Le droit de la propriété intellectuelle face à l’Intelligence artificielle générative – Un entretien avec Marc du Moulin

Actualités Le droit de la propriété intellectuelle face à l’Intelligence artificielle générative – Un entretien avec Marc du Moulin, secrétaire général d’Ecsa (European Composer & Songwriter Alliance). Bulletin des Auteurs – Pouvez-vous nous rappeler ce qu’il s’est passé cet été sur la loi européenne sur l’intelligence artificielle (AI Act) ? Marc du Moulin – En prévision de l’entrée en vigueur de la loi européenne sur l’intelligence artificielle le 2 août 2025, la Commission européenne a adopté un « paquet » de mises en oeuvre qui inclut le Code de « bonnes pratiques » pour les fournisseurs d’intelligence artificielle générative (10 juillet), des lignes directrices (24 juillet) et un modèle de résumé détaillé pour les données utilisées par ces fournisseurs. Le code de bonnes pratiques, un outil volontaire, ne contient que des engagements peu contraignants pour les fournisseurs d’IA, tandis que le modèle de résumé se limite à des informations générales qui ne permettent pas aux auteurs et aux autres titulaires de droits de savoir si leurs oeuvres ont été utilisées. Plus inquiétant encore, les lignes directrices relatives à la loi sur l’IA publiées par la Commission indiquent que les modèles d’IA générative pour la musique, tels que ceux de Suno et Udio, ne relèveront pas du champ d’application des obligations de la loi européenne sur l’IA. Cette transposition de la loi sur l’IA ne fournit pas suffisamment de garanties et de transparence aux auteurs et autres titulaires de droits pour exercer et protéger leurs droits. De ce fait, elle vient doucher les espoirs nés de l’adoption de la loi sur l’IA, qui devait faciliter l’exercice du droit d’auteur face à l’utilisation d’œuvres par les entreprises d’IA générative. B. A. – Les fédérations d’artistes auteurs se sont prononcées à nouveau collectivement : à quel propos ? M. du M. – En réponse à cette transposition, et dans le cadre d’une large coalition d’organisations de tous les secteurs culturels et créatifs représentant notamment les auteurs, les artistes-interprètes, les organisations de gestion collective, éditeurs et producteurs, etc., nous avons adopté une déclaration commune critiquant fermement le paquet de mesures, pour les raisons évoquées plus haut. Celle-ci appelle la Commission européenne, les États membres et le Parlement européen à revoir ces mesures et à veiller à ce que l’Union européenne protège les droits de propriété intellectuelle face aux défis de l’IA générative. B. A. – Les fédérations d’artistes auteurs se sont prononcées à nouveau collectivement : à quel propos ? M. du M. – En réponse à cette transposition, et dans le cadre d’une large coalition d’organisations de tous les secteurs culturels et créatifs représentant notamment les auteurs, les artistes-interprètes, les organisations de gestion collective, éditeurs et producteurs, etc., nous avons adopté une déclaration commune critiquant fermement le paquet de mesures, pour les raisons évoquées plus haut. Celle-ci appelle la Commission européenne, les États membres et le Parlement européen à revoir ces mesures et à veiller à ce que l’Union européenne protège les droits de propriété intellectuelle face aux défis de l’IA générative. B. A. – Quelle est la position d’Ecsa sur ces développements ? M. du M. – Notre position se base sur les trois piliers suivants : autorisation, rémunération et transparence*. Si les auteurs et les ayants droit le souhaitent, ils doivent pouvoir conclure des accords de licence avec des fournisseurs d’IA générative. L’autorisation et la rémunération vont de pair tandis que la transparence est essentielle pour lutter contre toute exploitation sans autorisation. À ce jour, du fait des incertitudes juridiques sur le champ d’application de l’Article 4 de la directive sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique (2019), d’une part, et de la transposition de la loi sur l’IA, d’autre part, l’immense majorité des entreprises d’IA générative ne respectent aucun de ces trois principes. Il en résulte une situation où toutes les œuvres disponibles sont exploitées sans autorisation et où la saisine des tribunaux devient la seule option possible pour défendre le droit d’auteur – a fortiori quand le contenu « généré » avec l’IA générative est quasi similaire à des œuvres protégées. Nous avons toujours soutenu ceux et celles qui ont les moyens d’engager ces poursuites mais nous déplorons qu’il faille en arriver là, en l’absence de clarté juridique et de volonté politique. Quand la législation est ambiguë ou inadaptée, cela donne un large pouvoir aux grandes entreprises technologiques pour en abuser, mais aussi aux tribunaux pour l’interpréter. C’est pourquoi nous suivons avec attention toutes les actions judiciaires qui ont été engagées en Europe et à travers le monde. Les futures décisions des tribunaux vont jouer un rôle essentiel pour déterminer le champ d’application de l’Article 4, ainsi que la licéité et la validité des réservations de droits déjà effectuées. B. A. – Quelles sont les prochaines étapes pour Ecsa et les autres fédérations ? Un rapport du Parlement européen est actuellement en discussion. De quoi s’agit-il ? M. du M. – Au Parlement européen, le projet de rapport du député européen Axel Voss (Allemagne) sur le droit d’auteur et l’IA générative est en cours de discussion au sein de la Commission des Affaires juridiques. Nous saluons plusieurs points clés du projet de rapport, notamment sa critique de l’Article 4 (qui n’avait pas été conçu pour l’IA générative) et ses appels en faveur d’une juste rémunération des créateurs et d’une transparence totale des données exploitées par les entreprises d’IA générative. Par ailleurs, nous estimons que d’autres points devraient être ajoutés au rapport, notamment sur la nécessaire labellisation des contenus générés avec de l’IA et la protection des droits moraux des artistes-auteurs. Nous avons beaucoup travaillé à l’élaboration d’une lettre conjointe et de recommandations de vote avec une coalition qui rassemble de nombreuses organisations d’auteurs, artistes interprètes et autres professions des secteurs culturels et créatifs. Il reste encore beaucoup de points à discuter mais une majorité de députés européens semble nous soutenir sur plusieurs points cruciaux, notamment sur la nécessité d’assurer un haut niveau de transparence et une rémunération juste pour les créateurs. Nous

La communication visuelle fait-elle partie de la culture ? – Un entretien avec Gaëlle Hersent

Actualités La communication visuelle fait-elle partie de la culture ? – Un entretien avec Gaëlle Hersent, dessinatrice de Bande dessinée et illustratrice, représentante du groupement « Bande dessinée ». Bulletin des Auteurs – Vous habitez Montpellier, vous vous êtes aperçue que la municipalité de votre ville employait l’intelligence artificielle dans sa communication, notamment culturelle. Gaëlle Hersent – Différentes campagnes de communication de la municipalité ont fait appel à l’intelligence artificielle. La plus importante, sur le racisme et le « vivre-ensemble », reprenait l’image des « Trois Grâces », qui est la statue emblématique de la place de la Comédie à Montpellier, la détournait avec trois femmes d’origine différente, générées par l’IA. De manière concomitante, dans le journal local Monsieur le Maire assurait que la Ville de Montpellier sacralisait la culture.  Deux autres campagnes ont suivi dans un temps réduit, l’une pour la « Fête de la nature », la troisième sur le site archéologique Lattara, qui appartient à la métropole. Avec Margaux Saltel, illustratrice et elle-même habitante de la métropole, nous avons trouvé cela assez paradoxal : vouloir sanctuariser la culture et néanmoins ne pas faire appel à des illustrateurs pour les affiches de la Ville. Ce télescopage nous a fait réagir. Ainsi nous avons décidé d’écrire ensemble une tribune, qui a dans un premier temps été signée par 150 personnes travaillant dans le secteur de la création : illustrateurs, auteurs de bande dessinée, graphistes, concept-artists, etc. Nous avons essayé de l’envoyer à M. le Maire et à Mme la Directrice de la communication, mais nous n’avons pas eu de réponse. A priori notre mail semble avoir été bloqué par le « fire-wall » efficace de la mairie. Ne recevant pas de réponse, et les élections municipales approchant, nous avons publié notre tribune sur les réseaux sociaux, Instagram, Bluesky, etc., afin que le sujet devienne public. Dès le lendemain un adjoint au maire nous a répondu, sur Bluesky, en nous invitant à une discussion à la mairie pour la semaine suivante. Nous avons rencontré cinq personnes de la mairie le jeudi 17 juillet. Entretemps notre tribune était passée de 150 à 400 signatures. B. A. – Quelles ont été les suites données à cette rencontre ? G. H. – La Mairie a décidé d’écrire une charte, en interne, et nous a assuré qu’il n’y aurait plus de visuels générés à 100 % par l’IA dans la communication de la métropole et de la Mairie. La directrice de la communication nous a expliqué travailler avec des agences de communication et avec des graphistes en interne. La campagne avec les Trois Grâces avait été concoctée en externe par une agence de communication. En ce cas la Mairie n’a pas la main sur le processus. La campagne sur les jardins a été faite par une jeune graphiste, en interne, qui voulait « s’amuser » avec cet outil. La directrice de la communication n’avait pas vu la troisième affiche. Elle a insisté sur le fait que plus d’un millier de visuels était produit chaque année, et que c’était juste trois affiches sur plus d’un millier… Le côté positif, c’est que nous avons été reçues rapidement par la Mairie, qui s’est montrée curieuse et attentive, que les personnes rencontrées ont voulu comprendre, d’autant que Montpellier se dit être à la pointe de la réflexion sur l’utilisation de l’IA : une convention citoyenne a été organisée entre 2023 et 2024 et elle a établi dix règles autour de l’utilisation de l’IA : une convention citoyenne a été organisée entre 2023 et 2024 et elle a établi dix règles autour de l’utilisation de l’IA. La Mairie a aussi sensibilisé ses agents sur le sujet et interdit le recours à « Chatgpt » par ses agents en 2023 en attendant d’en savoir plus. Ceci dit, il me semble que l’utilisation de l’IA générative d’images était dans leur angle mort et qu’il ne devait pas y avoir d’illustrateur ou graphiste dans le panel de citoyen.ne.s réuni.e.s lors de cette convention citoyenne. La Mairie nous a proposé d’organiser une autre réunion dans le courant de l’année, avec d’autres signataires de la tribune, pour mieux nous connaître et réfléchir ensemble. Je me pose la question de cet usage généralisé de l’IAgen au niveau de la communication visuelle des mairies et autres institutions publiques. On veut sanctuariser la culture, mais sans envisager un seul instant que la communication visuelle peut rentrer dedans. Il y a un côté très pragmatique et utilitariste des images. Touche-t-on ici à la différence floue entre « Beaux-Arts » et « Arts Appliqués » ? Et l’un vaudrait d’être sanctuarisé et pas l’autre ? Les images réalisées dans le cadre de la communication visuelle, n’est-ce pas aussi une forme de culture ? La plupart des mairies, des métropoles, des institutions publiques, ne réfléchissent pas à cela. Elles se disent : J’ai besoin d’une affiche pour communiquer des informations. Parce que ça coûte moins cher, parce que ça va plus vite, qu’il y a moins d’intermédiaires, je vais générer une image par l’IA. Je serais néanmoins curieuse de savoir si cela coûte moins cher dans le cas où c’est une agence de communication qui l’utilise mais qui facture tout de même son travail à la Mairie. Par ailleurs, est-ce qu’il n’y a pas une perte de qualité ? Les graphistes ne savent pas corriger les erreurs de dessin et les laissent apparentes (problèmes de mains, d’endroits confus et mal « dessinés »). Ainsi est livrée au public une image mal finalisée. J’ai aussi soulevé le point des droits d’auteurs auprès de la directrice de la communication. Paient-ils des droits d’auteur ou des cessions de droits à des agences de communication sur des visuels générés par l’IA ? Cela pose question parce que, à ma connaissance, il n’y a pas de droit d’auteur sur des images générées par l’IA. J’ai l’impression qu’elle n’avait pas envisagé ce point. Je viens d’assister à une table ronde, au musée Fabre de Montpellier, sur le thème « Art et IA dans la ville

Un code des bonnes pratiques pour l’IA ? – Un entretien avec Nicole Pfister Fetz

Actualités Un code des bonnes pratiques pour l’IA ? – Un entretien avec Nicole Pfister Fetz, Secrétaire générale de « European Writers’ Council (EWC)». Nicole Pfister Fetz a été durant seize années Secrétaire générale de A*dS, l’association des autrices, auteurs, traductrices et traducteurs littéraires suisses. Depuis le 1er juillet 2023, elle occupe le poste de Secrétaire générale de la Fédération des associations européennes d’écrivains (EWC). Bulletin des Auteurs – Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est le « Code of Practice » ? Nicole Pfister Fetz – L’article 56 de l’« EU Artificial Inteligence Act » (EU AI Act), la loi européenne sur l’IA, prévoit ce « Code of Practice », ou code des bonnes pratiques, qui précise la manière dont les fournisseurs de l’IA, c’est-à-dire les entreprises qui développent les modèles d’IA à usage général, ou IA générative, par exemple « ChatGPT », « Gemini », etc., qui se nourrissent du matériau des œuvres publiées et ne pourraient exister sans ce matériau, peuvent se conformer à leurs obligations au regard de la loi sur l’IA. Il existe aussi des fournisseurs de modèles d’IA qui présentent des risques systémiques, dans les domaines de la sécurité, surveillance, médecine, climat, etc. Ce « Code of Practice » est proposé à la signature des seuls fournisseurs. Les fournisseurs ne sont pas obligés de signer ce code. Ce n’est qu’une recommandation. Le signer est un moyen pour les fournisseurs de montrer la conformité des modèles qu’ils offrent à la loi sur l’IA. Les obligations auxquelles s’engagent alors les fournisseurs concernent les droits d’auteur, la transparence, la catégorisation entre modèles d’IA générative et modèles à risques systémiques, et la réduction de ces risques, enfin la bonne gouvernance des bases de données. Sur ces quatre thèmes se sont constitués quatre groupes de travail, qui participent à l’élaboration du « Code of Practice ». Ce Code des bonnes pratiques n’est qu’un chapitre des différentes mesures à prendre pour que la loi sur l’IA entre en fonction. En août 2024 le Bureau de l’IA, qui est lié à la Commission européenne, a ouvert le processus pour construire le « Code of Practice » à qui souhaitait y participer. Environ mille organisations et personnes individuelles ont répondu. Les personnes individuelles ont déclaré être des experts et des académiciens qui ont une compétence particulière dans le domaine de l’IA. Sur ces mille organisations et experts, seulement 6 % sont des organisations qui représentent les auteurs, leurs ayants-droit, les sociétés de gestion collective, les éditeurs, les producteurs, etc. Seulement 5 % des mille sont des organisations qui viennent de la société civile, qui défendent les droits humains. 13 % représentent les fournisseurs de l’IA ou autres entreprises technologiques. 30 à 40 % sont des experts indépendants. 30 % enfin sont des académiciens. Un problème est que nous n’en savons pas plus sur les participants. Plusieurs organisations ont fermement demandé que soit opérée une transparence sur la personnalité des participants. La liste des organisations a alors été publiée. Mais jusqu’à aujourd’hui on ne sait absolument pas qui sont les 60 % des personnes individuelles. Pendant le processus nous avons appris que les fournisseurs et experts individuels présents dans ces groupes de travail ne viennent pas seulement d’Europe. Plusieurs viennent des États-Unis. Il y a aussi des experts individuels et « indépendants » qui sont directement liés avec les fournisseurs de l’IA. B.A. – Comment sont gérés tous les avis émis par ces mille participants ? N.P.- F. – Au début du processus tous les participants devaient s’inscrire pour chacun des quatre groupes de travail et pour les séances plénières. La personne en titre, d’une organisation ou individuelle, ne peut être remplacée par une autre en cas d’empêchement. Notre organisation EWC dispose de trois personnes qui participent à ces quatre groupes de travail. De plus, il y a un groupe de travail qui est ouvert exclusivement aux grands fournisseurs de l’IA, qui ont ces séances supplémentaires. L’EWC et autres organisations ont demandé un calendrier prévisionnel des dates de réunion des groupes de travail. Depuis, on a reçu un calendrier avec les semaines mentionnées avec des délais pour envoyer les réactions et des séances des groupes de travail, mais pas d’informations en détail, ni les dates précises. Au mieux juste une ou deux semaines en amont, on reçoit une invitation à participer à une réunion de son groupe de travail, sur la base du document qui nous a été communiqué. Il faut être très flexible pour pouvoir se libérer. On peut alors soumettre sur une plateforme numérique, dans un certain délai, des demandes, sur la base de ce document. On peut également soumettre une demande de prise de parole durant la séance, qui ne peut durer plus de deux minutes. Sur la plateforme, on ne voit pas qui va parler lors de la séance et on peut même soumettre une question de manière anonyme. Avant la séance tous les participants d’un groupe de travail peuvent voter des questions avec pouce vers le haut. Seules les dix questions ayant obtenu le plus de voix recevront une réponse lors de la séance. Mais comme nous ne savons pas qui participera à la réunion, il n’est pas possible de se concerter ou de se coordonner avant. Avant la toute première séance, nous avons dû poser les questions et demander une prise de parole avant même d’avoir eu l’occasion de lire le document dont il allait être débattu. Les séances suivantes, souvent cela n’a guère été mieux. On peut faire part d’une réaction, chaque fois sur la base d’un projet du « Code of Practice » à la suite des réunions de groupe de travail, mais dans un espace de deux à trois semaines au maximum. C’est un travail immense, très technique. Les petites organisations n’ont pas les moyens d’employer une personne à cette tâche. Par contre, parmi les personnes individuelles, il y a aussi des avocats liés aux grandes entreprises de l’IA, ou des représentants des universités qui sont presque uniquement engagés par de grandes entreprises américaines, ceux-là ont des cabinets derrière eux qui préparent leurs interventions ou leurs réactions. Ce processus n’est pas très démocratique. Il crée un déséquilibre immense en faveur de l’industrie de l’IA. Face

Unis, auteurs et éditeurs assignent Meta pour imposer le respect du droit d’auteur aux développeurs d’outils d’intelligence artificielle générative

Actualités Unis, auteurs et éditeurs assignent Meta pour imposer le respect du droit d’auteur aux développeurs d’outils d’intelligence artificielle générative Le Syndicat national de l’édition (SNE), la Société des Gens de Lettres (SGDL) et le Syndicat national des auteurs et des compositeurs (SNAC) agissent en justice contre Meta devant la 3e chambre du Tribunal judiciaire de Paris en raison d’une utilisation massive d’œuvres sous droits, sans autorisation de leurs auteurs et éditeurs, afin d’entraîner son modèle d’intelligence artificielle générative. « Alors que nous avons constaté la présence de nombreuses œuvres éditées par des membres du Syndicat national de l’édition dans les corpus de données utilisés par Meta, nous saisissons aujourd’hui le juge pour faire reconnaître le non-respect du droit d’auteur, le parasitisme. Nous souhaitons, à travers cette assignation, agir sur le fondement des principes fondamentaux. La création d’un marché de l’IA ne peut pas se concevoir au détriment du secteur de la culture », déclare Vincent Montagne, président du SNE. Cette action en justice s’inscrit dans un contexte de régulation au niveau européen, l’AI Act ayant rappelé la nécessité pour les sociétés éditrices de solutions d’intelligence artificielle générative de respecter le droit d’auteur et d’assurer la transparence sur les sources utilisées pour développer des modèles de fondation. A l’occasion du Sommet pour l’action sur l’Intelligence Artificielle, 38 organisations internationales représentant l’ensemble des secteurs créatifs et culturels ont également publié une charte culture et innovation afin de défendre le droit d’auteur et la propriété intellectuelle face aux IA. « L’action que nous entamons doit aussi faire naître une volonté sérieuse des IA de tenir compte de la création, d’en respecter le cadre juridique et le cas échéant de trouver des contreparties pour l’utilisation d’œuvres dont ils se nourrissent. C’est essentiel pour préserver un écosystème fragile qui doit sa richesse à la diversité éditoriale », ajoute Christophe Hardy, président de la SGDL. François Peyrony, président du SNAC indique enfin : « L’objectif, à travers cette action inédite en France, est aussi d’ouvrir la voie à d’autres actions similaires afin de protéger si nécessaire les auteurs des dangers de l’IA qui pille leurs œuvres et le patrimoine culturel pour s’entraîner et qui produit des “faux livres” qui entrent en concurrence avec les vrais livres d’auteurs. » Les plaignants réclament le respect du droit d’auteur et, notamment, le retrait complet des répertoires de données créés sans autorisation et utilisés pour entraîner les IA. Contacts presse SNE : Hélène Conand, directrice de la communication, hconand@sne.frSGDL : Virginie Frenay, responsable communication, communication@sgdl.orgSNAC : Maïa Bensimon, déléguée générale, ladirection@snac.fr  

Pacte d’engagement éthique

Actualités Le pacte d’engagement éthique Un « Pacte d’engagement éthique pour une accessibilité universelle et pour un travail créatif d’auteurs, d’autrices et d’artistes interprètes » a été signé par les organisations suivantes : L’ATAA (Association des Traducteurs/Adaptateurs de l’Audiovisuel) L’association Les Voix.fr Le SFA (Syndicat Français des Artistes interprètes) Le SNAC (Syndicat National des Auteurs et des Compositeurs) Le SNTPCT : Syndicat National des Techniciens et Travailleurs de la Production Cinématographique et de Télévision (av) L’UNAC : Union Nationale des Auteurs et Compositeurs L’UPAD (Union Professionnelle des Auteurs de Doublage) Lire le pacte

L’IA abîme l’image de notre métier – Un entretien avec un traducteur audiovisuel

Actualités L’IA abîme l’image de notre métier – Un entretien avec un traducteur audiovisuel Bulletin des Auteurs – L’IA menace-t-elle votre métier ? Un traducteur audiovisuel – La banque d’affaires Goldman Sachs a publié un rapport voici quelques mois sur l’IA, où il est démontré que l’IA est une bulle qui va éclater parce qu’il n’y a pas d’argent à gagner. Pour moi, l’IA c’est un peu comme les fansubbers, dont tout le monde parlait il y a dix ou quinze ans, les bénévoles qui écrivaient les sous-titres gratuitement pour traduire des œuvres piratées. Ces fansubbers ne présentaient pas une menace réelle pour les auteur.e.s professionnel.le.s de sous-titres, car ils n’avaient aucune compétence en traduction. Mais ils présentaient une menace en termes d’image, en instillant l’idée que n’importe qui peut créer des sous-titres, ce qui tendait à dévaloriser notre métier. Là, c’est pareil : dès que l’on dit : « J’écris des sous-titres », on s’entend répondre : « Ah oui ! Eh bien ce sera bientôt fait par les ordinateurs. » Les gens répètent ce qu’ils ont entendu, mais qui est complètement faux. Les systèmes de traduction automatique en sous-titrage produisent de la bouillie. En effet, ils ne font pas de la traduction, mais de la corrélation statistique. La traduction, c’est transmettre le sens. Or une machine ne comprend pas le sens, elle ne comprend rien, elle décide seulement qu’après ce mot-ci il y a de fortes chances que vienne ce mot-là. Par l’augmentation de leur puissance, les machines sont désormais capables d’établir des corrélations au sein d’immenses champs de données. Malgré tout, un humain doit passer derrière, c’est le Turc mécanique qui joue aux échecs : il y a un humain, caché dans la machine, qui actionne la main de l’automate. Mais aujourd’hui, les sociétés qui produisent les processeurs chutent en bourse parce que les scientifiques commencent à expliquer que ces méthodes de corrélation statistique ont des limites, intrinsèques, renforcées par le fait qu’elles produisent de mauvaises traductions, dont ensuite elles s’alimentent. Les algorithmes s’enfoncent ainsi dans l’erreur. À ce titre, les fameuses « démonstrations » des performances de l’IA, qu’on trouve sur les sites des vendeurs d’IA, sont trompeuses, l’humain est repassé derrière, et personne ne sait combien de temps a été passé à corriger la machine. L’enjeu est uniquement de faire du business, il s’agit de créer le buzz et d’impressionner, pour vendre. B. A. – Les sociétés avec lesquelles vous travaillez ne commencent-elles pas à vous imposer un travail de « post-édition » ? T. A. – Certains sous-titres que l’on voit sur des plateformes ont été produits par une machine et un humain est repassé rapidement derrière. Le résultat est très mauvais. Le plus grave, c’est que des universités, des master pro, se mettent à dire à leurs étudiants : « C’est merveilleux, on va vous former pour l’avenir, vous serez post-éditeurs. » Cela donne une idée du niveau de sérieux de ces formations universitaires. Pour beaucoup d’universités, ce qu’il faut, c’est être à la pointe de ce qui semble être la modernité pour donner l’idée à la hiérarchie qu’on est de son temps et attirer les étudiants. Cela ne les dérange pas de former des Bac + 5 qui ne seront que des perroquets. B. A. – C’est un modèle qui pourrait alors s’imposer. T. A. – Peut-être, mais il ne s’imposerait pas parce qu’il est efficace, ou performant, ou même pertinent économiquement parlant, car l’économie de coût qu’il pourrait permettre équivaut inévitablement à un sous-titrage au rabais. Je ne sais même pas si cela revient vraiment moins cher, et on se retrouve avec un produit inutilisable. Posons donc la vraie question : quand on dépense de l’argent, a-t-on envie d’obtenir un bon sous-titrage, ou un mauvais sous-titrage ? Le problème n’est donc pas que l’on a inventé des machines merveilleuses qui vont remplacer les gens. Le problème, c’est que les vendeurs d’IA commercialisent du vent, du vaporware, mais risquent de réussir à convaincre une part du public que la traduction c’est fini, au profit de la traduction automatique et d’une post-édition. B. A. – Les entreprises avec lesquelles vous travaillez font-elles pression pour que vous adoptiez ce système ? T. A. – Pas les sociétés basées en France. Pour certaines plateformes, c’est autre chose, dans la mesure où elles ont des prestataires globaux auxquels elles ont donné tout pouvoir et dont elles contrôlent très mal les méthodes. La corrélation statistique à grande échelle peut être efficace dans certains domaines, dans les sciences dures, en chimie, en physique, pour faire des simulations de matériaux, c’est très utile. Ces applications permettent d’économiser un temps énorme et sont donc efficientes, mais dans un champ extrêmement réduit et précis. Mais entraîner l’IA à accomplir une tâche, même dans un champ limité, est d’un coût très élevé, consomme des quantités d’électricité invraisemblables, et c’est pour cela que Goldman Sachs souligne qu’entre ce qu’on peut vendre avec l’IA et le coût de développement, il n’y a aucune logique économique. Bien sûr que l’IA est inquiétante, mais avant tout parce qu’elle dévalorise nos métiers. Il faut se méfier des gens qui ont un intérêt économique à vous raconter des sornettes. Or ce sont les seuls à faire la promotion de l’IA en traduction.

Le Pacte d’engagement éthique pour une accessibilité universelle – Un entretien avec Frédéric Gonant et Tatiana Taburno

Actualités Le Pacte d’engagement éthique pour une accessibilité universelle – Un entretien avec Frédéric Gonant et Tatiana Taburno, audiodescripteurs•rices, représentants•tes du groupement Doublage/ Sous-Titrage/ Audiodescription. Bulletin des Auteurs – Comment s’est imposée l’idée du Pacte ? Frédéric Gonant – En sept ans, les tarifs d’auteurs d’audiodescription ont diminué de 60 % et nous sommes devenus corvéables à merci. Les délais entre la commande et la livraison du texte rétrécissent et les conditions de travail partent à vau-l’eau (film en cours de finition, copie image de mauvaise qualité, absence de traduction, enregistrement en home studio sans aucune compensation…) Cette dégradation nous fait perdre le sens de notre travail et ressemble à la mise en place d’un terreau pour que s’implante l’intelligence artificielle générative (IAg). La goutte d’eau a été la volonté de certains commanditaires de vouloir nous contraindre à travailler sur des logiciels en ligne. Il n’est pas envisageable de participer à ce passage en force sans le dénoncer et sans se battre. Il nous faut dialoguer avec les commanditaires intermédiaires que sont les laboratoires et, pour cela, il est indispensable de se solidariser et d’équilibrer le rapport de force. La qualité d’une partie de la post-production cinématographique est en danger. Tatiana Taburno – L’arrivée de l’IA se produit en parallèle de la détérioration de nos conditions de travail. Nous sommes partis du constat d’une situation très spécifique à notre profession d’audio descripteurs et d’audio descriptrices, et nous nous sommes attachés à questionner en premier lieu le pourquoi et le sens même de notre métier. Le terme accessibilité est lié dans l’imaginaire collectif au handicap, or la définition d’accessibilité est avant tout : « la possibilité d’avoir accès à ». Avoir accès à une œuvre n’a pas nécessairement à voir avec le handicap. Prenons un simple exemple : la plupart des œuvres audiovisuelles ne sont pas en langue française. Elles ne sont donc pas accessibles. Une œuvre existe-t-elle si elle n’est pas transmise et diffusée ? Elle n’existe que si elle est accessible. Si nous nous fondons sur cette idée d’une accessibilité universelle, nous nous dégageons de ce filtre du handicap pour englober à niveau égal toutes les formes d’adaptation. Nous touchons ainsi la grande majorité des personnes qui, pour « x » raisons, n’ont pas accès à une œuvre. Nous nous adressons aux personnes empêchées de comprendre(lorsque l’on ne maîtrise pas une langue étrangère), de voir ou d’entendre. B. A. – Le Pacte rassemble de multiples professions : auteurs de doublage et de sous-titrage, audio descripteurs, artistes-interprètes, traducteurs, directeurs artistiques, ingénieurs du son… Quel a été le cheminement de ce Pacte ? Frédéric Gonant – Notre métier fait le lien entre l’écriture et l’interprétation, car nous écrivons pour que notre audiodescription soit lue. Nous faisons partie des métiers de l’ombre du cinéma, comme les traducteurs, les doubleurs… Tatiana Taburno – Les adaptations revêtent un rôle clef, indispensable à la circulation des œuvres audiovisuelles dont les auteurs, autrices et artistes-interprètes sont les passeurs. Cette accessibilité concerne autant le doublage, le sous-titrage multilingue, la voice-over, que l’audiodescription, le sous-titrage pour sourds et malentendants, toutes ces versions qui rendent accessible une grande richesse audiovisuelle. Il est évident que nous devons nous rassembler. Nous sommes tous et toutes auteurs et autrices de nos œuvres, qui sont des œuvres dérivées, adaptées des œuvres originales. Elles doivent être considérées à leur juste valeur. Les auteurs, les interprètes, les ingénieurs du son, les directeurs artistiques… Nous travaillons de concert. Frédéric Gonant – De tradition, dans le secteur audiovisuel, que ce soit pour les traducteurs-adaptateurs ou les auteurs d’audiodescriptions ; il n’existe que très rarement des contrats. Nous travaillons en confiance. La confiance d’hier, avec, entre autres, des commandes en direct, n’est plus du tout la même avec les laboratoires intermédiaires d’aujourd’hui. Ces intermédiaires exercent des pressions (sous couvert de leurs clients ou de la concurrence…) et la transparence n’est plus au rendez-vous. Notre travail d’audiodescription est régulièrement revendu sans notre accord et sans contrepartie. L’arrivée de l’intelligence artificielle dans ce secteur non protégé nous fragilise encore plus. Rappelons que travailler en ligne, revient à donner tous nos brouillons. Tatiana Taburno – Les « machines » auxquelles nous donnons nos brouillons apprennent également, via le travail en ligne, notre processus d’écriture. D’ailleurs, dire qu’elles apprennent est un abus de langage. Elles ingurgitent. La plupart du temps, nos interlocuteurs directs sont les laboratoires, qui sont des intermédiaires, et ils ont leur part à jouer quant aux conditions de travail qui nous sont imposées. Nous souhaiterions une plus grande transparence avec nos interlocuteurs directs, les laboratoires, et indirects, lesproducteurs et distributeurs. Frédéric Gonant – La fragilité dans laquelle nous nous trouvons et d’autant plus grande qu’aucun organisme de gestion collective (OGC) ne nous prend en charge. Malgré nos demandes légitimes depuis plus de vingt ans, si personne ne remet en doute notre travail d’auteur, aucune OGC ne gère nos droits d’auteur, ce qui nous empêche de protéger nos textes. Tatiana Taburno – Nous attendons une reconnaissance, une prise en charge… Nous espérons que le dialogue va se rouvrir, au moment où la question de la propriété intellectuelle et de l’autorialité est posée par l’utilisation de l’IAg. B. A. – Comment avez-vous construit le texte du Pacte ? Tatiana Taburno – Nous avons écrit une première mouture que nous avons proposée aux différentes organisations (notamment les associations Ataa, Upad, et Les Voixet le Syndicat français des artistes-interprètes (SFA), qui ont contribué au texte final et commun. Ce Pacte est une ligne commune. Un pacte, ce sont des mains qui se serrent. C’est un appel à être entendus, reconnus. Il s’adresse aux différents acteurs de la chaîne de production, de post-production et de distribution, mais également aux pouvoirs publics (notamment le ministère de la Culture, le CNC et l’Arcom) et aux publics regroupés en associations. Le Pacte encourage un triple engagement : respecter l’œuvre, respecter les personnes qui ont travaillé pour son accessibilité, respecter les personnes qui sont destinataires de l’œuvre. B. A. – L’intelligence artificielle menace le sens de vos

SUNO et la création musicale : préserver l’âme artistique face à l’IA – par Sylvain Morizet

Actualités SUNO et la création musicale : préserver l’âme artistique face à l’IA – par Sylvain Morizet, compositeur, arrangeur et pianiste, représentant du groupement « Musiques contemporaines ». L’avènement de SUNO, une intelligence artificielle capable de générer des chansons avec des paroles, suscite une réflexion profonde sur la nature de la création musicale. Pour le Syndicat national des auteurs et des compositeurs (Snac), cette innovation technologique interpelle directement les auteurs et compositeurs, gardiens de l’âme artistique. Comment concilier les avancées de l’IA avec la préservation de la créativité humaine qui est au cœur de la musique ? SUNO peut parfois surprendre par sa capacité à trouver des mélodies accrocheuses, particulièrement dans les refrains. Avec un prompt précis, il peut proposer des grilles harmoniques plutôt originales. Pour certains créateurs, cet outil peut aider à surmonter la page blanche, offrant une base d’inspiration sur laquelle développer une œuvre. Il est indéniable que l’IA peut apporter des éléments stimulants, ouvrant de nouvelles perspectives dans le processus créatif. Cependant, même si SUNO peut générer des idées musicales intéressantes, il est important de reconnaître que la véritable essence de la musique réside dans l’expression humaine. Les émotions, les expériences personnelles et la sensibilité de l’artiste sont des éléments que l’IA ne peut pleinement reproduire. La créativité musicale n’est pas seulement une question de combinaisons harmonieuses, mais l’expression d’une vision du monde unique. Une question se pose alors : est-ce que la Sacem inscrirait dans son répertoire une chanson fabriquée avec l’aide de SUNO ? La Sacem, en tant que société de gestion collective des droits d’auteur, exige que les œuvres soient originales et créées par des individus identifiables. Si une chanson est générée par une IA, sans contribution créative significative d’un humain, sa reconnaissance et sa protection juridique pourraient être remises en question. Les critères actuels de la Sacem nécessitent une clarification pour s’adapter à ces nouvelles formes de création. Par ailleurs, établirions-nous un lien entre SUNO et leur site ? La promotion ou l’intégration de SUNO dans les plateformes dédiées aux auteurs et compositeurs soulève des interrogations éthiques et professionnelles. Si SUNO est perçu comme un outil d’assistance à la création, une collaboration pourrait être envisageable, à condition de définir clairement les rôles et les limites de l’IA dans le processus créatif. Toutefois, il est essentiel de veiller à ce que cette association ne porte pas préjudice aux créateurs humains en diluant la valeur de leur travail. Pour les auditeurs, l’offre musicale pourrait sembler infiniment enrichie par SUNO. La possibilité de générer des chansons à la demande, adaptées à des préférences spécifiques, est séduisante. Cependant, cette abondance risque de conduire à une standardisation des contenus. Les algorithmes, basés sur des données existantes, pourraient reproduire des schémas populaires sans apporter de réelle innovation ou surprise. La découverte musicale, cet émerveillement face à l’inattendu, pourrait s’estomper. Les auditeurs seraient privés de l’opportunité de se confronter à des œuvres originales, porteuses de nouvelles perspectives. La musique deviendrait un simple produit de consommation, perdant sa dimension artistique et culturelle. Pour les auteurs et compositeurs, SUNO représente à la fois un outil potentiel et une menace concrète. D’un côté, l’IA peut aider à éviter la page blanche, en fournissant des idées de mélodies ou d’harmonies qui peuvent être développées et enrichies par l’artiste. De l’autre, il existe le risque que l’IA soit utilisée pour remplacer le travail des créateurs, mettant en péril leur métier et leur passion. Cette dévalorisation du rôle de l’artiste est préoccupante, car elle sous-estime l’importance de la contribution humaine dans la création musicale. Les auteurs et compositeurs ne sont pas de simples producteurs de contenu, mais des narrateurs, des visionnaires qui façonnent la culture et l’identité collective. Leur disparition ou marginalisation au profit de l’IA serait une perte inestimable pour la société. Sur le plan juridique, l’utilisation de SUNO, ou de touteautre IA générative, soulève des questions complexes. Si l’IA est entraînée sur des œuvres protégées par le droit d’auteur, cela constitue une exploitation des créations sans consentement ni rémunération des ayants droit. Il est impératif de mettre en place des cadres légaux qui garantissent le respect des droits des auteurs et compositeurs. La production de nouvelles œuvres par l’IA pose également la question de la titularité des droits. Qui est l’auteur d’une chanson générée par une IA générative ? L’utilisateur, le développeur de l’algorithme, ou personne ? Sans clarification, il existe un risque de voir proliférer des œuvres sans protection juridique, déstabilisant davantage le secteur musical. Dans ce contexte, la position de la Sacem devient cruciale. Si elle décide de ne pas inscrire ces œuvres dans son répertoire, cela pourrait protéger les intérêts des auteurs, mais aussi limiter la reconnaissance des créations assistées par IA. Il est crucial de rappeler que la musique est avant tout une expression humaine. Les IA génératives ne doivent pas remplacer les créateurs, mais éventuellement les assister, sans empiéter sur leur rôle fondamental. L’innovation technologique doit être au service de l’humain, et non l’inverse. Le Snac a un rôle primordial à jouer dans cette transition. En défendant les intérêts des auteurs et compositeurs, il contribue à préserver la richesse culturelle et artistique de notre société. Il est essentiel de promouvoir des politiques qui soutiennent la création humaine, en valorisant le travail des artistes et en sensibilisant le public à l’importance de leur contribution. Plutôt que de rejeter totalement l’IA, il est envisageable de rechercher un équilibre où la technologie et la créativité humaine coexistent harmonieusement. Les auteurs et compositeurs pourraient utiliser des outils comme SUNO pour explorer de nouvelles idées, sans pour autant renoncer à leur rôle central dans la création. Cependant, cette coexistence ne doit pas se faire au détriment des créateurs. Des mesures doivent être prises pour assurer que l’IA reste un outil complémentaire, et non un substitut. La formation, la sensibilisation et l’adaptation des cadres légaux sont des éléments clés pour réussir cette transition. Les IA génératives nous confrontent à des défis majeurs, mais aussi à une opportunité de réaffirmer la valeur inestimable de la

Le Copyright et l’intelligence artificielle – Un entretien avec Jacques Coulardeau

Actualités Le Copyright et l’intelligence artificielle – Un entretien avec Jacques Coulardeau, membre du groupement Lettres. Bulletin des Auteurs – Quel est l’historique du « Copyright » ? Jacques Coulardeau – Tout commence à la suite de l’invasion de l’Angleterre par les Normands, à la bataille d’Hastings en 1066. En 1100 l’un des rois normands, donc anglais, écrit et publie, sous forme de copie, une décision qui spécifie un certain nombre de droits fondamentaux des citoyens du royaume, laquelle deviendra la « Magna Carta » de 1215. L’invention de l’imprimerie est acquise aux alentours de 1450. Un procès oppose Gutenberg, son inventeur, à Johann Fust, le banquier qui l’a financé. Fust obtient du tribunal que tout ce qu’il a financé soit reconnu comme sa propriété. Ça, c’est clair, c’est le Copyright. Si je paie, ça m’appartient. En 1557 en Angleterre, la Reine Marie, dite « Bloody Mary », très catholique, l’une des filles d’Henry VIII, lequel avait mis en place l’Église anglicane, veut empêcher toute publication qui irait dans le sens du protestantisme. Dans cet objectif, elle attribue à la Guilde des imprimeurs-libraires le droit de contrôler les œuvres qu’ils publient, c’est le Copyright. La Reine utilise ce copyright comme outil ce censure. La Reine Élisabeth, sa demi-sœur, qui lui succède, entérine cette situation. Ce privilège de la Guilde va perdurer jusqu’en 1710. Mais Élisabeth rétablit l’anglicanisme de son père Henri VIII. La censure s’exerce maintenant, viace copyright, contre le catholicisme. Les successeurs d’Élisabeth, les Stuart, vont imposer en 1637 une institution de contrôle de l’édition, la « Star Chamber », qui vise les publications catholiques, mais surtout puritaines. Ce qui va susciter la révolution de Cromwell (exécution de Charles 1er le 30 janvier 1649), et une autre forme de censure, puisque Cromwell installe une censure préalable, à laquelle sont soumis tous les écrits en amont de leur publication. Le poète John Milton accepte de présider cette commission de censure. Milton écrit « Areopagitica » (1644), un pamphlet qui justifie le nécessaire contrôle des contenus publiés, pour qu’ils soient « réalistes et vrais ». C’est la censure au nom de la Vérité, la vérité puritaine bien sûr de « Paradise Lost » (« Paradis perdu » [1667, « Divine Comédie du puritanisme »]). Les Stuart reviennent sur le trône en 1660, cela se passe de nouveau mal car ils rétablissent aussitôt la censure anti-puritaine. La loi de l’« Habeas Corpus » est actée par le Parlement en 1679. Cet « Habeas Corpus » existait de fait depuis la « Magna Carta » de 1215. L’« Habeas Corpus » de 1679 annonce la « Glorieuse Révolution » qui dépose les Stuart en 1688. En 1689 la « Bill of Rights » (Loi sur les Droits Civiques) spécifie les droits fondamentaux de l’homme, en principe pour tout le monde. Cet acte est fondé sur l’idée principale que l’Angleterre est un pays anglican, qu’on peut y tolérer les catholiques et les puritains à condition qu’ils soient discrets. La Cathédrale catholique de Westminster a été construite entre 1895 et 1903. L’émancipation des hommes juifs se fit progressivement entre 1833 et 1890. La Reine Anne, en 1710, établit que le Copyright est la propriété exclusive de l’auteur. L’auteur peut le céder pour une utilisation spécifique et limitée dans le temps. C’est une location des droits commerciaux. Le concept de droit moral en est absent. Les États-Unis sont sur cette logique. La déclaration d’Indépendance est proclamée en 1776. La Constitution est promulguée en 1787. Un article de la Constitution édicte que le Copyright de la chose imprimée et les Patentes pour les inventions sont des droits constitutionnels, ainsi que leur propriété par les auteurs et les inventeurs, laquelle peut être cédée sous forme de licence, pour une durée limitée, à l’époque jusqu’à la mort de l’auteur, aujourd’hui jusqu’à soixante-dix ans après sa mort. Pour les patentes la licence est limitée à un certain nombre d’années, aujourd’hui le plus souvent vingt ans maximum. Une première loi de « US Copyright », en 1790, acte ces dispositions. C’est à cette époque qu’en France, parallèlement, Beaumarchais invente le « droit d’auteur » et propose la loi sur le droit d’auteur les 13-19 janvier 1791 à l’Assemblée Nationale Législative (Rappel : la SACD a été fondée par Beaumarchais en 1777). On y parle du droit moral, et, en second, des droits commerciaux qui découlent des droits d’auteur et donc du droit moral. B. A. – Ainsi nous avons aujourd’hui deux systèmes ? J. C. – En 1976 est renégocié le traité de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) parce que les États-Unis ont finalement décidé d’adhérer à l’Ompi et que leur adhésion pose problème car ils exigent que l’on inclue le « Fair Use» dans le champ du traité. L’Assemblée Générale de l’Ompi refuse d’intégrer le « Fair Use » mais intègre dans la définition du Copyright un certain nombre d’articles qui définissent le droit moral. Ce Copyright qui inclut le droit moral est le principe universel de la propriété intellectuelle. Tous les pays l’adoptent et le transcrivent dans leur loi nationale (quelques poids lourds récents sont la Russie et la Chine). Les États-Unis, seuls ou presque (Le Royaume-Uni en reste au copyright historique de l’Édit d’Anne de 1710 et des décisions judiciaires de la Chambre des Lords siégeant en Cour Suprême au XVIIIe siècle, le plus célèbre cas étant Donaldson v. Beckett en 1774), en demeurent à leur copyright étroit, qui n’inclut pas le droit moral, et à leur « Fair Use ». B. A. – Quelles sont les règles du « Fair Use » ? J. C. – La Cour Suprême des États-Unis a imposé quatre critères pour pouvoir utiliser une œuvre en « Fair Use » défini dans la Section 107 de la loi sur le Copyright de 1976, c’est-à-dire sans avoir à demander l’autorisation de l’auteur ni avoir à payer des « Royalties » : – une utilisation non commerciale ; – une utilisation créative et inventive par rapport à l’œuvre originale, ce qui

IA : boite à outils pour le secteur

Actualités IA : boite à outils pour le secteur Les recommandations de l’European Writers’ Council (EWC) pour les auteurs et les traducteurs, les éditeurs, les libraires, les organisateurs d’événements et autres parties prenantes du secteur du livre en matière d’accords bilatéraux et contractuels ainsi que d’exigences techniques, en ce compris, les procédures dites d’opt-out (droit d’opposition). Lire le document en intégralité