Pacte d’engagement éthique

Actualités Le pacte d’engagement éthique Un « Pacte d’engagement éthique pour une accessibilité universelle et pour un travail créatif d’auteurs, d’autrices et d’artistes interprètes » a été signé par les organisations suivantes : L’ATAA (Association des Traducteurs/Adaptateurs de l’Audiovisuel) L’association Les Voix.fr Le SFA (Syndicat Français des Artistes interprètes) Le SNAC (Syndicat National des Auteurs et des Compositeurs) L’UPAD (Union Professionnelle des Auteurs de Doublage) Lire le pacte
Une entrée collective des audiodescriptrices et audiodescripteurs au Snac – Un entretien avec Dune Cherville, Cécile Mathias, Tatiana Taburno, audiodescriptrices, et Ouiza Ouyed, relectrice d’audiodescriptions.

Actualités Une entrée collective des audiodescriptrices et audiodescripteurs au Snac – Un entretien avec Dune Cherville, Cécile Mathias, Tatiana Taburno, audiodescriptrices, et Ouiza Ouyed, relectrice d’audiodescriptions. Photographie de Dune Cheville. Crédit : Karoll Petit / Hans Lucas. Photographie de Cécile Mathias. Crédit : Lewis Wingrove. Photographie de Ouiza Ouyed. Crédit : Katia Lutzkanof. Photographie de Tatiana Taburno. Crédit : Antonio Cinefra. Durant l’été, le Snac a observé une adhésion importante et collective des autrices et auteurs d’audiodescription. Nous avons demandé à quatre d’entre elles quelle a été la genèse de ce mouvement. Dune Cheville est audiodescriptrice et « voix », c’est-à-dire artiste interprète d’audiodescriptions, depuis une vingtaine d’années ; Cécile Mathias est autrice d’audiodescriptions depuis 2018 et traductrice FALC (Facile à Lire et à Comprendre) ; Ouiza Ouyed est relectrice non-voyante d’audiodescriptions depuis 2003 ; Tatiana Taburno est interprète et, depuis quatre ans, autrice de sous-titrages et d’audiodescriptions. * Bulletin des Auteurs – Le Snac salue cette entrée importante et collective des audiodescriptrices et audiodescripteurs. Dune Cherville – Des audiodescripteurs, comme Laurent Mantel ou Héloïse Chouraqui, adhéraient déjà au Snac, et pouvaient nous conseiller sur un plan juridique. Nous menons avec eux notre combat pour que les audiodescripteurs puissent bénéficier des droits de diffusion, qui nous sont jusqu’à présent refusés, bien que nos audiodescriptions passent et repassent sur les chaînes de télévision. Nous étions déjà persuadé·e·s de l’importance d’être syndiqué·e·s, un événement récent a fait que nous avons besoin d’être réuni·e·s collectivement sous l’égide du Snac. Bulletin des Auteurs – Pouvons-nous rappeler en quoi consiste l’audiodescription ? Dune Cherville – C’est un procédé technique né aux États-Unis à la fin des années 1980, qui commence à s’imposer en France, notamment parce que depuis le 1er janvier 2021, tous les films qui ont l’agrément CNC, soit 350 films par an, ont l’obligation d’avoir la piste audiodescription et le sous-titrage SME (Sourds et Malentendants). C’est un métier d’auteur, d’écriture. Nous sommes des traducteurs d’images. Nous partons d’une page blanche et traduisons des images au fur et à mesure que le film se déroule, en prenant bien en compte l’architecture sonore du film, pour laisser les reliefs des bruitages, de la musique, laisser vivre les silences, les dialogues. Nous nous insérons de manière discrète, mais essentielle, puisque nombre de films seraient inaccessibles sans l’audiodescription. Une minute de film représente une heure de travail. Notre texte n’est pas fait pour être lu, mais entendu. Un comédien va donc interpréter, dans un deuxième temps, le texte, dont l’enregistrement va être mixé avec la bande-son du film, en studio, par un ingénieur du son. Cécile Mathias – Nous ne devons pas interpréter, mais nous devons analyser et traduire le message du metteur en scène. Chaque film est différent, notre travail n’est pas mécanique, c’est un travail d’orfèvre. Ouiza Ouyed – Je relis de nombreux auteurs, chacun a sa manière d’écrire, c’est un travail d’analyse en effet, et d’immersion dans l’œuvre cinématographique, vivante ou muséale. Tatiana Taburno – C’est une traduction sensible. On ne peut pas totalement se défaire d’une part de subjectivité. Nous sommes spectateurs·rices, individuellement, d’une œuvre originale et nous allons par la suite donner à voir et à interpréter, mais on ne doit aucunement imposer une interprétation. Il ne s’agit pas d’une explication. Donner à voir signifie dans ce cas permettre à chacun de laisser jouer son imaginaire pour développer un avis et un ressenti qui lui est propre, à partir de l’œuvre originale, de la même façon que trois voyants·es iront voir un même film, au même horaire, dans la même salle de cinéma et n’auront pas le même ressenti. Dune Cherville – Il y a une phrase très belle, d’une cinéaste aveugle, qui dit : « L’audiodescription, c’est comment par les yeux d’un autre, et surtout par les mots d’un autre, des images s’animent sur l’écran de mon regard intérieur. » Cécile Mathias – La dernière étape, c’est avec Ouiza, et d’autres personnes comme elle. Ouiza Ouyed – Je ne représente personne, mais un métier, oui, celui de la relecture. Nous, relecteurs aveugles, notre rôle est de vérifier avec l’auteur la fluidité de l’écriture, le sens, et justement que cette transmission des images, de l’intrigue, des émotions, des rires, des pleurs, soit bien sensible et cohérente, et que ce visionnage soit riche pour tout le monde, sachant que le public des non-voyants ou des malvoyants est un public aussi varié que celui des gens qui voient clair. L’audiodescription doit se fondre dans l’œuvre cinématographique sans la trahir. Tatiana Taburno – Cet aspect collaboratif et artisanal est fondamental et doit être préservé. Bulletin des Auteurs – Quel est l’événement qui menace désormais vos métiers ? Tatiana Taburno – Ce qu’il se passe a trait à l’intelligence artificielle générative et va bien au-delà de l’audiodescription. Nous sommes confronté·e·s à l’arrivée de nouveaux outils connectés et basés sur l’IA. Ces outils sont développés sur le principe des logiciels de doublage et sont amenés, in fine, à nous remplacer. Ils fonctionnent selon une architecture complexe et puissante d’algorithmes qui eux-mêmes sont nourris par la créativité humaine. Se pose donc nécessairement la question de l’éthique, de la dimension créative, de la propriété intellectuelle, des droits d’auteur, puisque nous sommes auteurs·rices d’une œuvre originale, bien qu’elle-même dérivée d’une première œuvre originale. Intégrer nos textes dans ces logiciels connectés et basés sur l’IA revient à nourrir la bête, en somme. Via ces algorithmes, les logiciels vont emmagasiner une mémoire colossale et l’IA pourra opérer une mise en lien de toutes ces données, mais une mise en lien dénuée de sensibilité. Il s’agit de mettre en garde contre cette perte de sensibilité et alerter sur un risque majeur pour nos métiers. Les auteurs·rices se transformeraient en correcteurs-exécutants de machines. Le gain de temps n’est absolument pas garanti. Une correction en bonne et due forme peut prendre autant de temps qu’une écriture originale et la liberté de création s’en retrouve biaisée. Par ailleurs, quid du statut d’auteur·ice, du rôle des relecteurs·rices, des ingénieurs du son et des comédiens·ne·s qui pourraient être remplacé·e·s par des voix de synthèse si aucun cadre législatif ne s’impose ? De nombreuses réactions voient le jour au sein d’organisations professionnelles, de
Les dangers de l’intelligence artificielle dans le domaine de la traduction – Un entretien avec Jonathan Seror, juriste de l’Association des traducteurs littéraires de France (ATLF)

Actualités Les dangers de l’intelligence artificielle dans le domaine de la traduction – Un entretien avec Jonathan Seror, juriste de l’Association des traducteurs littéraires de France (ATLF) L’ATLF et l’Association pour la promotion de la traduction littéraire [Atlas] publient une Tribune intitulée : « IA et traduction littéraire : les traductrices et traducteurs exigent la transparence », qui alerte sur les dangers imminents de l’intelligence artificielle dans le domaine de la traduction. Bulletin des Auteurs – Qu’est-ce que la « traduction automatique » ? Jonathan Seror – C’est la « transcription » d’un texte d’une langue source vers une langue cible, réalisée par un programme informatique. Le logiciel va utiliser un algorithme qui analyse une quantité colossale de traductions humaines déjà existantes lui permettant d’établir des correspondances entre des corpus de textes écrits dans plusieurs langues pour reproduire in fine des mots, des phrases, parfois des paragraphes, sur une base statistique. La machine se contentant d’ingurgiter et de régurgiter des fragments de textes sans en comprendre le sens, la plupart des traducteurs récusent le terme de traduction et préfèrent parler de transcodage ou de sortie machine (pour mettre en avant l’aspect informatisé et l’absence de pensée de la mal nommée « intelligence » artificielle) ou encore de pré-traduction (ce qui suppose l’intervention ultérieure d’un « vrai » traducteur). B. A. – Où en est aujourd’hui l’édition dans le domaine de la traduction automatique ? J. S. – L’ATLF a mené une étude auprès de ses adhérents dès la fin 2022. Sur un échantillon d’environ 500 traductrices et traducteurs, il apparaît que le recours à la traduction automatique demeure aujourd’hui extrêmement marginal dans ce secteur. Pour l’instant les éditeurs français ne revendiquent pas officiellement l’utilisation de la traduction automatique pour publier de la littérature étrangère. De l’autre côté, on sent une grande réticence du côté des traducteurs face à l’éventualité de cette pratique. Cependant, les quelques cas qui ont été remontés nous amènent à nous poser cette question : pourquoi un éditeur ferait-il appel à la traduction automatique ? La réponse est évidente : de son point de vue, ce serait pour réduire les coûts et gagner du temps. B. A. – Quels sont les questions que soulèverait la traduction automatique ? J. S. – Sur le plan juridique, le traducteur est un auteur. Il crée une œuvre de l’esprit originale, même si elle est dérivée d’une œuvre première. Ainsi à partir d’un même texte, chaque traducteur créera une œuvre différente selon sa sensibilité, sa voix ou son style. On peut dire qu’il y a autant de traductions qu’il y a de traducteurs. Pour en revenir à la traduction générée par la machine, on distingue souvent en matière de droit d’auteur l’amont de l’aval. L’amont interroge la manière dont a été nourrie la machine. L’aval s’attache au texte généré par la machine. En amont, les algorithmes d’une traduction automatique se nourrissent du « Big data », des « données massives », à travers le « Deep Learning », l’« apprentissage profond ». Les algorithmes vont ingurgiter une quantité colossale de textes, souvent accessibles en ligne, afin de pouvoir potentiellement les reproduire. Se pose alors la première question : Quels sont les textes qui nourrissent la machine ? S’il s’agit de textes protégés par le droit d’auteur, et que la machine reproduit de manière fragmentée des traductions préexistantes, le droit d’auteur des créateurs de ces traductions préexistantes est violé. Le problème est que les auteurs de traduction ignorent potentiellement l’appropriation de leurs créations par une machine. En outre, compte tenu du processus de retranscription parcellaire par l’IA, il est quasiment impossible de démontrer une contrefaçon (bien que cette violation du droit d’auteur s’apprécie au regard des ressemblances entre les textes, et non des différences). C’est pourquoi une transparence de la part des développeurs sur la matière qui est donnée à la machine permettrait de tracer de telles utilisations. C’est d’ailleurs ce que demandent les organisations d’auteurs au niveau européen dans le cadre de la proposition de règlement sur l’IA. Dans ce contexte, la crainte est d’autant plus renforcée qu’en droit français a été introduite une énième exception au droit d’auteur suite à la transposition des articles 3 et 4 de la Directive européenne 2019/790 relative au droit d’auteur : « l’exception de fouille de textes et de données », « Text and Data Mining » prévue par les article L122-5et L122-5-3 du CPI, qui permettrait d’ingurgiter des textes sans demander l’autorisation des auteurs, lesquels ne pourraient qu’opposer un « opt-out » que l’on sait aujourd’hui impossible à mettre en œuvre. Cette exception est encore récente mais la première crainte des traducteurs est de se dire qu’à terme ils contribueront, sans le savoir et par la spoliation de leur création, à nourrir l’IA. En aval, nous avons un texte généré par l’ordinateur, qui à ce jour n’est généralement pas exploitable en l’état du fait de la syntaxe et des erreurs de sens, sans parler de l’absence de construction littéraire. Pour obtenir un texte de qualité publiable, il faut donc faire intervenir un traducteur sur la sortie machine, dans un travail qualifié de « post-édition ». Quel serait alors le statut du traducteur ? Son rôle se limiterait-il à corriger les erreurs et les fautes orthographiques, grammaticales et syntaxiques du texte issu de la traduction automatique, auquel cas il ne serait plus qu’un prestataire de services et perdrait de ce fait sa qualité d’auteur ? Ou devrait-il effectuer un vrai travail de réécriture, devrait-il retraduire, et donc réaliser une création originale, même partielle ? Le curseur est délicat à placer et il y a fort à parier que l’éditeur et le traducteur n’auront pas la même vision des choses. B. A. – Le recours à l’IA et à la post-édition entraîne-t-il réellement un gain de temps ? J. S. – Il n’est absolument pas démontré qu’une réécriture à partir d’un texte issu de la traduction automatique générerait un gain de temps puisque le traducteur, au lieu de travailler sur un seul texte (à savoir la version originale) devrait travailler à partir de deux textes, la version originale et le texte issu de la traduction automatique. Ce va-et-vient permanent entre la version originale, la sortie machine et le texte final prend plus de temps qu’on ne le pense. Qui plus est, sur un plan littéraire, nombre de traducteurs pointent l’appauvrissement de la créativité dans ce processus laborieux : la
Une rencontre avec la Ficam – Un entretien avec Stéphanie Penot–Lenoir et Estelle Renard, traductrices-adaptatrices, membres de l’Ataa et du Snac

Actualités Une rencontre avec la Ficam – Un entretien avec Stéphanie Penot–Lenoir et Estelle Renard, traductrices-adaptatrices, membres de l’Ataa et du Snac Crédit photo de Stéphanie Penot-Lenoir : Stéphanie Penot-Lenoir. Crédit photo d’Estelle Renard : Jean-Baptiste Duchenne. Bulletin des Auteurs – L’Ataa a pris l’initiative de rencontrer la Ficam le 16 novembre dernier. Stéphanie Penot–Lenoir – Depuis plusieurs années les auteurs se plaignent de leurs conditions de travail, avec une baisse des tarifs, une pression sur les délais, une multiplication des tâches annexes à l’adaptation sans ajustement de la rémunération. Depuis un an, des auteurs se sont regroupés en collectifs et sont allés frapper à la porte de certains prestataires, en premier Dubbing Brothers, qui est en France le numéro Un du secteur, et dont les tarifs n’avaient pas augmenté depuis vingt-deux ans. Six ou sept négociations avec d’autres prestataires sont en cours ou ont abouti dans le doublage, d’autres actions sont menées en sous-titrage. Pour capitaliser sur ces actions et la dynamique du dialogue qui s’est engagé, mais aussi pour aller plus loin en tant qu’organisation professionnelle, nous avons voulu réouvrir le dialogue avec la Ficam. Une charte des bons usages avait été signée sous l’égide du CNC en 2011, qui prévoyait des réunions tripartites régulières, au moins annuelles. Malgré les sollicitations de l’Ataa et du Snac en ce sens, ces réunions n’ont jamais eu lieu. Certains éléments de la charte ont été appliqués, d’autres pas du tout. Le CNC n’a jamais répondu à nos demandes réitérées. Estelle Renard – Lors de cette rencontre informelle de l’Ataa avec la Ficam, qui avait pour but de prendre la température, de voir comment nous pouvons faire appliquer ce qui est dans la charte, nous avons eu la bonne surprise de voir, aux côtés des interlocuteurs de la Ficam, que des prestataires très implantés dans le marché, membres de la Ficam, avaient souhaité être présents. Cela témoignait sans doute d’une certaine crainte de leur part, face aux lettres qu’ils avaient reçues, signées par les trois quarts de leurs auteurs. Mais c’est surtout un signe fort que les auteurs sont aujourd’hui davantage entendus et considérés, et que les prestataires sont prêts à travailler avec nous. La Ficam a d’emblée écarté l’hypothèse de négociations tarifaires collectives, qui pourraient, selon elle, être interprétées comme une entente illicite, dans un secteur où la concurrence doit pouvoir s’exercer librement. Les discussions devaient contribuer à améliorer les relations auteurs/ prestataires, à assainir le marché et à trouver ensemble les voies qui permettent d’éviter ce type de frondes et de réclamations, mais l’écriture d’une grille tarifaire était pour eux hors de question. B. A. – Que pensez-vous de ce discours ? S. P.-L. – C’est un point qui me semble discutable. Les perspectives peuvent évoluer avec récemment des signes encourageants au plan national et européen, notamment la Directive européenne de 2019 et tout le travail que fait l’Association européenne des traducteurs audiovisuels (AVTE). Mais pour l’instant nos discussions avec la Ficam doivent rester à un autre niveau. E.R. – Nous avons abordé la question des tâches annexes, qui se sont multipliées depuis l’arrivée des plateformes. L’idée est de réfléchir à une grille de ces tâches annexes, non pour les tarifier, mais dans un premier temps pour séparer ce qui ressortit au travail de l’adaptation et donc est compris dans la prime de commande, des éléments périphériques, qui devraient donner lieu à une discussion parallèle pour délai et rémunération supplémentaires. B. A. – Quelles sont ces tâches annexes ? S. P.-L. – On nous fait remplir des tableaux, avec des glossaires, des descriptions de personnages, des résumés, destinés on ne sait pas à quoi, sans doute pas forcément utilisés, mais qui nous prennent un temps fou, qui n’avaient pas été convenus dans le cadre de la prime de commande, et qui nous sont parfois demandés deux, quatre, six mois après que nous avons rendu notre adaptation, ce qui nous oblige à nous replonger dans le projet, que nous n’avons plus aussi bien en tête. B. A. – D’autres points ont été abordés ? E.R. – La charte de 2011 prévoyait l’utilisation d’un modèle d’accusé de réception de commande, qui n’est pas employé. Nous souhaitons travailler à un modèle de contrat de commande avec la Ficam et avec les commanditaires. Actuellement, nous signons un contrat avec nos prestataires, dont les conditions leur sont imposées, selon eux, par les commanditaires. Les trois parties, auteurs, prestataires et commanditaires, devraient s’asseoir autour de la table, avec le CNC s’il acceptait de nous accompagner, afin de bâtir une trame assez encadrante et contraignante pour être avalisée par des commanditaires anglo-saxons ou nord-américains, et assez souple pour être utilisée largement. S. P.-L. – Nous comprenons en effet de ces échanges que les auteurs ont tout intérêt à affirmer les conditions dans lesquelles ils souhaitent travailler clairement et d’une même voix, afin de redéfinir les règles du marché et que les prestataires puissent s’en faire le relais auprès des commanditaires. B. A. – Un calendrier a-t-il été mis en place pour un suivi de cette première rencontre avec la Ficam ? E.R. – Pour l’instant non. Nous allons leur proposer de nouveaux rendez-vous. La Ficam semble avoir le même objectif que nous, d’assainir la filière pour que tout le monde travaille en bonne intelligence. Nous devrions pouvoir avancer sur la question des tâches annexes comme sur le contrat de commande. Le principe d’une réunion tripartite a été entériné par la Ficam qui doit contacter les commanditaires en ce sens. De notre côté, nous devons nous mettre bien d’accord en amont sur ce que nous souhaitons défendre dans ce cadre. Nous allons mettre en place un groupe de travail avec des auteurs et le Snac, afin notamment de nous mettre d’accord sur les termes à employer. B. A. – Qu’attendez-vous d’une réunion tripartite ? S. P.-L. – L’Ataa et les collectifs d’auteurs ont réussi à rencontrer les prestataires, qui disent qu’ils sont pieds et poings liés par les commanditaires. L’Ataa a réussi également, au cours de ces dernières années, à tisser des liens et à engager le dialogue avec des commanditaires, qui nous disent ne jamais imposer des conditions de tarif insupportables aux prestataires. Parfois des conditions
Un changement de paradigme ? – Un entretien avec le collectif Deluxe US de l’Ataa.

Actualités Un changement de paradigme ? – Un entretien avec le collectif Deluxe US de l’Ataa. Il convient avant tout de lever toute confusion entre Deluxe US, la société américaine dont nous parlons ici, et Deluxe Paris Media qui est un laboratoire de sous-titrage et un studio de doublage basé à Paris. Bulletin des Auteurs – Que pensez-vous du sous-titrage sur interface en ligne ? Collectif Ataa – Cette manière de travailler induit une transformation complète de nos conditions de travail mais aussi certainement de notre métier et, à terme, de notre statut. La société Deluxe Media Inc. (« Deluxe US »), comme Eikon, Iyuno ou TransPerfect qui fonctionnent de la même manière, propose de sous-titrer les programmes pour le monde entier, notamment pour les plateformes de VOD (Netflix, Disney+, Amazon Prime Vidéo…) et, dans une moindre mesure, pour les sorties en salles. Pour ce faire, ils imposent aux auteurs de travailler sur une interface en streaming nommée, chez Deluxe US, « Sfera ». L’auteur ne peut communiquer que par mail avec le « Project Coordinator » qui lui est attribué. Ces « PC » ne connaissent pas notre métier, ce qui est une source constante d’erreurs et de perte de temps. La division du travail fait que le coordinateur n’a aucune latitude, alors il esquive toute question, en usant d’une novlangue qu’il serait intéressant d’étudier pour évaluer son influence dans ce projet novateur. Les erreurs innombrables concernant le projet, erreurs sur le travail à accomplir, erreur d’envois de la version du film, qui n’est pas toujours la dernière en date, provoquent une cascade de mails inutiles, et d’injonctions à accomplir des tâches qui n’ont parfois pas de sens. Comme, par exemple, l’obligation de soumettre trois titres français pour un film tiré d’un livre qui a déjà un titre en français, alors que le film sera diffusé avec son titre original. On peut parfois recevoir plus de 100 mails pour un film peu bavard, alors qu’avec un laboratoire français tout se règle en une dizaine de mails et quelques appels. La plateforme Sfera n’est pas performante, pas assez précise (moins que les premiers logiciels des années 1980) et, outre le fait qu’elle plante régulièrement, faisant à l’occasion disparaître nos sous-titres comme dans les années 1990 au temps des logiciels à disquette, elle tente d’imposer un nouveau modèle de travail qui modifie toutes les étapes du sous-titrage, pour nous amener lentement vers la disparition de notre autonomie et de notre souveraineté. B. A. – Quelles sont les différences principales ? Collectif Ataa – La première étape est celle du repérage, tâche technique qui consiste à découper le dialogue en sous-titres vides. C’est une étape cruciale, qui n’a rien d’automatisable : le découpage doit suivre le rythme du dialogue et tenir compte du montage, afin de permettre une lecture fluide. Chez Deluxe, le repérage est fait par une machine ou par quelqu’un qui ne connaît rien à notre travail, et obéit aveuglément à des normes absurdes. En outre, un seul repérage est effectué pour les versions du monde entier, c’est-à-dire pour toutes les langues cibles, ce qui est une hérésie puisque, suivant la langue dans laquelle on traduit, on ne découpera pas le texte de la même manière. Deluxe prétend procéder ainsi pour que les auteurs de sous-titres puissent l’adapter à leur langue mais c’est de la mauvaise foi, c’est seulement une économie pour eux puisqu’ils ne font qu’un repérage, et que les auteurs doivent finalement le refaire quasi intégralement. Du moins, quand les auteurs en ont le droit, ce qui est très rare, surtout hors de France. Quelques auteurs facturent un supplément pour la reprise du repérage, mais tous ne sont pas en position de le faire car le rapport de force joue en leur défaveur. L’auteur reçoit donc une liste de sous-titres vides mal faite, appelée “template”. À l’opposé, lorsqu’on travaille sur nos logiciels, il est possible d’apporter tous les changements de repérage que l’on souhaite, modifier les time-code, rassembler deux sous-titres, les séparer, etc. Cela paraît anodin mais un bon repérage, c’est une étape cruciale dans l’élaboration d’un bon sous-titrage. Chez Deluxe, il est interdit de modifier le repérage pendant toute la durée de l’adaptation, la deuxième étape du sous-titrage. Ce n’est que sur la dernière version du programme, une fois le montage jugé définitif, que l’autorisation est accordée d’opérer des changements. L’auteur adapte donc à l’aveugle dans un premier temps, en faisant le pari que s’il prévoit tels changements de repérage, l’adaptation conviendra. Ce n’est qu’à la dernière relecture qu’il saura s’il avait raison. En temps normal, l’auteur tâtonne, se questionne, essaie des choses qui ne fonctionnent pas toujours, bref, ce que fait tout humain au travail : il réfléchit. B. A. – Pourquoi n’a-t-on pas le droit de toucher au repérage avant la fin ? Collectif Ataa – Parce que Sfera est tellement automatisé qu’il ne peut pas le gérer, ce qui trahit un manque de professionnalisme et de savoir-faire, et indique clairement que l’ensemble du processus n’est pas conçu pour nous laisser modifier le repérage. Un exemple de plus de l’automatisation comme source d’inefficacité, d’autant que Deluxe peut nous demander de travailler pendant des semaines sur des versions non définitives pour finalement nous laisser deux jours en bout de course pour tout reprendre sur l’image finale. La troisième étape, c’est la simulation. Lorsque le travail est fini, on se rend habituellement dans un laboratoire pour visionner le film avec la cliente ou le client, et la personne chargée de cette opération au sein du laboratoire. C’est un moment essentiel où l’on montre notre travail à des regards neufs, des gens qui pensent, qui réagissent à ce qu’ils voient, et nous échangeons en direct pour améliorer la qualité du travail. Au contraire, sur cette interface, cette étape de la simulation ne peut avoir lieu dans la majorité des cas, puisqu’on ne se parle pas, on ne se voit pas. Il y a seulement un « Quality Check » (QC), fait par on ne sait qui, on n’a aucun contact même par mail avec cette personne ou cette machine qui balance des corrections qu’il nous est seulement possible d’accepter ou de refuser en cliquant sur le bouton
Solitaires, mais solidaires, face aux baisses de rémunérations – par Vanessa Azoulay et Sabine de Andria

Actualités Solitaires, mais solidaires, face aux baisses de rémunérations – par Vanessa Azoulay et Sabine de Andria Vanessa Azoulay – Crédit : Christophe Pousin Sabine de Andria – crédit : Rémi Poulverel « Traduire, c’est se vouer au travail le plus ingrat et le moins estimé qui fut oncques. » Cette affirmation de Chateaubriand a 250 ans. Pourtant, elle n’a rarement sonné plus juste qu’aujourd’hui, auprès des auteurs de sous-titres et de doublage. À force d’être déconsidéré, ce n’est pas étonnant que le fameux traduttore, traditore (« traducteur, traître ») soit de nature un être solitaire, pointilleux et perfectionniste, un artisan qui évolue dans un monde quasi parallèle où le droit du Travail ne s’applique pas à tous, où l’affect peut prendre le pas sur le professionnalisme et où la règle absolue est que, pour être réussi, notre travail doit être avant tout invisible. Notre semaine ouvrée compte sept jours de vingt-quatre heures, nos tarifs (comme on appelle les primes de commande) ne peuvent qu’être « préconisés » sans aucune obligation d’application, il n’y a pas d’heures supplémentaires, pas de prime, pas de fidélité. Nos commanditaires ne sont pas toujours les payeurs ni les bénéficiaires de notre travail, ils connaissent parfois à peine les programmes que nous adaptons pour eux. Et le téléspectateur, là-dedans ? Il n’est pas consulté sur la qualité de ce qu’il regarde. Ces vingt-cinq dernières années, nos rémunérations effectives ont baissé de façon drastique. En moyenne, un sous-titrage pour la télévision rémunéré 800 € en 2000 est à 600 € aujourd’hui. Avec l’inflation, il aurait dû passer à 1 000 €. Aucun salarié n’imaginerait voir sa rémunération baisser d’une année sur l’autre pour un travail identique. En acquérant un savoir-faire, on devrait être payé davantage. C’est ce qui se pratique dans tous les métiers. Maintenant, imaginez qu’on demande à un salarié de fournir des listes interminables de termes, des résumés, des bandes-annonces, ou encore de passer des heures à conformer son travail à de nouvelles vidéos parce qu’on lui a livré des versions non définitives des programmes… le tout en dehors de ses heures de travail, de préférence en urgence et gratuitement. « Les plateformes l’exigent, mais on n’a pas de budget. » Sa réponse serait un « Non » catégorique. En comparaison, les comédiens et directeurs artistiques, dont la situation professionnelle ressemble à la nôtre, ont réussi à tirer leur épingle du jeu. Si le budget d’une série diminue, on taille dans le poste traduction-adaptation, mais pas dans celui des comédiens. Pourquoi ? Parce qu’ils ont accepté et fait accepter qu’artiste, c’est aussi un métier. Et parce qu’ils ont compris que l’effort devait être commun et individuel à la fois. Ils ont fait bloc jusqu’à obtenir une convention collective avec des grilles tarifaires que les commanditaires doivent appliquer. Aucun n’aurait l’idée de les remettre en cause. Nous vivons dans un pays de droits sociaux, où on peut manifester pour l’amélioration de notre niveau de vie et où les accords professionnels existent. Les auteurs n’ont aucune raison de se trouver dans la précarité. Il faut suivre l’exemple des comédiens, car l’union fait la force. On en a chaque jour la preuve. Il faut aussi que nous soyons reconnus comme exerçant un métier à part entière, régi par des droits et des devoirs. La Commission européenne reconnaît le droit à la négociation collective des travailleurs indépendants. Il faudrait maintenant que ce droit s’étende aux auteurs et soit appliqué chez nous. Une charte des bons usages a été signée en 2011 par l’Ataa, l’Upad et le Snac avec des laboratoires de post-production et des diffuseurs, sous l’égide du CNC, mais les discussions ont été interrompues par manque de volonté politique. D’ici à ce qu’un cadre juridique contraignant voie le jour, l’auteur solitaire a besoin de devenir solidaire et de se rappeler que le dialogue est toujours possible avec les commanditaires. Peut-être nous manque-t-il seulement une formation à la négociation ? Les pratiques ne peuvent évoluer que si chacun y met du sien. Sinon, un jour, nous serons remplacés par des machines. Pas parce qu’elles sauront faire notre travail aussi bien que nous, mais parce qu’elles ne coûteront rien. Qui y gagnera ? Certainement pas le téléspectateur. Cette tribune a été publiée dans le Bulletin des Auteurs n° 144, en février 2021.