasion – Un entretien avec Séverine Weiss, traductrice et présidente du Conseil permanent des écrivains, responsable du groupement Lettres au Snac. Bulletin des Auteurs – Comment est née l’idée d’instaurer une rémunération des auteurs et des éditeurs sur la vente des livres d’occasion ? Séverine Weiss – Depuis plusieurs années, nous observons une évolution du marché de vente du livre d’occasion. Ce marché, qui existe depuis des siècles sur les quais de Seine ou chez de petits libraires, où le public pouvait trouver des livres devenus indisponibles, n’avait jamais dérangé les auteurs ni les éditeurs. Avec les possibilités technologiques nouvelles, la vente par internet, les algorithmes, les plateformes en ligne, la donne a changé. Ce qui n’était jusqu’à présent qu’un marché secondaire, voire tertiaire, vient aujourd’hui directement concurrencer la vente de livres neufs. Une étude conjointe du ministère de la Culture et de la Sofia, sur les années 2022 et 2023, publiée en avril 2024, a dévoilé que ce marché n’a plus rien à voir avec l’image d’Épinal du bouquiniste. Il vient modifier le cycle classique de vie du livre au profit de grands acteurs industriels internationaux. Un livre qui vient de paraître se retrouve trois jours après (voire avant sa sortie !), à prix cassé, sur les grandes plateformes de vente en ligne. L’extension de ce marché (qui n’est pas aussi écologique qu’on peut le dire, si l’on songe au transport au-delà des frontières, voire extra-européen, et au reconditionnement des ouvrages) ne peut être empêchée, bien sûr ; mais nous devons en tenir compte. Si le marché évolue, la loi doit évoluer elle aussi. Aujourd’hui auteur comme éditeur ne touchent aucune rémunération sur la vente d’un livre d’occasion, quel que soit le circuit, qu’il s’agisse d’un petit bouquiniste ou d’une grande plateforme en ligne. La revendication d’une rémunération sur la vente du livre d’occasion est donc commune au Conseil permanent des écrivains (CPE) et au Syndicat national de l’édition. Nous souhaitons obtenir ce qui relèverait d’une compensation pour préjudice. Le droit de prêt en bibliothèque ou la rémunération pour copie privée numérique, gérés par la Sofia, sont entrés en vigueur sur ce principe. C’est pourquoi nous avons élaboré un projet de gestion collective de cette rémunération sur la vente du livre d’occasion, qui ne concernerait que les acteurs importants de ce nouveau marché en termes de chiffre d’affaires, et qui permettrait d’exonérer l’économie sociale et solidaire comme les petits acteurs. La Sofia pourrait administrer cette gestion collective. Les sommes perçues seraient réparties entre auteurs et éditeurs, et une fraction des sommes perçues serait affectée à des actions d’intérêt général bénéficiant au secteur du livre. B. A. – Le gouvernement a saisi le Conseil d’État pour recueillir son avis sur la question. S. W. – Nous ignorons quels documents ont été fournis par le gouvernement au Conseil d’État pour qu’il puisse mener à bien son analyse. L’avis a été rendu le 17 juin 2025, et publié au cœur de l’été, le 28 juillet – ce qui n’avait rien d’obligatoire puisqu’il s’agissait d’une saisine gouvernementale. Nous sommes contents de pouvoir en bénéficier, et il nourrira la suite de notre réflexion. CPE et SNE ont publié un communiqué à la suite de cet avis du Conseil d’État. Nous constatons que cet avis (qui n’est que consultatif) est assez succinct. Et qu’il laisse des fenêtres ouvertes qui nous semblent intéressantes et nous permettent de garder espoir. Cet avis dit clairement que notre projet de rémunération sur la vente des livres d’occasion n’est pas contraire à la Constitution. C’est là un point fondamental. Au regard de la conformité de ce projet au droit de l’Union européenne, l’avis du Conseil d’État rappelle la « règle de l’épuisement du droit de distribution à première cession », édictée par l’article 4 de la Directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information. Mais l’avis du Conseil d’État dissocie le « droit de contrôle de l’auteur sur la commercialisation ultérieure de son œuvre » de la « possibilité de percevoir une rémunération à cette occasion ». Ce qui ouvre la possibilité d’une rémunération. Il est vrai que le Conseil d’État s’appuie sur une jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne pour avancer que « la règle de l’épuisement du droit de distribution à première cession emporte […] à la fois épuisement du droit de contrôle sur la commercialisation et du droit de percevoir une rémunération sur les cessions ultérieures du support sur lequel l’œuvre est matérialisée. » Mais cette unique jurisprudence date du 20 janvier 1981, soit il y a plus de quarante années, et vingt ans avant la Directive de 2001. De plus, elle concerne des produits neufs dans le domaine musical… B. A. – La France ne peut pas aller contre la règle européenne. S. W. – Le droit européen peut évoluer. Pourquoi pas à l’initiative de la France, qui a toujours été le fer de lance dans la défense du droit d’auteur ? Il existe déjà le droit de suite sur la vente des œuvres d’art, par exemple – et le droit de suite n’a jamais été considéré comme contraire à l’épuisement du droit de distribution… Une rémunération des auteurs du livre est donc tout à fait envisageable. Les questions que posent l’apparition et l’extension de ce nouveau marché du livre d’occasion gagnent les autres pays européens. Auteurs comme éditeurs européens ont compris l’enjeu. L’intérêt que les organisations professionnelles portent désormais à ce nouveau marché grandit et s’impose. Le monde change, les règles doivent évoluer. En son temps, le droit de prêt en bibliothèque a donné lieu à des débats houleux, et nous sommes cependant parvenus à l’instaurer. Plus personne ne le remet en question aujourd’hui. Cela n’a pas entraîné la mort des bibliothèques comme certains l’affirmaient à l’époque, et les auteurs et les éditeurs bénéficient dorénavant d’une compensation financière. Nous poursuivons notre
Un code des bonnes pratiques pour l’IA ? – Un entretien avec Nicole Pfister Fetz

Actualités Un code des bonnes pratiques pour l’IA ? – Un entretien avec Nicole Pfister Fetz, Secrétaire générale de « European Writers’ Council (EWC)». Nicole Pfister Fetz a été durant seize années Secrétaire générale de A*dS, l’association des autrices, auteurs, traductrices et traducteurs littéraires suisses. Depuis le 1er juillet 2023, elle occupe le poste de Secrétaire générale de la Fédération des associations européennes d’écrivains (EWC). Bulletin des Auteurs – Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est le « Code of Practice » ? Nicole Pfister Fetz – L’article 56 de l’« EU Artificial Inteligence Act » (EU AI Act), la loi européenne sur l’IA, prévoit ce « Code of Practice », ou code des bonnes pratiques, qui précise la manière dont les fournisseurs de l’IA, c’est-à-dire les entreprises qui développent les modèles d’IA à usage général, ou IA générative, par exemple « ChatGPT », « Gemini », etc., qui se nourrissent du matériau des œuvres publiées et ne pourraient exister sans ce matériau, peuvent se conformer à leurs obligations au regard de la loi sur l’IA. Il existe aussi des fournisseurs de modèles d’IA qui présentent des risques systémiques, dans les domaines de la sécurité, surveillance, médecine, climat, etc. Ce « Code of Practice » est proposé à la signature des seuls fournisseurs. Les fournisseurs ne sont pas obligés de signer ce code. Ce n’est qu’une recommandation. Le signer est un moyen pour les fournisseurs de montrer la conformité des modèles qu’ils offrent à la loi sur l’IA. Les obligations auxquelles s’engagent alors les fournisseurs concernent les droits d’auteur, la transparence, la catégorisation entre modèles d’IA générative et modèles à risques systémiques, et la réduction de ces risques, enfin la bonne gouvernance des bases de données. Sur ces quatre thèmes se sont constitués quatre groupes de travail, qui participent à l’élaboration du « Code of Practice ». Ce Code des bonnes pratiques n’est qu’un chapitre des différentes mesures à prendre pour que la loi sur l’IA entre en fonction. En août 2024 le Bureau de l’IA, qui est lié à la Commission européenne, a ouvert le processus pour construire le « Code of Practice » à qui souhaitait y participer. Environ mille organisations et personnes individuelles ont répondu. Les personnes individuelles ont déclaré être des experts et des académiciens qui ont une compétence particulière dans le domaine de l’IA. Sur ces mille organisations et experts, seulement 6 % sont des organisations qui représentent les auteurs, leurs ayants-droit, les sociétés de gestion collective, les éditeurs, les producteurs, etc. Seulement 5 % des mille sont des organisations qui viennent de la société civile, qui défendent les droits humains. 13 % représentent les fournisseurs de l’IA ou autres entreprises technologiques. 30 à 40 % sont des experts indépendants. 30 % enfin sont des académiciens. Un problème est que nous n’en savons pas plus sur les participants. Plusieurs organisations ont fermement demandé que soit opérée une transparence sur la personnalité des participants. La liste des organisations a alors été publiée. Mais jusqu’à aujourd’hui on ne sait absolument pas qui sont les 60 % des personnes individuelles. Pendant le processus nous avons appris que les fournisseurs et experts individuels présents dans ces groupes de travail ne viennent pas seulement d’Europe. Plusieurs viennent des États-Unis. Il y a aussi des experts individuels et « indépendants » qui sont directement liés avec les fournisseurs de l’IA. B.A. – Comment sont gérés tous les avis émis par ces mille participants ? N.P.- F. – Au début du processus tous les participants devaient s’inscrire pour chacun des quatre groupes de travail et pour les séances plénières. La personne en titre, d’une organisation ou individuelle, ne peut être remplacée par une autre en cas d’empêchement. Notre organisation EWC dispose de trois personnes qui participent à ces quatre groupes de travail. De plus, il y a un groupe de travail qui est ouvert exclusivement aux grands fournisseurs de l’IA, qui ont ces séances supplémentaires. L’EWC et autres organisations ont demandé un calendrier prévisionnel des dates de réunion des groupes de travail. Depuis, on a reçu un calendrier avec les semaines mentionnées avec des délais pour envoyer les réactions et des séances des groupes de travail, mais pas d’informations en détail, ni les dates précises. Au mieux juste une ou deux semaines en amont, on reçoit une invitation à participer à une réunion de son groupe de travail, sur la base du document qui nous a été communiqué. Il faut être très flexible pour pouvoir se libérer. On peut alors soumettre sur une plateforme numérique, dans un certain délai, des demandes, sur la base de ce document. On peut également soumettre une demande de prise de parole durant la séance, qui ne peut durer plus de deux minutes. Sur la plateforme, on ne voit pas qui va parler lors de la séance et on peut même soumettre une question de manière anonyme. Avant la séance tous les participants d’un groupe de travail peuvent voter des questions avec pouce vers le haut. Seules les dix questions ayant obtenu le plus de voix recevront une réponse lors de la séance. Mais comme nous ne savons pas qui participera à la réunion, il n’est pas possible de se concerter ou de se coordonner avant. Avant la toute première séance, nous avons dû poser les questions et demander une prise de parole avant même d’avoir eu l’occasion de lire le document dont il allait être débattu. Les séances suivantes, souvent cela n’a guère été mieux. On peut faire part d’une réaction, chaque fois sur la base d’un projet du « Code of Practice » à la suite des réunions de groupe de travail, mais dans un espace de deux à trois semaines au maximum. C’est un travail immense, très technique. Les petites organisations n’ont pas les moyens d’employer une personne à cette tâche. Par contre, parmi les personnes individuelles, il y a aussi des avocats liés aux grandes entreprises de l’IA, ou des représentants des universités qui sont presque uniquement engagés par de grandes entreprises américaines, ceux-là ont des cabinets derrière eux qui préparent leurs interventions ou leurs réactions. Ce processus n’est pas très démocratique. Il crée un déséquilibre immense en faveur de l’industrie de l’IA. Face
« Filéas » prend vie et corps – Un entretien avec Séverine Weiss

Actualités « Filéas » prend vie et corps – Un entretien avec Séverine Weiss, traductrice et présidente du Conseil permanent des écrivains. Bulletin des Auteurs – Nous avions conduit voici un an un entretien sur le projet « Filéas », qui est aujourd’hui proche de se concrétiser. Séverine Weiss – L’assemblée constitutive et la désignation des membres du conseil d’administration ont eu lieu le 20 décembre 2024. « Filéas », qui signifie « Fils d’informations libraires, éditeurs, auteurs », est une plateforme d’information sur les ventes de livres destinée à l’ensemble des acteurs de la filière du livre, dont les éditeurs et les auteurs, avec le soutien des libraires. Le statut particulier de société à mission a été adopté pour la structure afin de souligner la dimension d’intérêt général du projet : un comité de mission sera ainsi garant de la bonne conduite et du respect des missions inscrites dans les statuts de Filéas. En feront partie de manière paritaire douze personnes, trois auteurs, trois éditeurs, trois libraires et trois représentants des pouvoirs publics : la Sofia, le CNL et la DGMIC. Au sein duconseil d’administration siègent le Syndicat national de l’édition, majoritaire en terme de voix étant donné la hauteur de sa participation au capital, les organisations interprofessionnelles Le cercle de la librairie et Dilicom, les libraires, et, pour les auteurs, la SGDL et le CPE. Le CPE dispose de trois représentants, un votant et deux suppléants. Dans ce premier conseil d’administration, appelé bien sûr à évoluer, je serai la personne ayant droit de vote, en tant que présidente du CPE, avec le Snac et la Scam comme suppléants. Les auteurs seront donc présents aussi bien dans le comité de mission que dans le conseil d’administration. Dès 2025, en avril pour le premier volet et avant la fin de l’année pour le second, chaque auteur pourra s’inscrire sur cette plateforme pour avoir connaissance gratuitement, ainsi que ses ayants droit ultérieurement, des chiffres de vente de ses livres. Les canaux de confidentialité seront bien sûr respectés : l’éditeur aura accès à son catalogue et l’auteur à ses œuvres, publiées sous pseudonyme ou non, et en fonction de l’ISBN, donc par édition (grand format, poche, etc.). Pour les éditeurs souhaitant accéder à Filéas, les abonnements seront adaptés à la taille de leur structure, de sorte que le prix de la souscription ne soit en aucun cas un facteur discriminant et que les petits éditeurs puissent bénéficier du service. Ce sera un grand pas en termes d’information pour les auteurs, et un atout pour les petits éditeurs indépendants, notamment pour mieux gérer leur stock et éviter la « réimpression de trop ». Il y aura en effet deux volets : dans un premier temps, auteurs et éditeurs auront accès à des données GfK globales et hebdomadaires. Ces données couvrent presque l’intégralité des points de vente, notamment grandes surfaces culturelles (Cultura, Fnac, etc.), grandes surfaces alimentaires, librairies de niveau II (stations-essence, jardineries) et Amazon. Il s’agit de données extrapolées, mais l’auteur pourra ainsi avoir une idée générale de ses ventes. Jusqu’à présent, seuls les membres adhérents à la SGDL avaient accès à ces données GfK. Filéas honorera les frais de cet abonnement collectif à GfK. Le deuxième volet, pionnier en Europe et précurseur, sera progressivement mis en place dans l’année qui vient. Il est le plus intéressant, car il s’appuiera sur les ventes réelles au lecteur – les « sorties de caisse », à une fréquence quotidienne. Ce deuxième volet d’information quotidienne débutera avec les données des librairies indépendantes souhaitant s’engager sur le projet, avec le soutien de l’« Observatoire de la librairie » et de « Datalib ». L’objectif est bien sûr que ce noyau de départ se développe dans le temps. Une telle plateforme d’information aux auteurs, libraires, éditeurs, n’existe aujourd’hui nulle part dans le monde. B. A. – Dans la mesure où le processus va s’installer progressivement, l’auteur aura dans un premier temps accès à une évaluation de ses ventes. S. W. – L’auteur aura trois sources d’information : la reddition de comptes de la part de l’éditeur, qui s’appuie sur des flux, lesquels comportent une incertitude quant au volume des retours, par détérioration ou mévente. Je précise, point important, que la rémunération des auteurs continuera à se fonder sur les redditions de comptes fournies par l’éditeur (une fois par an, bientôt deux). Filéas est un pur outil d’information, qui vient en complément de la reddition de comptes. Pour mieux anticiper ses revenus l’auteur disposera desdeux « volets » de Filéas : d’abord GfK, qui est un bon indicateur global, enfin à disposition des auteurs gratuitement, ensuite les chiffres de « sortie de caisse », qui lui permettront de connaître les ventes fermes, au début sur une base de plusieurs centaines de librairies indépendantes, appelé à s’élargir. B. A. – Quels sont les avantages pour les libraires ? S. W. – D’être solidaires avec l’interprofession. Nous pouvons dire « Merci ! » aux libraires qui font cet effort. C’est clairement un outil pour les auteurs et les petits éditeurs à la trésorerie fragile. Les libraires accompagnent et soutiennent ce mouvement. Le CPE, qui réclame cet outil depuis plus de dix ans, est heureux de voir enfin cette « Arlésienne » prendre vie et se concrétiser. Les auteurs ont le droit d’être informés au mieux de la vie de leur œuvre, et nous espérons que ce nouvel outil se développera vite et répondra à leurs attentes. Portrait photo de Séverine Weiss. Crédit : DR. Cet entretien a été publié dans le « Bulletin des Auteurs » n° 160, en Janvier 2025.
Le Copyright et l’intelligence artificielle – Un entretien avec Jacques Coulardeau

Actualités Le Copyright et l’intelligence artificielle – Un entretien avec Jacques Coulardeau, membre du groupement Lettres. Bulletin des Auteurs – Quel est l’historique du « Copyright » ? Jacques Coulardeau – Tout commence à la suite de l’invasion de l’Angleterre par les Normands, à la bataille d’Hastings en 1066. En 1100 l’un des rois normands, donc anglais, écrit et publie, sous forme de copie, une décision qui spécifie un certain nombre de droits fondamentaux des citoyens du royaume, laquelle deviendra la « Magna Carta » de 1215. L’invention de l’imprimerie est acquise aux alentours de 1450. Un procès oppose Gutenberg, son inventeur, à Johann Fust, le banquier qui l’a financé. Fust obtient du tribunal que tout ce qu’il a financé soit reconnu comme sa propriété. Ça, c’est clair, c’est le Copyright. Si je paie, ça m’appartient. En 1557 en Angleterre, la Reine Marie, dite « Bloody Mary », très catholique, l’une des filles d’Henry VIII, lequel avait mis en place l’Église anglicane, veut empêcher toute publication qui irait dans le sens du protestantisme. Dans cet objectif, elle attribue à la Guilde des imprimeurs-libraires le droit de contrôler les œuvres qu’ils publient, c’est le Copyright. La Reine utilise ce copyright comme outil ce censure. La Reine Élisabeth, sa demi-sœur, qui lui succède, entérine cette situation. Ce privilège de la Guilde va perdurer jusqu’en 1710. Mais Élisabeth rétablit l’anglicanisme de son père Henri VIII. La censure s’exerce maintenant, viace copyright, contre le catholicisme. Les successeurs d’Élisabeth, les Stuart, vont imposer en 1637 une institution de contrôle de l’édition, la « Star Chamber », qui vise les publications catholiques, mais surtout puritaines. Ce qui va susciter la révolution de Cromwell (exécution de Charles 1er le 30 janvier 1649), et une autre forme de censure, puisque Cromwell installe une censure préalable, à laquelle sont soumis tous les écrits en amont de leur publication. Le poète John Milton accepte de présider cette commission de censure. Milton écrit « Areopagitica » (1644), un pamphlet qui justifie le nécessaire contrôle des contenus publiés, pour qu’ils soient « réalistes et vrais ». C’est la censure au nom de la Vérité, la vérité puritaine bien sûr de « Paradise Lost » (« Paradis perdu » [1667, « Divine Comédie du puritanisme »]). Les Stuart reviennent sur le trône en 1660, cela se passe de nouveau mal car ils rétablissent aussitôt la censure anti-puritaine. La loi de l’« Habeas Corpus » est actée par le Parlement en 1679. Cet « Habeas Corpus » existait de fait depuis la « Magna Carta » de 1215. L’« Habeas Corpus » de 1679 annonce la « Glorieuse Révolution » qui dépose les Stuart en 1688. En 1689 la « Bill of Rights » (Loi sur les Droits Civiques) spécifie les droits fondamentaux de l’homme, en principe pour tout le monde. Cet acte est fondé sur l’idée principale que l’Angleterre est un pays anglican, qu’on peut y tolérer les catholiques et les puritains à condition qu’ils soient discrets. La Cathédrale catholique de Westminster a été construite entre 1895 et 1903. L’émancipation des hommes juifs se fit progressivement entre 1833 et 1890. La Reine Anne, en 1710, établit que le Copyright est la propriété exclusive de l’auteur. L’auteur peut le céder pour une utilisation spécifique et limitée dans le temps. C’est une location des droits commerciaux. Le concept de droit moral en est absent. Les États-Unis sont sur cette logique. La déclaration d’Indépendance est proclamée en 1776. La Constitution est promulguée en 1787. Un article de la Constitution édicte que le Copyright de la chose imprimée et les Patentes pour les inventions sont des droits constitutionnels, ainsi que leur propriété par les auteurs et les inventeurs, laquelle peut être cédée sous forme de licence, pour une durée limitée, à l’époque jusqu’à la mort de l’auteur, aujourd’hui jusqu’à soixante-dix ans après sa mort. Pour les patentes la licence est limitée à un certain nombre d’années, aujourd’hui le plus souvent vingt ans maximum. Une première loi de « US Copyright », en 1790, acte ces dispositions. C’est à cette époque qu’en France, parallèlement, Beaumarchais invente le « droit d’auteur » et propose la loi sur le droit d’auteur les 13-19 janvier 1791 à l’Assemblée Nationale Législative (Rappel : la SACD a été fondée par Beaumarchais en 1777). On y parle du droit moral, et, en second, des droits commerciaux qui découlent des droits d’auteur et donc du droit moral. B. A. – Ainsi nous avons aujourd’hui deux systèmes ? J. C. – En 1976 est renégocié le traité de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) parce que les États-Unis ont finalement décidé d’adhérer à l’Ompi et que leur adhésion pose problème car ils exigent que l’on inclue le « Fair Use» dans le champ du traité. L’Assemblée Générale de l’Ompi refuse d’intégrer le « Fair Use » mais intègre dans la définition du Copyright un certain nombre d’articles qui définissent le droit moral. Ce Copyright qui inclut le droit moral est le principe universel de la propriété intellectuelle. Tous les pays l’adoptent et le transcrivent dans leur loi nationale (quelques poids lourds récents sont la Russie et la Chine). Les États-Unis, seuls ou presque (Le Royaume-Uni en reste au copyright historique de l’Édit d’Anne de 1710 et des décisions judiciaires de la Chambre des Lords siégeant en Cour Suprême au XVIIIe siècle, le plus célèbre cas étant Donaldson v. Beckett en 1774), en demeurent à leur copyright étroit, qui n’inclut pas le droit moral, et à leur « Fair Use ». B. A. – Quelles sont les règles du « Fair Use » ? J. C. – La Cour Suprême des États-Unis a imposé quatre critères pour pouvoir utiliser une œuvre en « Fair Use » défini dans la Section 107 de la loi sur le Copyright de 1976, c’est-à-dire sans avoir à demander l’autorisation de l’auteur ni avoir à payer des « Royalties » : – une utilisation non commerciale ; – une utilisation créative et inventive par rapport à l’œuvre originale, ce qui
Le retour de l’essentialisme. Assignation identitaire et retournement du stigmate – par Jean-Loup Amselle, anthropologue et ethnologue.

Actualités Le retour de l’essentialisme. Assignation identitaire et retournement du stigmate – par Jean-Loup Amselle, anthropologue et ethnologue. Peut-on écrire une femme quand on « est » un homme ? Et réciproquement ? Peut-on écrire un « Blanc » quand on est un « Noir » ? Et réciproquement ? Quid de la traduction française d’un auteur Cherokee ? Les auteurs français ayant une « gueule d’étranger » doivent-ils être cantonnés dans une littérature dite « à part », dite « francophone » ? Ce sont des questions auxquelles sont confrontés les auteurs, dans le livre, mais pas uniquement. Nombre d’entre eux dénoncent ces assignations identitaires, qui sont à l’origine d’injonctions de contenu remettant en cause la liberté de création. Percival Everett abordait déjà cette problématique dans son roman « Effacement », écrit en 2001 et adapté au cinéma en 2023 sous le titre « American Fiction ». Le Snac a organisé deux webinaires sur cette question : # 1 – Liberté de création & Assignations identitaires : État des lieux. https://youtu.be/WJN9yJrczVQ?si=4X3eOTzTdq0JAaRI # 2 – La catégorie Francophone. https://youtu.be/aB_cks6YrV0?si=e565yTrI3Nh6_9rY Des auteurs comme Shumona Sinha et Bessora ont publié dans le « Bulletin des Auteurs » des textes sur le sujet. Ci-dessous, Jean-Loup Amselle nous propose une réflexion sur le retour de l’essentialisme. Lorsque Césaire et Senghor créent le concept de « négritude », ils s’emparent d’un stigmate infâmant qui leur est accolé, celui de « nègre » et le retournent pour en faire un objet de fierté, une sorte de « black pride ». Vous nous avez insultés en nous traitant de « nègres », nous disent-ils, eh bien soit, nous assumons cette insulte et nous nous en emparons en faisant de ce stigmate une valeur positive. La négritude, telle qu’elle est conçue par Césaire et Senghor, est donc une forme d’essentialisme et elle a été très tôt critiquée comme telle notamment par Jean-Paul Sartre dans « Orphée noir », la préface à la « Nouvelle Anthologie de la poésie nègre et malgache de langue française » de Senghor (1948)[1]. Dans cette préface, Sartre conseille aux Africains de ne pas se tourner vers le passé (« Orphée ») et de considérer que la négritude n’est qu’une phase d’affirmation identitaire sans doute nécessaire mais qui n’est pas destinée à durer puisqu’elle sera vouée à disparaître dans le cadre du socialisme. Là est déjà en germe la notion d’« essentialisme stratégique », telle qu’elle sera développée ultérieurement, comme on le verra, par Gayatri Spivak. La notion de « négritude » s’attirera rapidement des critiques venues de tout bord, celle du philosophe béninois Stanislas Adotevi dans « Négritudes et Négrologues » (1970)[2], lequel voit dans Senghor un suppôt du colonialisme français, celle de l’écrivain nigérian Wole Soyinga pour lequel « le tigre ne proclame pas sa tigritude, il bondit » (1966), ou bien encore de Yambo Ouologuem qui, dans « Le Devoir de violence » (1968), renvoie les difficultés de l’Afrique actuelle à la période précoloniale, et donc exempte d’une certaine façon le colonialisme[3]. Le sort de la « négritude » semble donc être scellé en tant que figure majeure de l’essentialisme au profit d’analyses contextualisées des réalités africaines, et cela d’autant plus que Senghor est contesté à cette époque en raison de ses liens très étroits avec l’ancienne puissance coloniale. Mais c’est sans compter avec l’essor des études postcoloniales et notamment des « Subaltern Studies » qui se développent en Inde puis aux États-Unis dans les années 1990[4]. Axées sur une critique de l’historiographie indienne classique, ces études qui s’appuient notamment sur les idées de A. Gramsci et de W. Benjamin, visent à lire les archives coloniales « à rebours » afin de remettre sur le devant de la scène les différentes formes de la conscience populaire telles qu’elles ont émergé dans les grèves et les révoltes indiennes. L’un des membres de cette école historienne, Gayatri Spivak,redonne vie, d’une certaine façon, à la négritude de Senghor et de Césaire en pointant, comme on l’a dit, la nécessité de recourir au concept d’« essentialisme stratégique » dans un but d’affirmation identitaire. Car, après la chute du mur de Berlin, il n’est plus question, comme du temps de Sartre, d’espérer que les identités essentialisées disparaîtront d’elles-mêmes dans le cadre du paradis communiste. Désormais, les expressions culturelles, de race ou de genre, qu’elles soient africaines, indiennes, ou amérindiennes, sont destinées à durer sub specie aeternitatis et ne sauraient donc être un appoint à la lutte des classes. C’est dans cette optique qu’il faut replacer le célèbre essai de Gayatri Spivak « Les Subalternes peuvent-elles s’exprimer ? »[5]. Ce tournant essentialiste n’est pas seulement le fait de celle qui apparaît aujourd’hui comme une figure éminente du féminisme postcolonial. C’est toute l’école des « Subaltern Studies » indienne qui opère, dans une deuxième phase, un changement profond de paradigme avec le départ de certains de ses membres aux États-Unis (Gayatri Spivak, Partha Chaterjee, Dipesh Chakarabarty, etc.) et l’influence conjuguée des idées de la « French Theory » (M. Foucault, J. Derrida, G. Deleuze), de celles de M. Heidegger et de l’ethnologie indianiste (L. Dumont). Désormais, le marxisme, parfois teintée de maoïsme, comme chez le chef de file de ce mouvement – Ranajit Guha, n’est plus de mise. En lieu et place, le projecteur est désormais orienté vers les valeurs essentielles de la culture indienne telles qu’elles figurent notamment dans les épopées comme le Mahabharata ou le Ramayana ou dans la pensée védique (Ashis Nandy). On retrouve cette même inflexion dans la mouvance décoloniale qui présente maintes ressemblances avec le postcolonialisme et apparaît à certains égards comme son prolongement. Dans la pensée décoloniale, le marxisme et la dialectique sont dévalorisés au profit de la mise en avant de ce que E. Dussel, par exemple, nomme l’« analectique », c’est-à-dire des valeurs amérindiennes essentialisées comme la Pachamama ou le « buen vivir ». De la sorte, l’action des entreprises minières capitalistes en Amérique du Sud est vue davantage comme un viol de la Terre-Mère que comme le simple produit de l’exploitation capitaliste. Avec le postcolonialisme et la pensée décoloniale, il se produit un surgissement de pensées alternatives qui s’opposent à l’universalisme perçu comme la résultante de la domination occidentale. On assiste donc au triomphe du relativisme culturel et à la revendication d’un essentialisme identitaire comme chez Norman Ajari ou Houria Bouteldja[6]. Pour ces auteurs, les mœurs et les coutumes de chaque groupe discriminé ne sauraient être mises en cause au nom de l’universalité des droits de l’homme. Elles ne sauraient pas être
Assignation identitaire ? – par Shumona Sinha, autrice. SNAC

Actualités Assignation identitaire ? – par Shumona Sinha, autrice. SNAC Les premiers webinaires sur les assignations identitaires se sont tenus les 15 mars et 23 juin 2023. Vous pouvez les visionner via ces liens : 15 mars : http://www.snac.fr/site/2023/06/auteurs-en-action-liberte-de-creation-et-assignations-identitaires-1-2/ 23 juin : http://www.snac.fr/site/2023/06/webinaire-les-auteurs-en-actions-assignation-identitaire-categorie-francophone/ En ouverture de ces webinaires, Bessora rappelait la définition de l’assignation identitaire, donnée par le musée de l’Homme en 2017, à l’occasion de l’exposition « Nous et les autres » : « Alors que chacun se définit en fonction d’un contexte, où d’éléments qu’il souhaite mettre en avant, l’assignation identitaire renvoie l’individu à une identité figée en lui attribuant des traits physiques, culturels ou psychologiques, propres à son groupe d’appartenance, qu’il soit réel ou supposé. » Shumona Sinha, romancière, autrice de « L’autre nom du bonheur était français », a confié au Bulletin des Auteurs n° 153 (en avril 2023) la publication de ce texte : Non. Aucune maison d’édition ne m’a jamais imposé, ni refusé, un projet de livre sous prétexte identitaire. Aucune maison d’édition n’a jamais cherché à définir ma supposée identité, ni ethnique, ni genrée, ni sociale. L’appréciation fut toujours, invariablement, littéraire. Non, aucun libraire n’a jamais choisi ni rejeté mes livres sous prétexte identitaire. Et non, aucun journaliste ne m’a jamais donné ni refusé la parole sous prétexte identitaire. En France. Dans mon pays natal, l’Inde, les choses sont légèrement différentes. Parlant de l’Hexagone, si je n’ai connu aucune ASSIGNATION identitaire : Alors pourquoi prendre la parole ici, pourquoi accepter l’invitation pour m’exprimer sur ce sujet ? C’est parce que ce que j’ai connu et que je continue à connaître ce n’est pas l’assignation mais une obsession identitaire. Aucune imposition, mais bien une passion, hexagonalement répandue, qu’on me fait vivre. Je suis née à Calcutta, en 1973 ; j’ai appris le français à 22 ans et je suis arrivée en France en 2001, à 28 ans. En 2008, à 35 ans, j’ai publié mon premier roman en français, chez un éditeur français, à Paris. En 2011, la publication de mon deuxième roman, « Assommons les pauvres », m’a fait connaître auprès des critiques littéraires, médias, public, en France et bientôt à l’étranger. J’ai publié d’autres livres, des romans principalement, reconnus en France et à l’étranger, les étudiants ici et ailleurs ont fait des thèses sur mes livres et les professeurs m’ont invitée à leurs conférences… Rien, jusque-là, ne prédisait qu’un jour je serais amenée à écrire « L’autre nom du bonheur était français » (Gallimard / Blanche, novembre 2022), à parler de la littérature française « de souche » et de la littérature « de la francophonie », d’une « littérature française du centre » et d’une « littérature française de la périphérie ». Dans ce récit sur ma francophonie j’ai amplement présenté les interrogations ethnocentrées, identitaires, auxquelles je suis souvent exposée. Non pas au moment de l’écriture de mes livres, évidemment que non, ni lors du dialogue avec mon éditeur et mes anciennes éditrices. Aucun journaliste littéraire ni de la presse écrite ni des médias audiovisuels n’a choisi l’angle ethnique pour apprécier mes livres, sans pour autant oublier mon point de départ dans mon pays natal, mon aventure et mon voyage vers la langue française. Ce livre cité ci-dessus qui a reçu une très belle presse – belle non pas seulement parce qu’elle fut ample, mais aussi parce que nous nous sommes compris, les journalistes littéraires français et mon livre, nous avons été en phase – n’a pourtant pas suffi pour clore le débat une bonne fois pour toutes. Il arrive encore et toujours un moment où l’on me réduit à mon identité ethnique, non pas pour mettre en valeur la singularité de mon parcours littéraire, mais pour m’imposer le travail de Sisyphe : devoir me justifier mes raisons d’être en France, mes raisons d’écrire en français. « Shumona Sinha, vous êtes née en Inde. Expliquez-nous pourquoi vous êtes en France, pourquoi vous écrivez en Français. » « Est-ce que vous écrivez directement en français ? Est-ce que vous pensez vraiment en français ? Qui traduit vos livres en français ? Est-ce que vous n’écrivez pas dans une langue métisse ? Et le bengali, votre langue maternelle, et l’anglais (langue dans laquelle vous avez été colonisée), ne nourrissent-elles pas inconsciemment vos écrits français ? » Oui, il y a souvent une falaise immense entre la presse et les estrades sur lesquelles je me trouve. Dans le meilleur des cas je suis « autrice de la francophonie », dans le pire des cas je suis une « exilée ». Je dirais même qu’il y a quelque chose de pervers, de tordu, dans ces interrogations sur mon supposé statut d’exilée, dans ces provocations permanentes sous forme d’omission : Oups ! Je n’ai pas compris que vous avez déjà répondu de nombreuses fois depuis dix ans à cette question pourquoi et comment vous êtes venue à la langue française ! Si j’en avais le droit, il suffirait de reproduire le chapitre intitulé « Le Nom des gens. Nom de dieu ! » de ce livre cité ci-dessus pour partager mon expérience. Essayons une variation autorisable. Le terme « Francophonie », popularisé par Léopold Sédar Senghor, évoque davantage « la conscience d’avoir en commun une langue et une culture francophones que de décisions officielles ou de données objectives. C’est une communauté d’intérêt. On y retrouve l’idée que le français serait le point commun d’une multitude de peuples différents, les fédérant dans un idéal culturel et linguistique. » L’idée de Senghor était celle de la fédération, du rassemblement, non pas de la division. Or, après nous avoir grandement servi, après nous avoir permis de mettre en lumière des écrivains de tous horizons, « la Francophonie est devenue un fardeau, une spécificité, une sanction. Elle crée une scission et fait perdurer le concept du centre et de la périphérie. De l’autre côté de la ligne rouge vit dans la réserve la faune exotique. Quiconque revendique une identité plus complexe se retrouve marginalisé », écrit Amin Maalouf dans « Les Identités meurtrières ». « Côté Afrique nous avons nos dynasties régnantes. Côté France nous avons notre francophonie. Où sont cantonnés des écrivains étrangers écrivant en français… et des écrivains français ayant une gueule d’étranger ! » déclare Bessora, ma chère amie et camarade du même combat. (in « L’autre nom du bonheur… ») Dans ces mêmes festivals, je partage souvent la table ronde avec mes « semblables », les autres « exilés ». Dans certaines librairies, en
Intelligence artificielle, nouvelle donne de l’Homme ? – par Jacques Coulardeau, membre du groupement Lettres

Actualités INTELLIGENCE ARTIFICIELLE, NOUVELLE DONNE DE L’HOMME ? – par Jacques Coulardeau, membre du groupement Lettres Je plonge dans l’intelligence artificielle depuis au moins une quinzaine d’années. Beaucoup dans le domaine de la formation, à quelque niveau que ce soit, de la Sorbonne à la Chine ou le Canada. Beaucoup dans le domaine médical du fait de mes étudiants adultes d’aujourd’hui qui sont engagés dans la médecine 5G avant la lettre. Et depuis six mois je travaille sur un bilan en traduction qui vient de sortir en ebook Kindle chez Amazon en anglais (277 pages) : AI, Unavoidable and Unforgivable Tool, dans le cadre de ma participation au Colloque International de Paris Université et de l’Observatoire Européen du Plurilinguisme le 25 novembre 2020 en visioconférence. Je n’ai pas la prétention de vouloir présenter cette avancée technique et scientifique en une page. Je vais donc simplement montrer l’enjeu énorme de ce développement en examinant la responsabilité civile de l’Intelligence Artificielle dans le domaine de la communication linguistique dans un champ industriel. Le cas le plus frappant aujourd’hui est le Boeing 737 MAX. La ligne descendante de cette responsabilité civile commence avec le concepteur d’une machine à traduire : banques de données linguistiques de plusieurs langues, logiciels de mise en correspondance, logiciels de choix de solution. Les banques de données contiennent d’innombrables « biais » dans les mots choisis, leur classement, les sens de ces mots et leurs classements, et l’architecture même de ces banques de données. Pour des langues différentes les banques de données ne sont pas similaires encore moins identiques, parfois non compatibles. Pour travailler correctement, cette intelligence artificielle doit être capable d’analyser le contexte de l’énoncé concerné dont le sens dépend directement. Chacun de ces éléments engage la responsabilité civile du concepteur. Puis une entreprise va produire ladite machine à traduire et une seconde entreprise, ou un second service, commercial cette fois, va mettre à disposition du public ladite machine à traduire, gratuitement ou moyennant finance. Tous garantissent que la machine à traduire fait du bon travail et le public, la plus grande partie du grand public, considère que la traduction, proposée est la bonne. Vous avez des traducteurs de poche qui reconnaissent ce que vous lui dictez et produisent oralement la traduction dans la langue choisie. Tant qu’il s’agit de demander comment je peux aller à la tour Eiffel, il n’y a pas grand dommage. Mais quand il s’agit d’un Boeing 737 MAX il y a plus qu’un immense dommage. Il y a au moins une responsabilité de niveau homicides involontaires. L’avion a été livré avec un manuel complet. En anglais ou dans la langue première des pilotes, et dans ce dernier cas qui a fait la traduction ? Les pilotes ont été formés dans une cabine de pilotage virtuel. En anglais ou dans la langue première des pilotes ? Le poste de pilotage virtuel fonctionnait-il en anglais ou dans la langue première des pilotes ? Qui a fait les traductions à ce niveau de la formation des pilotes ? Boeing a garanti à ses clients que l’avion était correct, que les manuels complets étaient corrects et que la formation des pilotes était correcte. On sait le résultat. Il y a donc eu un problème quelque part. On remonte alors la chaîne de la responsabilité civile. Les pilotes d’abord : les boîtes noires donnent la réponse : faute ou non. Puis toute la formation et l’information fournies aux pilotes sont examinées dans la langue employée. La question sera : avez-vous validée la formation comme efficace et parfaitement assimilée par les pilotes ? Comment ? La question de la langue est fondamentale et l’Intelligence Artificielle est centrale. Puis se pose la responsabilité de Boeing au niveau technique : on sait qu’il y a eu précipitation de la direction qui a négligé des mises en garde des ingénieurs responsables de la conception. Pour nous, auteurs et traducteurs, l’Intelligence Artificielle est cruciale pour la formation, l’information et la communication, de la phase de conception à l’accident final. J’ai volontairement pris un exemple industriel. Mais nous pourrions prendre un exemple littéraire. Pourquoi la traduction d’un livre de Stephen King est-elle en français si lourde et difficile à donner en lecture radiophonique par exemple, alors que la traduction d’un livre d’Anne Rice coule comme de l’hydromel dans la bouche du lecteur radio ? J’ai pratiqué les deux en radio, et quand j’ai essayé de lire une nouvelle de King dans la traduction commerciale, cela était de l’ordre de la torture. J’ai retraduit alors ladite nouvelle pour pouvoir la lire sans difficultés. Je ne vois qu’une explication : les éditeurs de ces deux auteurs en France ont soumis les traductions à des lecteurs-éditeurs et les deux lecteurs-éditeurs n’étaient pas de même niveau. Le plus surprenant bien sûr c’est que Stephen King en anglais se lit comme du petit lait, un peu sanguinolent parfois mais doux et moelleux. Pas en français. Il y a une responsabilité civile personnelle pour délit culturel dans des cas de ce genre. La distorsion d’une culture est aussi grave que plusieurs centaines de morts entre les mains de Boeing. Et la traduction automatique menace directement l’industrie du sous-titre et même du doublage. L’Intelligence Artificielle dans les machines à traduire devient un outil incontournable en traduction, mais sans un excellent traducteur en aval la traduction produite n’a aucun garantie de beauté, de correction et d’exactitude. Le moindre accident ou incident engage alors la chaîne complète de la responsabilité civile des intervenants dans la gestion de la traduction, de la langue, de la communication, raison de plus en multilingue, tout du long de la chaîne. Photo : Dr. Jacques Coulardeau – Crédit : Colloque SARI 2015.
Fonds d’aide d’urgence aux auteurs CNL-SGDL : une dotation doublée, des conditions d’accès élargies, de nouveaux intervenants

Actualités Fonds d’aide d’urgence aux auteurs CNL-SGDL : une dotation doublée, des conditions d’accès élargies, de nouveaux intervenants La SOFIA, le CFC, la SCAM, l’ADAGP et la SAIF abondent le fonds d’aides aux auteurs de livres et font partie de la commission chargée d’examiner les demandes et d’attribuer les aides. Le Conseil d’administration du Centre national du Livre, à l’issue d’une concertation avec l’ensemble des organisations représentatives des auteurs de l’écrit membres de la commission et les cinq organismes de gestion collective, a adopté, jeudi 30 avril, les modifications suivantes : les auteurs ayant publié deux ouvrages à compte d’éditeur (au lieu de trois exigés jusqu’alors) seront désormais éligibles, les revenus du foyer du demandeur ne seront plus pris en compte dans le calcul du plafond de ressources (jusqu’alors limité à 3 SMIC, soit 54 765 € brut en 2019). Ces conditions d’accès modifiées vont permettre d’aider plus d’auteurs. Ces nouveaux critères sont applicables depuis le 1er mai à l’ensemble des demandes d’aide, aussi bien à celles reçues depuis le 10 avril, qu’à celles qui seront déposées à compter du 1er mai, tant au titre du mois de mars que d’avril (et de mai). Les auteurs ont jusqu’au 1er septembre 2020 pour effectuer leurs demandes. La dotation du « Fonds d’aide d’urgence CNL-SGDL » a été ainsi doublée (2M€ au lieu de 1M€) grâce aux contributions financières de la SOFIA, de la SCAM, du CFC, de l’ADAGP et de la SAIF. Avec l’arrivée de ces 5 sociétés et le départ de la Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse, la commission est désormais ainsi composée : Centre national du Livre (CNL), Conseil Permanent des Écrivains (CPE), Syndicat national des auteurs et compositeurs (SNAC), Association des traducteurs littéraires de France (ATLF), Société des Gens de Lettres (SGDL), Société française des intérêts des auteurs de l’écrit (SOFIA), Centre français du droit de copie (CFC), Société civile des auteurs multimédia (SCAM), Société des auteurs dans les arts graphiques et plastiques (ADAGP), Société des auteurs des arts visuels et de l’image fixe (SAIF). À mi mai, selon les chiffres communiqués, environ 400 auteurs ont touchés une aide au titre des mois de mars et/ou avril, pour un montant total d’environ 400.000 €, soit une aide moyenne par auteur d’environ 1.000 € et une aide médiane de 1.150€.
Covid-19 : la Scam mobilise 1 million d’euros pour les auteurs et autrices

Actualités Covid-19 : la Scam mobilise 1 million d’euros pour les auteurs et autrices POUR LES AUTEURS ET AUTRICES DE TOUS LES REPERTOIRES (RADIO / TV / CINÉMA / WEB / ÉCRIT / JOURNALISME / TRADUCTION / PHOTO / ILLUSTRATION) La Scam augmente son fonds d’aide sociale d’urgence destiné à ses membres en situation de fragilité financière due à une baisse soudaine de leur activité professionnelle, causée par la crise sanitaire. Cette aide prend en compte à la fois la perte de revenus et la situation économique et sociale d’ensemble. Modulable (et non forfaitaire) cette aide préserve l’anonymat de celles et ceux qui en feront la demande. POUR LES AUTEURS ET AUTRICES DE L’AUDIOVISUEL La Scam crée un fonds de solidarité abondé par le ministère de la Culture via le CNC, permettant de verser une aide d’urgence de 1.500 euros par mois aux auteurs et autrices de documentaires audiovisuels aidés par le CNC dont l’activité est particulièrement affectée par la crise et qui n’ont pu être éligibles au fonds de solidarité créé par le Gouvernement au bénéfice des TPE et indépendants. POUR LES AUTEURS ET AUTRICES DE LIVRES Pour les écrivains et écrivaines bien sûr mais aussi pour les photographes ou les illustrateurs et illustratrices ayant un projet de livre, la Scam participe au fonds d’un million d’euros débloqué par le CNL et géré par la Société des gens de lettres. La Scam va abonder ce fonds et siègera à la commission des aides de la SGDL. Par ailleurs, la Scam rappelle qu’elle a assoupli le mécanisme d’avances et de paiements par anticipation des droits dus à ses membres qui peuvent atteindre, lorsque les droits ont été estimés et validés, 90 % du montant à verser.Par ses mesures exceptionnelles, la Scam entend répondre aux besoins de tous ses membres, dans leur grande diversité. La situation n’est en effet pas la même selon les secteurs et ce qui peut valoir pour un ou une documentariste ne vaut pas forcément pour un auteur ou une autrice de la radio, de l’écrit, du journalisme, de la traduction, de l’illustration, de la photographie ou encore du web. La Scam propose des aides qui s’adaptent à cette diversité de situations et entend apporter un soutien efficace, concret et adapté en ces temps de crise. Lire le communiqué en intégralité