« Filéas » prend vie et corps – Un entretien avec Séverine Weiss

Actualités « Filéas » prend vie et corps – Un entretien avec Séverine Weiss, traductrice et présidente du Conseil permanent des écrivains. Bulletin des Auteurs – Nous avions conduit voici un an un entretien sur le projet « Filéas », qui est aujourd’hui proche de se concrétiser. Séverine Weiss – L’assemblée constitutive et la désignation des membres du conseil d’administration ont eu lieu le 20 décembre 2024. « Filéas », qui signifie « Fils d’informations libraires, éditeurs, auteurs », est une plateforme d’information sur les ventes de livres destinée à l’ensemble des acteurs de la filière du livre, dont les éditeurs et les auteurs, avec le soutien des libraires. Le statut particulier de société à mission a été adopté pour la structure afin de souligner la dimension d’intérêt général du projet : un comité de mission sera ainsi garant de la bonne conduite et du respect des missions inscrites dans les statuts de Filéas. En feront partie de manière paritaire douze personnes, trois auteurs, trois éditeurs, trois libraires et trois représentants des pouvoirs publics : la Sofia, le CNL et la DGMIC. Au sein duconseil d’administration siègent le Syndicat national de l’édition, majoritaire en terme de voix étant donné la hauteur de sa participation au capital, les organisations interprofessionnelles Le cercle de la librairie et Dilicom, les libraires, et, pour les auteurs, la SGDL et le CPE. Le CPE dispose de trois représentants, un votant et deux suppléants. Dans ce premier conseil d’administration, appelé bien sûr à évoluer, je serai la personne ayant droit de vote, en tant que présidente du CPE, avec le Snac et la Scam comme suppléants. Les auteurs seront donc présents aussi bien dans le comité de mission que dans le conseil d’administration. Dès 2025, en avril pour le premier volet et avant la fin de l’année pour le second, chaque auteur pourra s’inscrire sur cette plateforme pour avoir connaissance gratuitement, ainsi que ses ayants droit ultérieurement, des chiffres de vente de ses livres. Les canaux de confidentialité seront bien sûr respectés : l’éditeur aura accès à son catalogue et l’auteur à ses œuvres, publiées sous pseudonyme ou non, et en fonction de l’ISBN, donc par édition (grand format, poche, etc.). Pour les éditeurs souhaitant accéder à Filéas, les abonnements seront adaptés à la taille de leur structure, de sorte que le prix de la souscription ne soit en aucun cas un facteur discriminant et que les petits éditeurs puissent bénéficier du service. Ce sera un grand pas en termes d’information pour les auteurs, et un atout pour les petits éditeurs indépendants, notamment pour mieux gérer leur stock et éviter la « réimpression de trop ». Il y aura en effet deux volets : dans un premier temps, auteurs et éditeurs auront accès à des données GfK globales et hebdomadaires. Ces données couvrent presque l’intégralité des points de vente, notamment grandes surfaces culturelles (Cultura, Fnac, etc.), grandes surfaces alimentaires, librairies de niveau II (stations-essence, jardineries) et Amazon. Il s’agit de données extrapolées, mais l’auteur pourra ainsi avoir une idée générale de ses ventes. Jusqu’à présent, seuls les membres adhérents à la SGDL avaient accès à ces données GfK. Filéas honorera les frais de cet abonnement collectif à GfK. Le deuxième volet, pionnier en Europe et précurseur, sera progressivement mis en place dans l’année qui vient. Il est le plus intéressant, car il s’appuiera sur les ventes réelles au lecteur – les « sorties de caisse », à une fréquence quotidienne. Ce deuxième volet d’information quotidienne débutera avec les données des librairies indépendantes souhaitant s’engager sur le projet, avec le soutien de l’« Observatoire de la librairie » et de « Datalib ». L’objectif est bien sûr que ce noyau de départ se développe dans le temps. Une telle plateforme d’information aux auteurs, libraires, éditeurs, n’existe aujourd’hui nulle part dans le monde. B. A. – Dans la mesure où le processus va s’installer progressivement, l’auteur aura dans un premier temps accès à une évaluation de ses ventes. S. W. – L’auteur aura trois sources d’information : la reddition de comptes de la part de l’éditeur, qui s’appuie sur des flux, lesquels comportent une incertitude quant au volume des retours, par détérioration ou mévente. Je précise, point important, que la rémunération des auteurs continuera à se fonder sur les redditions de comptes fournies par l’éditeur (une fois par an, bientôt deux). Filéas est un pur outil d’information, qui vient en complément de la reddition de comptes. Pour mieux anticiper ses revenus l’auteur disposera desdeux « volets » de Filéas : d’abord GfK, qui est un bon indicateur global, enfin à disposition des auteurs gratuitement, ensuite les chiffres de « sortie de caisse », qui lui permettront de connaître les ventes fermes, au début sur une base de plusieurs centaines de librairies indépendantes, appelé à s’élargir. B. A. – Quels sont les avantages pour les libraires ? S. W. – D’être solidaires avec l’interprofession. Nous pouvons dire « Merci ! » aux libraires qui font cet effort. C’est clairement un outil pour les auteurs et les petits éditeurs à la trésorerie fragile. Les libraires accompagnent et soutiennent ce mouvement. Le CPE, qui réclame cet outil depuis plus de dix ans, est heureux de voir enfin cette « Arlésienne » prendre vie et se concrétiser. Les auteurs ont le droit d’être informés au mieux de la vie de leur œuvre, et nous espérons que ce nouvel outil se développera vite et répondra à leurs attentes. Portrait photo de Séverine Weiss. Crédit : DR. Cet entretien a été publié dans le « Bulletin des Auteurs » n° 160, en Janvier 2025.

Une Table ronde en prise avec une réalité vécue – Un entretien avec Marc-Antoine Boidin

Actualités Une Table ronde en prise avec une réalité vécue – Un entretien avec Marc-Antoine Boidin, scénariste, dessinateur et coloriste de Bande dessinée, responsable du groupement « Bande dessinée ». Bulletin des Auteurs – « Les Secrets du succès ! » était la thématique de la Table ronde organisée par le Snac au Salon du livre et de la presse « Jeunesse » de Montreuil. Marc-Antoine Boidin – Notre thème de prédilection, ce sont nos contrats. Nous voulions parler de la question de l’adaptation de la Bande dessinée par l’image animée. Nous avons invité deux auteurs, qui forment un couple à la ville et travaillent ensemble, Jonathan Garnier et Amélie Fléchais, qui sont respectivement scénariste et dessinatrice de la série « Bergères guerrières », une BD Jeunesse mais pas seulement, car elle peut toucher un large public, avec notamment, en fil rouge, une thématique sur le deuil. Quatre tomes ont été publiés, la série est achevée. À la faveur de la Table ronde « Les Secrets du succès ! », nous voulions aborder la nécessité de bien cadrer les clauses de son contrat parce qu’on n’est jamais à l’abri d’un succès ! Cela signifie : Faites attention à votre contrat, prévoyez ce qu’il peut arriver à votre titre et à votre œuvre même si le succès vous semble lointain ou improbable. Les quatre tomes créés par Amélie Fléchais et Jonathan Garnier ont connu un succès grandissant. Ce succès a vite intéressé une production audiovisuelle pour une adaptation en dessin animé. Quand nous signons un contrat d’édition, l’éditeur nous demande de signer également un contrat d’adaptation audiovisuelle. Il peut faire pression sur l’auteur, en lui disant : Si tu ne signes pas le contrat d’adaptation audiovisuelle, on ne signe pas le contrat d’édition. Or ce contrat d’adaptation audiovisuelle stipule souvent que les auteurs n’ont guère leur mot à dire en cas d’une telle adaptation. Certains auteurs ne s’intéressent pas à l’adaptation audiovisuelle donnée à leur œuvre, mais d’autres, la plupart, parce qu’ils sont scénaristes ou dessinatrices, souhaitent légitimement avoir leur mot à dire. Quand l’auteur signe un contrat pour éditer sa Bande dessinée, il prête surtout attention au contrat « Livre » et signe sans faire trop attention le contrat d’adaptation audiovisuelle. La durée de soixante-dix ans après la mort de l’auteur s’applique hélas souvent au contrat d’adaptation. Une œuvre peut connaître le succès assez longtemps après son édition, dans la mesure où des œuvres postérieures ont contribué à faire connaître l’auteur d’un public de plus en plus large. Vous vous retrouvez alors prisonnier de mauvais contrats, confiscatoires, qui vous empêchent de prendre part à l’adaptation audiovisuelle de votre livre. Parvenir à vous impliquer dans l’adaptation permet aussi de défendre votre droit moral, afin que cette adaptation ne trahisse pas votre livre. Avec Jonathan Garnier et Amélie Fléchais nous étions dans une expérience concrète, vécue par ces auteurs, qui ouvrait, en miroir, sur des conseils potentiels, et sur des perspectives de cas de figures voisins. Nous étions dans une praxis, en prise avec la réalité, avec un retour d’expérience, plus vivante que ce qu’aurait été le simple déroulé de conseils théoriques. Le travail de l’éditeur est d’éditer des livres. On peut légitimement se demander pourquoi on céderait à l’éditeur la possibilité d’adapter l’œuvre éditée en une œuvre audiovisuelle, puisque ce n’est pas son corps de métier. En général, dans le contrat d’adaptation audiovisuelle que l’éditeur vous demande de signer, vous cédez 50 % de vos droits à l’éditeur si votre œuvre éditée est adaptée. Si vous aviez pris un agent qui sauvegarde vos droits d’adaptation, vous ne céderiez à cet agent, en cas d’adaptation, qu’un pourcentage compris entre 10 % et 20 %. Si vous aviez réussi tout seul à imposer à l’éditeur de conserver vos droits d’adaptation, vous toucheriez 100 % de ces droits en cas d’une telle adaptation. Si l’auteur n’a pas lâché son droit d’adaptation, le conseil d’un agent peut lui être précieux. Prendre un agent dès le départ peut permettre que cet agent ait un poids plus grand que l’auteur face à l’éditeur pour sauvegarder le droit d’adaptation. Laisser à un agent le soin de gérer ses contrats d’édition et d’adaptation peut permettre à l’auteur de mieux se consacrer à son art et de ne pas se fâcher avec son éditeur puisque l’agent joue le rôle d’intermédiaire. Il faut un agent sérieux, bien sûr, qui s’occupe réellement de ses auteurs. Dans les faits, peu d’auteurs BD suscitent l’intérêt d’agents puisque peu de BD sont adaptées pour l’audiovisuel or c’est surtout dans ce domaine qu’ils pourront se dégager un revenu. Ceci dit, je conseillerais aux auteurs de ne pas se désintéresser de leurs contrats. Les auteurs qui n’ont pas encore rencontré un succès qui les autorise à imposer leur voix ont tout intérêt à se rapprocher des organisations professionnelles, des syndicats, pour avoir des informations et prendre garde aux stipulations de leurs contrats. On peut toujours négocier à son niveau, on ne doit pas se laisser arrêter par une certaine appréhension à poser à l’éditeur des questions. Questionner ce n’est pas ergoter, c’est juste un geste professionnel, qui défend son activité. En outre le groupement BD a produit un « Contrat BD commenté » qui peut vous donner les clefs pour vos négociations futures. Pour l’anecdote, nous avons su, lors de notre rencontre, qu’il avait été utile aux auteurs de « Bergères guerrières ». Portrait photo de Marc-Antoine Boidin. Crédit : Eric Desaunois. Cet entretien a été publié dans le « Bulletin des Auteurs » n° 160, en Janvier 2025.

Le Copyright et l’intelligence artificielle – Un entretien avec Jacques Coulardeau

Actualités Le Copyright et l’intelligence artificielle – Un entretien avec Jacques Coulardeau, membre du groupement Lettres. Bulletin des Auteurs – Quel est l’historique du « Copyright » ? Jacques Coulardeau – Tout commence à la suite de l’invasion de l’Angleterre par les Normands, à la bataille d’Hastings en 1066. En 1100 l’un des rois normands, donc anglais, écrit et publie, sous forme de copie, une décision qui spécifie un certain nombre de droits fondamentaux des citoyens du royaume, laquelle deviendra la « Magna Carta » de 1215. L’invention de l’imprimerie est acquise aux alentours de 1450. Un procès oppose Gutenberg, son inventeur, à Johann Fust, le banquier qui l’a financé. Fust obtient du tribunal que tout ce qu’il a financé soit reconnu comme sa propriété. Ça, c’est clair, c’est le Copyright. Si je paie, ça m’appartient. En 1557 en Angleterre, la Reine Marie, dite « Bloody Mary », très catholique, l’une des filles d’Henry VIII, lequel avait mis en place l’Église anglicane, veut empêcher toute publication qui irait dans le sens du protestantisme. Dans cet objectif, elle attribue à la Guilde des imprimeurs-libraires le droit de contrôler les œuvres qu’ils publient, c’est le Copyright. La Reine utilise ce copyright comme outil ce censure. La Reine Élisabeth, sa demi-sœur, qui lui succède, entérine cette situation. Ce privilège de la Guilde va perdurer jusqu’en 1710. Mais Élisabeth rétablit l’anglicanisme de son père Henri VIII. La censure s’exerce maintenant, viace copyright, contre le catholicisme. Les successeurs d’Élisabeth, les Stuart, vont imposer en 1637 une institution de contrôle de l’édition, la « Star Chamber », qui vise les publications catholiques, mais surtout puritaines. Ce qui va susciter la révolution de Cromwell (exécution de Charles 1er le 30 janvier 1649), et une autre forme de censure, puisque Cromwell installe une censure préalable, à laquelle sont soumis tous les écrits en amont de leur publication. Le poète John Milton accepte de présider cette commission de censure. Milton écrit « Areopagitica » (1644), un pamphlet qui justifie le nécessaire contrôle des contenus publiés, pour qu’ils soient « réalistes et vrais ». C’est la censure au nom de la Vérité, la vérité puritaine bien sûr de « Paradise Lost » (« Paradis perdu » [1667, « Divine Comédie du puritanisme »]). Les Stuart reviennent sur le trône en 1660, cela se passe de nouveau mal car ils rétablissent aussitôt la censure anti-puritaine. La loi de l’« Habeas Corpus » est actée par le Parlement en 1679. Cet « Habeas Corpus » existait de fait depuis la « Magna Carta » de 1215. L’« Habeas Corpus » de 1679 annonce la « Glorieuse Révolution » qui dépose les Stuart en 1688. En 1689 la « Bill of Rights » (Loi sur les Droits Civiques) spécifie les droits fondamentaux de l’homme, en principe pour tout le monde. Cet acte est fondé sur l’idée principale que l’Angleterre est un pays anglican, qu’on peut y tolérer les catholiques et les puritains à condition qu’ils soient discrets. La Cathédrale catholique de Westminster a été construite entre 1895 et 1903. L’émancipation des hommes juifs se fit progressivement entre 1833 et 1890. La Reine Anne, en 1710, établit que le Copyright est la propriété exclusive de l’auteur. L’auteur peut le céder pour une utilisation spécifique et limitée dans le temps. C’est une location des droits commerciaux. Le concept de droit moral en est absent. Les États-Unis sont sur cette logique. La déclaration d’Indépendance est proclamée en 1776. La Constitution est promulguée en 1787. Un article de la Constitution édicte que le Copyright de la chose imprimée et les Patentes pour les inventions sont des droits constitutionnels, ainsi que leur propriété par les auteurs et les inventeurs, laquelle peut être cédée sous forme de licence, pour une durée limitée, à l’époque jusqu’à la mort de l’auteur, aujourd’hui jusqu’à soixante-dix ans après sa mort. Pour les patentes la licence est limitée à un certain nombre d’années, aujourd’hui le plus souvent vingt ans maximum. Une première loi de « US Copyright », en 1790, acte ces dispositions. C’est à cette époque qu’en France, parallèlement, Beaumarchais invente le « droit d’auteur » et propose la loi sur le droit d’auteur les 13-19 janvier 1791 à l’Assemblée Nationale Législative (Rappel : la SACD a été fondée par Beaumarchais en 1777). On y parle du droit moral, et, en second, des droits commerciaux qui découlent des droits d’auteur et donc du droit moral. B. A. – Ainsi nous avons aujourd’hui deux systèmes ? J. C. – En 1976 est renégocié le traité de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) parce que les États-Unis ont finalement décidé d’adhérer à l’Ompi et que leur adhésion pose problème car ils exigent que l’on inclue le « Fair Use» dans le champ du traité. L’Assemblée Générale de l’Ompi refuse d’intégrer le « Fair Use » mais intègre dans la définition du Copyright un certain nombre d’articles qui définissent le droit moral. Ce Copyright qui inclut le droit moral est le principe universel de la propriété intellectuelle. Tous les pays l’adoptent et le transcrivent dans leur loi nationale (quelques poids lourds récents sont la Russie et la Chine). Les États-Unis, seuls ou presque (Le Royaume-Uni en reste au copyright historique de l’Édit d’Anne de 1710 et des décisions judiciaires de la Chambre des Lords siégeant en Cour Suprême au XVIIIe siècle, le plus célèbre cas étant Donaldson v. Beckett en 1774), en demeurent à leur copyright étroit, qui n’inclut pas le droit moral, et à leur « Fair Use ». B. A. – Quelles sont les règles du « Fair Use » ? J. C. – La Cour Suprême des États-Unis a imposé quatre critères pour pouvoir utiliser une œuvre en « Fair Use » défini dans la Section 107 de la loi sur le Copyright de 1976, c’est-à-dire sans avoir à demander l’autorisation de l’auteur ni avoir à payer des « Royalties » : – une utilisation non commerciale ; – une utilisation créative et inventive par rapport à l’œuvre originale, ce qui

Épiphanie(s) – par François Peyrony

Actualités Épiphanie(s) – par François Peyrony, compositeur. Le 6 janvier est la date officielle de la fête religieuse chrétienne appelée « Épiphanie ». Pour beaucoup, c’est surtout l’occasion de s’adonner au rituel de la galette des rois. Sous la table, quand j’étais enfant, tout en sachant qu’hors de ma vue on désignait une part de la galette, je devais répondre à la question qu’on me posait : « Pour qui est cette part que je touche et que tu ne vois pas ? », en nommant un destinataire. J’étais le responsable de l’attribution de la fève ; j’étais le « faiseur de roi ». Devenu adulte je n’ai plus jamais été faiseur de roi, et je ne comprends pas toujours le partage de gâteau – et qui a la fichue fève – dans les rétributions, au pourcentage, de mes droits d’auteur… Humour d’auteur, me direz-vous. Certes ; mais comme pour l’histoire du Père Noël, ou celle de la petite souris, le roi de la galette est un mensonge proféré par les adultes, au détriment des enfants. Il existe donc, dans le monde des adultes, des mensonges interdits, et d’autres autorisés ; ces derniers sont sans aucun doute des outils nécessaires à l’exercice de la politique et de la diplomatie… Le mot « Épiphanie » a un autre sens, plus savant – les auteurs aiment les mots savant – : il signifie « révélation, compréhension soudaine ». Tout le monde a connu ou connaîtra des épiphanies, parfois modestes, et parfois fondatrices d’une nouvelle vie ou d’une meilleure compréhension du monde. Découvrir que le Père Noël n’existe pas est probablement l’épiphanie la plus partagée du monde occidental ; les épiphanies peuvent être douloureuses. À l’image du livre de Georges Pérec, « Je me souviens », qui est une longue liste de souvenirs de l’auteur, nous pouvons toutes et tous dresser la liste des épiphanies parsemant nos vies. Voici quelques-unes des miennes : comment se raser sans se couper (en gonflant les joues), comment repasser une chemise (mais pourquoi n’ai-je pas appris cela plus tôt ?), réussir une mayonnaise (tout est dans l’ustensile qu’on utilise). Mais aussi : la sixte napolitaine, ce que représente vraiment le logo de Carrefour, l’anatole, et pour finir par une blague, comment reconnaître un pigeon mâle d’un pigeon femelle (facile : forcer le pigeon à s’envoler ; si « il » s’envole, c’est un mâle, si « elle » s’envole, c’est une femelle). L’épiphanie peut provenir de la communication écrite ou verbale de sentences, proverbes, aphorismes, et ça se comprend, car la pensée y est distillée. Voici celles de mes épiphanies qui ont pris un sens encore plus fort dans le cadre de l’exercice de ma fonction syndicale : Tout d’abord : « La solidité d’une chaîne est celle de son maillon le plus faible. » Je ne me souviens plus dans quelles circonstances j’ai lu cette phrase mais ce qui est sûr, c’est que ma vie a changé ce jour-là. La métaphore du maillon faible est robuste parce qu’on ne peut pas la contredire ; c’est un truisme lourd de sens. L’attention au plus faible dans un collectif humain, l’attention à l’argumentaire le plus faible dans un argumentaire humain, doit êtretoujours activée, parceque, si ça casse, c’est là où ça va casser. Il faut avoir de la lucidité pour analyser nos faiblesses et ne pas trop se laisser bercer d’illusions sur nos forces. Il faut porter toute notre vigilance aux fragilités de certains, dont la chute pourrait provoquer celle de l’édifice tout entier. À ce titre, le syndicalisme est nécessaire au bon équilibre d’une société, parce qu’il s’attelle aux dysfonctionnements, aux inégalités, aux injustices ; ceux qui font tout pour affaiblir le pouvoir syndical – sans heureusement y parvenir totalement – se trompent lourdement. Parfois, l’épiphanie s’opère quand on comprend soudain que telle maxime est fausse ou trompeuse ; une sorte d’épiphanie à l’envers. Très récemment, j’ai soudain pigé, grâce à une philosophe, que la célèbre maxime : « Quand on veut, on peut », bien culpabilisante, est inexacte. C’est l’inverse qui est vrai : quand on peut, on veut. Le syndicalisme tourne autour de l’idée de pouvoir, mais pouvoir en tant que verbe et non en tant que nom commun. La confusion, d’ailleurs, est assez générale, car ce mot, comme la plupart des mots importants, possède plusieurs sens qui peuvent se contredire. Le pouvoir, en tant que nom, du syndicalisme est d’élargir le pouvoir, en tant que verbe, du travailleur, fût-il salarié ou indépendant comme l’est un auteur. Augmenter le pouvoir-verbe, c’est agrandir le champ des possibles, faire sauter les plafonds de verre, élargir l’espace des libertés individuelles et collectives. Alors, dans ces conditions, la volonté peut se libérer du carcan des contraintes, dans un élan créatif et positif. Enfin, une autre de mes épiphanies s’accorde parfaitement à l’exercice du pouvoir syndical. Elle est due à ma nièce Marie qui, du haut de ses 11 ans et de son implacable logique d’encore enfant, à l’énoncé de la fameuse « goutte d’eau qui fait déborder le vase », a dit calmement : « Le vase déborde, certes, mais d’une seule goutte d’eau. » Une goutte d’eau qui déborde s’éponge facilement avec un Sopalin, et ensuite on s’occupe de vider doucement le vase pour rétablir une marge de sécurité. La goutte d’eau qui déborde, c’est l’alarme, c’est le symptôme annonciateur, ce n’est ni le drame ni la fin. Dans notre époque si prompte à s’offusquer, à rageusement réagir, commenter, twitter, ayons le pouvoir du papier absorbant, ou mieux, celui du pansement. Bonne année à toutes et tous ! Portrait Photo de François Peyrony. Crédit : Nathalie Campion. Cet éditorial a été publié dans le « Bulletin des Auteurs » n° 160, en Janvier 2025.

L’Assemblée Générale d’Ecsa à Paris – Un entretien avec Bernard Grimaldi

Actualités L’Assemblée Générale d’Ecsa à Paris – Un entretien avec Bernard Grimaldi, compositeur, président d’honneur de U2C, co-président fondateur et vice-président d’honneur d’Ecsa. Bulletin des Auteurs – Les 13 et 14 novembre derniers, la France a accueilli l’Assemblée générale d’Ecsa. Bernard Grimaldi – C’était la première fois que la France, qui est un membre fondateur d’Ecsa, je dirais même le pays qui a initié cette dynamique d’union européenne des compositeurs, accueillait l’Assemblée Générale comme le font les pays membres qui le souhaitent lors de nos assemblées générales d’été. Un peu d’histoire pour comprendre : Avant Ecsa il y eut « Fface » (« Federation of Film and Audiovisual Composers of Europe »), qui reste historiquement la première fédération européenne de compositeurs et dont j’ai eu l’honneur d’être le président fondateur. Cette initiative française, née de rencontres durant le Festival de Cannes autour du petit pavillon de la musique de film que l’UCMF animait à partir de 2004, fut suivie très rapidement par la création d’« ECF » à Vienne qui, à l’initiative de mon collègue et ami Klaus Ager, put réunir au plan européen les organisations nationales de compositeurs de musiques classiques et contemporaines. Il ne manquait plus que les compositeurs et auteurs-compositeurs de musiques populaires et c’est avec l’aide précieuse de David Ferguson, auteur-compositeur britannique malheureusement disparu trop vite, que nous pûmes créer cette troisième fédération, « Apcoe ».  C’est à partir de cette architecture, qui respectait les sensibilités de créateurs nourris de cultures très diverses et issus d’horizons très différents, que nous pûmes installer ce climat essentiel de confiance réciproque qui reste l’ADN de notre organisation et qui permit, avec la réunion de ces trois piliers il y a seize ans, la naissance d’Ecsa. Durant tout ce processus la France a joué un rôle primordial et essentiel. La France est aussi historiquement le pays du droit d’auteur, elle est enfin traditionnellement au sein de l’Union Européenne le plus ardent défenseur de la culture. Nous avions donc l’ambition de faire de notre mieux pour être à la hauteur de l’occasion… Nos trois organisations professionnelles françaises d’auteurs et compositeurs, U2C, Unac et Snac, membres d’Ecsa depuis l’origine, avaient proposé dès 2019 la tenue de l’Assemblée générale en France mais la pandémie a suspendu ce projet. Nous sommes revenus à la charge ensuite. B. A. – Vous avez organisé l’Assemblée Générale, mais aussi des tables rondes. B. G. – Nos trois organisations professionnelles ont mis sur pied un groupe de travail pour préparer cet événement, qui dans notre esprit devait inclure un volet « tables rondes » sur des sujets importants pour les créateurs de musique ainsi que, évidemment, les « Camille Awards » qu’Ecsa organise bi-annuellement avec le soutien du programme « Creative Europe » de la Commission Européenne. La première table ronde était consacrée à l’initiative « Fair Music Project », un projet initié par notre organisation sœur suédoise, la Skap, en partenariat avec l’IMC, organisation issue de l’Unesco et regroupant l’ensemble des structures qui ont trait à la musique au plan mondial. Ce projet, qui vient d’obtenir le soutien de la Commission Européenne, vise à explorer les nouvelles technologies qui pourraient être mises en place afin de mieux identifier les œuvres, mieux répartir les droits, améliorer la transparence des flux, bref : mieux servir les créateurs dans un monde qui bouge de plus en plus vite. Aujourd’hui l’I.A. est là, la « block-chain » est là. Ces technologies sont en train d’évoluer exponentiellement et si nous, les créateurs, ne prenons pas à bras le corps ces défis pour en faire des opportunités, si nous ne parvenons pas à être une force de proposition pour garder une forme de gouvernance sur ces évolutions, le droit d’auteur, qui nous permet de vivre, sera grignoté jusqu’à être réduit à la portion congrue tôt ou tard, c’est une certitude. Le but de cette table ronde n’était pas de répéter avec les mêmes invités les mêmes discours sur les dangers de l’intelligence artificielle ou de dénoncer le déséquilibre de la répartition des flux d’argent dans l’écosystème du streaming. Le but était de réunir des personnalités diverses (tech, créateurs, sociétés de droits collectifs) plutôt expertes dans ces domaines et très concernées par ces évolutions, afin de créer des synergies qui permettent d’avancer concrètement. La conversation fut riche et fructueuse et il me semble, au vu des retours que j’ai pu avoir, que nous avançons. Pour la deuxième table ronde nous souhaitions avoir la présence du Centre national de la Musique, qui a par ailleurs son siège tout près de la BnF. Nou avons donc construit cette table ronde autour d’un projet initié au départ par le CNM au moment de la présidence française de l’Europe, qui a ensuite été développé sous les présidences tchèque, suédoise et belge qui ont suivi. Intitulée « One Voice for European Music », cette initiative a pour ambition de créer des synergies entre les acteurs culturels liés à la musique des différents pays et territoires européens, de mieux utiliser la richesse et la diversité qui font notre continent. Elle a plusieurs volets : l’identification, la cartographie, la mise en relation, la création d’une éventuelle base de données à l’échelon européen. C’est un projet ambitieux et nécessaire si l’Europe de la culture veut préserver et développer son identité. La présidente de l’IMC et la secrétaire générale de l’« European Music Council » (EMC) ont assuré la modération de cette deuxième table ronde, à laquelle a participé Florencia Di Concilio, compositrice française d’origine uruguayenne de musiques de films. La troisième et dernière table ronde était en lien avec la cérémonie des Camille Awards qui allait avoir lieu le soir même dans le grand auditorium de la BnF. Nous avons souhaité la consacrer à la place des compositrices dans la musique de film. Les mentalités ont bien évolué depuis deux décennies, et même s’il reste encore des efforts à faire pour en terminer définitivement avec les vieux réflexes patriarcaux poussiéreux, il suffisait de voir les nominés des Camille Awards 2025 pour

IA : boite à outils pour le secteur

Actualités IA : boite à outils pour le secteur Les recommandations de l’European Writers’ Council (EWC) pour les auteurs et les traducteurs, les éditeurs, les libraires, les organisateurs d’événements et autres parties prenantes du secteur du livre en matière d’accords bilatéraux et contractuels ainsi que d’exigences techniques, en ce compris, les procédures dites d’opt-out (droit d’opposition). Lire le document en intégralité

Lettre ouverte à Madame Rachida Dati

Actualités Lettre ouverte à Madame Rachida Dati A Madame Rachida Dati, ministre de la Culture, à Madame Clara Chappaz, Secrétaire d’Etat chargée de l’intelligence artificielle et du Numérique, au Centre National de la Cinématographie et à l’ensemble des acteurs du secteur du cinéma et de l’audiovisuel. Nous, syndicats professionnels et groupements des auteurs, traducteurs et artistes-interprètes, nous élevons fermement contre le soutien apporté par le CNC au site www.CheckSub.com Le doublage, le sous-titrage et l’audiodescription sont des œuvres de l’esprit, qui exigent un savoir-faire spécifique et une sensibilité artistique indéniable. Ils contribuent à la richesse culturelle de notre pays et participent à la création de métiers qualifiés (le secteur doublage, sous-titrage, audiodescription regroupe plus de 15 000 emplois d’auteurs, d’artistes-interprètes et de techniciens). L’intelligence artificielle générative (IAG) produit, au contraire, des contenus dépourvus de sens et de qualité, même lorsqu’il est demandé à un humain d’y remédier en devenant simple correcteur. Ces contenus sont par ailleurs produits à un coût largement supérieur à celui du travail humain, en raison des externalités liées au développement des algorithmes, en premier lieu le désastre écologique causé par des besoins énergétiques, de matières premières et des rejets de CO2 considérables. En soutenant une plateforme qui propose de générer automatiquement des doublages et des sous-titres, non seulement le CNC se désengage de sa mission de soutien à la création, à la diversité culturelle et à l’exception française, mais il se rend également responsable de l’effondrement de la qualité dont il est le garant, au plus grand détriment des auteurs et du public. Contrairement à ce qu’affirment les sociétés dont l’intérêt économique est de vendre de l’IA, celle-ci ne peut se substituer à l’expertise et à la sensibilité humaines. Le doublage, le sous-titrage et l’audiodescription impliquent une adaptation culturelle, une compréhension profonde des nuances de la langue et de la culture concernée et une interprétation subtile des émotions, afin d’assurer le plus strict respect de l’œuvre, de son auteur et de son public. Un travail artisanal que l’IAG cherche à copier, en vain, en pillant des données protégées, notamment par la propriété intellectuelle et la protection des données personnelles. Avec le développement des plateformes IA de localisation basées en dehors de l’UE, il est urgent d’adapter les cadres réglementaires et législatifs afin que le doublage, le sous-titrage et l’audiodescription, tant pour le cinéma que pour la télévision et les plateformes de SVOD, soient réalisés par des entreprises situées en France ou en Europe et ayant recours uniquement à des êtres humains. Ceci étant établi, nous demandons au CNC de revenir sur son soutien à www.CheckSub.com. Nous appelons également l’ensemble des pouvoirs publics à adopter les mesures suivantes : La mise en place de pratiques respectueuses du droit d’auteur, et notamment de l’effectivité du choix « d’opt-out » des auteurs et artistes-interprètes interdisant l’entraînement des modèles d’IAG sans autorisation préalable. L’accélération des négociations en cours au sein de la DAD-R, afin d’obtenir un « opt-out » généralisé concernant l’utilisation du travail des artistes-interprètes pour l’entrainement des modèles d’IA. La mise en place d’une obligation de transparence quant à la nature artificielle des contenus diffusés, que ce soit pour la version française, la version originale sous-titrée ou l’audiodescription. La mise en place d’une conditionnalité de l’aide publique excluant les œuvres comprenant des contenus entièrement ou partiellement produits par des IAG. Un soutien au développement des outils numériques au service de la création humaine, en dehors du cadre de la production de contenus artificiels. La mise en place d’un dialogue constructif entre les pouvoirs publics, les professionnels de l’adaptation audiovisuelle et les entreprises technologiques. Et enfin, le rappel aux acteurs du secteur des dispositions légales relatives à la propriété intellectuelle et à la protection des données personnelles : le rappel du droit d’auteur applicable aux textes des adaptateurs, et du droit voisin aux interprétations des artistes-interprètes ; ainsi que la reconnaissance de la voix et de l’image du comédien – artiste-interprète comme données biométriques protégées par le RGPD.    Contact presse :  Ataa – info@ataa.fr Les voix.fr – Patrick Kuban – patrickkuban@gmail.com – 06 61 71 18 17 SFA – Joachim Salinger – joachim.salinger@gmail.com – 06 10 25 63 14 SIA-UNSA –Serge Vincent – 06 11 03 19 75 Snac –Maïa Bensimon – contact@snac.fr – 06 73 69 04 38 CFDT-Snapac – Jean Garcia – paca.snapac.cfdt@gmail.com – 06 22 89 82 07 Signataires : Ataa (Association des traducteurs adaptateurs de l’audiovisuel) CFDT-Snapac Les voix.fr SFA (Syndicat français des artistes interprètes) SIA-UNSA (Syndicat indépendant des artistes-interprètes) Snac (Syndicat national des auteurs et des compositeurs) Upad (Union professionnelle des auteurs de doublage) Lire la lettre en intégralité

Le Snac recherche un·e stagiaire temps plein – 6 mois

Actualités Le Snac recherche un·e stagiaire temps plein – 6 mois Dès septembre 2024 – Le Snac recherche un·e stagiaire temps plein – 6 mois. Le Syndicat National des auteurs et des compositeurs (SNAC) est un syndicat professionnel ayant pour objet de regrouper les auteurs et les compositeurs dans les secteurs du livre, du spectacle vivant, de la musique et de l’audiovisuel. Le SNAC assure pour tous les auteurs qu’il regroupe et par tous les moyens utiles, la défense des droits moraux et patrimoniaux des auteurs et des compositeurs tant collectifs qu’individuels. Le SNAC assiste et conseille les auteurs sur toutes les questions juridiques touchant au statut de l’auteur, à ses règles sociales et fiscales. Au sein du SNAC, vous serez amené à : – Assister le service des dépôts d’œuvres ; – Suivre les consultations aux auteurs et y participer ; – Suivre les réunions des différents groupements et y participer ; – Rechercher de la jurisprudence et suivre l’actualité ; – Suivre et participer à la réflexion sur les dossiers de fond ; – Assister la Déléguée Générale dans toutes les tâches administratives relatives au syndicat. Sous la responsabilité de la déléguée générale, la personne pourra être amenée à travailler en lien avec le service communication et l’administration du Snac. Profil recherché : Juriste diplômé d’un Master 2 avec de solides connaissances en propriété intellectuelle et en particulier en droit d’auteur. Des connaissances du secteur de l’édition et une maîtrise du contrat d’édition dans le secteur de la musique et de l’audiovisuel seront appréciées. Excellentes qualités rédactionnelles. Rigoureux, organisé, capable de s‘adapter à un environnement diversifié et à des interlocuteurs variés au sein de différents secteurs. Grande capacité à s’intégrer dans un groupe et à travailler en équipe de manière transversale. Âme militante. Anglais souhaité. Disponibilité : immédiate. Localisation : Paris avec possibilité de télétravail sous condition. Contact : contact@snac.fr – 01 48 74 96 30 Lire la fiche de poste

Représenter le Snac à la Commission en charge de l’exception au droit d’auteur en faveur des personnes en situation de handicap – Un entretien avec Nathalie Nie, membre du groupement Lettres.

Actualités Représenter le Snac à la Commission en charge de l’exception au droit d’auteur en faveur des personnes en situation de handicap – Un entretien avec Nathalie Nie, membre du groupement Lettres. Bulletin des Auteurs – Qu’est-ce que la Commission en charge de l’exception au droit d’auteur en faveur des personnes en situation de handicap ? Nathalie Nie – La Commission, qui est une émanation du ministère de la Culture, a la charge de valider l’inscription de structures sur la liste des organismes bénéficiant de l’exception au droit d’auteur en faveur des personnes handicapées. L’agrément de ces organismes permet d’adapter librement ou de communiquer, sans autorisation des ayants droit ni contrepartie financière, des œuvres dans des formats accessibles pour les personnes empêchées de lire du fait d’un handicap. B. A. – Comment se déroule cette Commission ? N. N. – Avant d’aborder le travail de la Commission, je souhaite préciser que son origine remonte à2001, lorsqu’une « Commission nationale Culture-Handicap » avait été créée pour faciliter l’accès des personnes handicapées aux loisirs et à la culture. Au fil des années, la Commission a évolué du développement du sous-titrage et des dispositifs d’audiodescription vers l’organisation de rencontres « Art, Culture- Handicap ». Puis en 2016, trois grands chantiers ont été mis en place dans la lutte contre l’exclusion : priorité à l’accessibilité à l’audiovisuel public, aux nouvelles mesures en faveur de l’édition adaptée et du numérique et formation des professionnels de la culture. C’est en 2022 que la Commission nationale Culture-handicap devient la Commission en charge de l’exception au droit d’auteur en faveur des personnes en situation de handicap. B. A. – Quel est le rôle de la Commission ? N. N. – Son but était de rattraper le retard de la France. En effet, la création de la Commission suivait un constat que seulement 10 % des livres étaient en format adapté pour les handicapés. La Commission a d’abord mis en place des groupes d’étude et de travail auxquels participaient (entre autres) la Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC), l’Institut national des jeunes aveugles (INJA), le Comité interministériel du handicap[1](CIH), etc. B. A. – Qui participe à cette Commission ? N. N. – les ministères de la Culture,de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées. Le comité interministériel du Handicap (CIH) participe de manière ponctuelle. Les institutions comme la Bibliothèque nationale de France(BnF)[2], la direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) et l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom). Les représentants des publics en situation de handicap : divers établissements publics (universités, instituts de personnes mal voyantes ou mal entendantes), associations de personnes en situation de handicap (dys) et leurs familles, les fondations reconnues d’utilité publique. Ainsi que des organisations représentatives d’auteurs et d’éditeurs dans le secteur du livre, dont le Snac. B. A. – Quelles actions ont été mises en place ? N. N. – Les éditeurs doivent fournir à la BnF une version numérique de leurs publications (jeunesse, scolaire, universitaire, littérature ou essais). Un même document peut donner lieu à plusieurs adaptations (braille, gros caractères, langue des signes, audio). La plateforme « Platon » mise en place par la BnF, étudie les demandes d’agrément des associations représentantes des personnes en situation de handicap et leur accorde, sous conditions[3], l’agrément de télécharger les ouvrages souhaités pour leurs adhérents en situation de handicap et dans la limite du cercle familial. Dans le cadre de l’application de la nouvelle loi LCAP, les organismes demandeurs remplissent un dossier d’inscription sous forme de questionnaire qui renseigne la BnF sur leur capacité à sécuriser le stockage des fichiers adaptés numériques et à les transmettre. Les dossiers d’agrément des organismes renseignent la BnF sur leur capacité à sécuriser le processus de récupération et de traitement des fichiers source, téléchargés sur la plateforme de la BnF. B. A. – Et les syndicats ? N. N. – J’ai noté la présence duSyndicat national de l’édition (SNE) et du Syndicat des éditeurs de la presse magazine (SEPM). La Société des gens de Lettres (SGDL) et le Syndicat des auteurs et compositeurs (Snac) ont participé à la Commission dès sa création en 2022, avec une tenue chaque trimestre. La dernière commission s’est tenue le 6 février 2024.   B. A. – Comment les syndicats peuvent-ils vérifier la sécurisation de fichiers ? N. N. – Dès l’instant où la BnF juge que les organismes à but non lucratif remplissent les conditions de récupération et de sécurisation des fichiers, ces éléments servent d’appui à la Commission dans le rendu de son avis sur l’inscription et l’agrément. Même si la Commission en charge de l’exception au droit d’auteur en faveur des personnes en situation de handicap n’est plus appelée à se réunir en 2024, le processus, maintenant bien rôdé, est maintenu. N. N. – Conclusions Les décisions de la Commission en charge de l’exception handicap se référant au code de la propriété intellectuelle, sont annoncées par arrêté ministériel du ministère de la Culture. Ces arrêtés communiquent la liste des organismes des personnes morales et des établissements qui peuvent assurer la reproduction et la représentation d’une œuvre dans les conditions prévues à l’alinéa 1 de l’article L. 122-5-1 du code de la propriété intellectuelle. Une autre liste mentionne les demandes de mise à disposition des fichiers numériques déposés par les éditeurs en application de l’alinéa 2 de l’article L. 122-5-1 du même code. Les arrêtés sont publiés ensuite au « Journal officiel » de la République française. [1]Comité Interministériel du Handicap (CIH), prévu par la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, a été créé par décret du 6 novembre 2009. Il a la charge de « définir, coordonner et évaluer les politiques conduites par l’État en direction des personnes handicapées ». Sous la présidence du Premier ministre, le CIH réunit annuellement l’ensemble des membres du gouvernement. [2]La BnF a reçu en 2009 la mission d’être l’organisme dépositaire des fichiers numériques des éditeurs ayant fait l’objet d’une demande par un organisme agréé. Pour répondre à cette mission, elle a mis en service en 2010 la plateforme sécurisée de transfert des ouvrages numériques (Platon), dont l’accès se fait sur authentification (la plateforme Platon