Vers une économie du partage – Un entretien avec Fanny Valembois, formatrice et consultante en transition écologique des organisations culturelles, au sein du « Bureau des acclimatations ».

Actualités Vers une économie du partage – Un entretien avec Fanny Valembois, formatrice et consultante en transition écologique des organisations culturelles, au sein du « Bureau des acclimatations ». Bulletin des Auteurs– De la décarbonation du livre, que vous avez étudiée, vous en venez à aborder la rémunération des auteurs et à interroger le système actuel. Fanny Valembois– Au sein de « The Shift Project », qui est un laboratoire d’idées, j’ai contribué, en 2021, à la rédaction et à la publication du rapport « Décarbonons la Culture », où j’étais en charge de la partie « Livre et Édition ». Notre travail consistait à établir des bilans carbone quand ils n’existaient pas, et, quand ils existaient, à les rendre publics s’ils ne l’étaient pas. Nous avons ensuite cherché à établir une trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre conforme aux engagements de l’Accord de Paris, que la France a ratifié, qui vise à une réduction de 80 % des bilans carbone à l’horizon 2050. Sur la base du bilan carbone d’un livre, avec les leviers que nous identifions aujourd’hui, tels que l’écoconception, la réduction des distances, la relocalisation de la fabrication, etc., il apparaît très difficile de générer une réduction de 80 %. Le frein principal réside dans le fait que le livre est une économie basée sur des volumes et des flux d’objets à usage unique, c’est-à-dire qui ne créent de la valeur qu’une seule fois, quand ils sont vendus à l’état neuf. La seule solution pour fabriquer de nouveau de la valeur est d’en fabriquer un deuxième. Dans le système actuel, on fabrique 100 livres pour réussir à en vendre 80. Dans une hypothèse optimiste, 20 % sont perdus. Il faudrait que demain nous soyons capables de fabriquer 50 livres pour en vendre 80. Ma conclusion est que le système actuel n’est pas soutenable et ne le sera jamais. Il ne suffira pas de l’améliorer pour aller vers une industrie du livre qui soit durable. Il faut inventer un nouveau modèle économique. Mon raisonnement est conforté par des témoignages d’autrices qui se voient répondre, quand elles demandent une rémunération juste, que ce n’est pas envisageable dans le modèle économique actuel, qui ne laisserait aucune marge de manœuvre. Le modèle actuel, qui n’est pas soutenable d’un point de vue écologique, ne l’est pas non plus du point de vue d’une rémunération juste des auteurs et des autrices. Je pensais à l’époque que le livre d’occasion pouvait être un levier, aujourd’hui j’imagine d’autres possibilités. B. A. – Une taxe sur le marché du livre d’occasion est-elle une bonne idée ? F. V. – Un système de taxe sur le livre d’occasion m’avait d’abord paru une voie possible pour améliorer la rémunération des auteurs et autrices. En échangeant avec des libraires d’occasion, qui sont trop rarement associés à la réflexion car on ne les considère pas comme appartenant à la chaîne du livre, je me suis rendue compte que, même si le marché du livre d’occasion progresse beaucoup et représente actuellement 20 % des ventes, il n’équivaut qu’à 10 % de la valeur économique. Sur 100 livres achetés, 20 sont des livres d’occasion. Mais sur 100 euros d’achats de livres, 10 euros seulement sont dépensés pour l’achat de livres d’occasion. Si nous imaginions une taxe de 3 % sur la vente d’un livre d’occasion, cela représenterait un gain de 0,3 % à l’échelle du marché global de vente des livres, puisque le marché d’occasion ne représente que 10 % du marché global. Ces 0,3 % seraient partagés entre auteurs et éditeurs, la part des auteurs ne serait alors que de 0,15 %. Ce ne serait pas la solution miracle. Les bouquinistes seraient fragilisés. Par ailleurs, les ventes de livres d’occasion ont souvent lieu de particulier à particulier, via des plateformes d’utilisation gratuite, dans les vide-greniers, etc. Une telle taxe serait inapplicable, et ses frais de gestion dépasseraient ses gains éventuels. En aucun cas, enfin, une taxe sur les 10 % que représente le marché d’occasion ne pourrait rééquilibrer la rémunération des auteurs sur les 90 % que représente le marché du neuf. Le problème pour la rémunération des auteurs ce n’est pas le livre d’occasion, c’est le partage de la valeur du livre neuf. Si la revalorisation de la rémunération des auteurs dans le système actuel est réputé inenvisageable, il faut inventer un nouveau système. B. A. – Quelles seraient les autres voies ? F. V. – Ce pourrait être une économie du partage, notamment par l’abonnement. Je copilote un projet de recherche, « Décarboner le livre et l’édition », qui a débuté fin 2022 et se terminera fin 2025, en partenariat avec l’université de Grenoble-Alpes. Les éditions Bayard, qui sont également partenaires, nous ont suggéré d’inclure dans notre recherche ce qu’on appelle « l’économie de la fonctionnalité ». La filière économique du livre repose sur un paradoxe, à savoir qu’on ne donne une valeur économique qu’à l’objet « livre », et pas à la lecture. Que les gens lisent ou non n’a aucune incidence économique. Si demain tout le monde se met à acheter deux fois plus de livres pour les brûler dans la cheminée parce qu’il n’y a plus de bois, le système fonctionne parfaitement. Si demain tout le monde se met à lire deux fois plus mais ne va qu’à la bibliothèque ou se prête les livres entre amis, le système s’effondre. L’économie de la fonctionnalité nous amène à nous demander comment nous pourrions rattacher de la valeur économique aux effets utiles de la lecture plutôt qu’à l’objet-livre. Nous sommes attentifs à une expérience menée en Suède, où une grande chaîne de librairies propose un système d’abonnement, sur une cinquantaine de livres, que l’on peut emprunter l’un après l’autre, pour un coût annuel égal à l’achat d’un livre et demi. Là où une bibliothèque propose un choix large avec un faible nombre d’exemplaires de chaque ouvrage, la chaîne suédoise de librairies propose un choix entre cinquante titres, disponibles chacun en beaucoup d’exemplaires. C’est la sélection du libraire pour l’année, qui peut inclure d’anciennes publications, ou des œuvres d’auteurs peu connus. Ce qui est aussi une manière de défendre la bibliodiversité. Le choix du libraire n’est pas tenu de suivre le choix mainstream des

Être scénographe – par l’Union des scénographes, membre du Snac.

Actualités Être scénographe – par l’Union des scénographes, membre du Snac. C’est l’histoire d’une scénographe qui débarque dans la vie professionnelle et qui découvre les particularités du métier. Une histoire librement inspirée de faits réels vécus par différents scénographes soutenus par l’Union des Scénographes. Fraîchement diplômée, Zoé est passionnée par la scénographie de spectacle vivant. Elle sait que c’est un milieu dans lequel il est difficile de percer mais elle a la niaque, elle est jeune, le monde lui appartient. D’ailleurs, elle a déjà commencé à goûter un peu à cet univers merveilleux en faisant des stages dans les ateliers des plus grandes maisons : la Comédie Française, l’Opéra de Paris… Elle en est convaincue, ce métier est fait pour elle. Par contre, elle ne sait pas par où commencer pour trouver un vrai travail. Il n’y a évidemment aucune offre d’emploi de scénographe sur le site de France Travail… Elle le sait, dans ce métier, ce n’est que du relationnel. Mais alors, que faire ? Elle a bien tenté, une fois, d’aborder un metteur en scène dont elle venait de voir le spectacle, mais que dire ? « J’ai adoré votre spectacle mais, pour ce qui est de la scénographie, vous feriez mieux de travailler avec moi ! » ?… Bon, autant se taire ! Ça y est, grâce à une amie de sa maman qui croit en elle depuis le début, elle décroche enfin son premier entretien : une metteuse en scène d’opéra qui cherche quelqu’un pour faire la scénographie d’un de ses spectacles. L’occasion rêvée pour Zoé ! Elle se prépare à fond, l’entretien se passe extrêmement bien, mais la metteuse en scène ne donnera malheureusement pas suite : Zoé n’a pas d’expérience. Il en faut plus pour décourager Zoé ; de l’expérience, elle va s’en faire. Pendant deux ans, elle prend tout ce qui passe : stages, projets étudiants non rémunérés, compagnies amateurs… Heureusement que ses parents l’aident financièrement et qu’elle n’a pas de prêt étudiant sur le dos à rembourser, comme Claire, sa copine de promo, qui a emprunté 45 000 € pour ses études supérieures. D’ailleurs, parlons-en de sa promo de scénographie (deux ans déjà…) ! Sur sept diplômées, elle est la seule à continuer dans cette voie. Pauline est devenue accessoiriste à l’Opéra Comique, Myriam est partie dans l’événementiel, Suzanne fait de l’architecture et les trois autres ont totalement changé de voie. Un jour, ça y est enfin, on la contacte ! Zoé est tellement heureuse ! Toutes ces années à travailler comme une folle sans être rémunérée, ça paye enfin ! Un metteur en scène la contacte : il a pour projet de monter le texte d’un auteur fraîchement récompensé par un grand prix littéraire. Rendez-vous est donné pour que Zoé assiste à la prochaine lecture qui aura lieu, devant des professionnels, à la SACD (Société des Auteurs-Compositeurs Dramatiques). Le texte est top, les comédiens très bons, le metteur en scène convaincant : il lui faut des maquettes de scénographie pour qu’il puisse vendre le projet. Le Théâtre du Rond-Point est très intéressé mais le spectacle doit faire ses preuves avant, sur des scènes non parisiennes. Elle a la pression, Zoé ! Imagine si elle se plante ? C’est sûr, on ne la rappellera plus… Alors elle bosse, elle bosse dur… Il faut dire qu’elle a l’habitude Zoé : depuis l’école de scénographie, les charrettes, elle connaît ! Après plusieurs semaines de travail et quelques discussions avec le metteur en scène, elle présente son projet à toute l’équipe : les retours sont dithyrambiques ! Ouah ! Elle est trop contente ! Et maintenant ? Ben maintenant, il faut que le spectacle se vende… Ça, c’est le travail du diffuseur et, avec les dates envisagées au Rond-Point, ce sera facile. En attendant, Zoé accepte, pendant quelques mois, un travail de dessinatrice dans le bureau d’étude d’un atelier de construction de décors. C’est chouette, elle apprend plein de choses et elle est enfin payée ! Elle a aussi décroché un poste d’assistante d’une scénographe qui travaille pour des opéras. Là aussi elle est payée, mais il vaut mieux ne pas compter ses heures…  Heureusement, elle en a suffisamment déclaré pour décrocher son statut d’intermittente du spectacle ! Elle est aux anges : elle va enfin pouvoir subvenir à ses besoins quand elle fera ses projets de scénographie non rémunérée. D’ailleurs, ça en est où le Rond-Point ? Toujours rien, mais “t’inquiète pas, on te préviendra le moment venu” ! L’année suivante, coup de bol, on lui propose un poste fixe de dessinatrice de décors pour la télé ! Pas vraiment un CDI mais quand même un bon plan : tu travailles six mois sous contrat intermittent, comme ça tu fais tes heures, et ensuite tu es rémunérée grâce à l’intermittence. Une aubaine ! Bon, elle n’en est pas encore à déclarer 1 500 heures par an comme son pote François, technicien, qui profite ensuite de ses indemnités pour partir en vacances l’année suivante, mais c’est déjà un bon début ! Mais bon, on ne va pas se mentir, la télé, en termes de créativité, ce n’est pas ça… Un an, d’accord, mais il ne s’agirait pas de moisir ici. En revanche, ça ne lui laisse que six mois pour faire ses 507 heures… autant dire que c’est très chaud ! Une petite compagnie lui propose de faire la scénographie de son prochain spectacle. Cette fois-ci, on lui parle enfin de budget : on a 3 000 € pour tout faire. Tout faire ? Oui, les achats et la rémunération. Ah ok, alors plus je mets de choses dans la scénographie, moins je suis payée… Bon ben il va falloir être maligne. Muto, Le Bon Coin, Donnons.com, La Réserve des Arts… Zoé passe beaucoup de temps à récupérer à droite à gauche le matériel nécessaire à sa scénographie. Ça lui rappelle quand elle faisait des scénographies sans budget ! Sauf que là, elle est payée ! Enfin, pas encore suffisamment pour pouvoir faire construire le décor par un atelier. C’est donc elle qui s’y colle et, franchement, elle n’a pas à pâlir du résultat : ça en jette ! Bilan des courses : 500 € d’achats, 2 500 € de salaire ! Elle a sacrément bien géré son truc ! Passons à

Les compagnies théâtrales rencontrent de graves difficultés – Un entretien avec Vincent Dheygre, auteur dramatique, metteur en scène, président des « Écrivaines et Écrivains associés du théâtre » (EAT), vice-président du « Conseil permanent des écrivains » (CPE).

Actualités Les compagnies théâtrales rencontrent de graves difficultés – Un entretien avec Vincent Dheygre, auteur dramatique, metteur en scène, président des « Écrivaines et Écrivains associés du théâtre » (EAT), vice-président du « Conseil permanent des écrivains » (CPE). Bulletin des Auteurs – Comment produit-on une pièce de théâtre ? Vincent Dheygre – Il existe plusieurs modes de production qui concernent la création, à distinguer de la diffusion, en fonction aussi du réseau auquel la pièce est destinée : soit un théâtre produit une pièce tout seul, ce qui est de plus en plus rare ; soit plusieurs théâtres se mettent ensemble pour une co-production. Nous avons aussi des contrats de co-réalisation, et des contrats de cession où les compagnies montent une pièce à leurs risques et périls, pour essayer ensuite de vendre des dates à différents théâtres. B. A. – Un festival comme Avignon permet de proposer sa création. V. D. – Être présent au « Off » d’Avignon comporte de grands risques. Le coût est très conséquent. Soit quelques théâtres produisent ou coproduisent la pièce, soit ils « louent » leurs locaux dans des contrats de coréalisation. Pour qu’une création soit achetée et puisse construire une tournée, il faut généralement la présenter deux années de suite au festival d’Avignon. La première pour que l’on parle de vous, la seconde pour que les programmateurs viennent vous voir. Sur le « Off » règne un manque de distinction entre les compagnies professionnelles et compagnies amateurs. Ces dernières, si elles en ont les moyens, peuvent louer des créneaux dans les théâtres. 1 600 spectacles se déroulent sur l’ensemble du festival « Off ». Comment émerger parmi cette profusion ? Voilà pour le tableau habituel. B. A. – L’actualité est pire ? V. D. – La Covid a attaqué très sérieusement les différentes structures, théâtres et compagnies. L’inflation des années post-Covid a réduit considérablement les moyens de production. Les moyens des compagnies, qui sont soumises directement à l’inflation, mais surtout ceux des collectivités locales, qui souvent participent à la production des spectacles de théâtre. Ces collectivités ont été confrontées à une baisse de leurs ressources et à une augmentation de leurs dépenses, parfois dans des proportions très importantes, notamment par la hausse du coût de l’énergie. Les moyens consacrés au soutien du spectacle vivant ont diminué d’autant. Rajoutons à cela une diminution de 10 % des moyens de l’État consacrés à la création en 2024 malgré une injonction de sa part à augmenter les salaires. Une étude menée conjointement par le « Syndicat national des arts vivants » (Synavi) et le « Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles » (Syndeac), qui est le principal syndicat d’employeurs du spectacle vivant, indique pour cette saison une diminution du nombre de représentations deplus de 30 % par création, soit une perte d’un tiers de l’activité. Et la proportion de compagnies qui tournent moins de vingt dates passent de 33 à 52 % Cette catastrophe annoncée depuis plus d’un an est donc en train d’advenir. De nombreuses compagnies, qui avaient déjà du mal à survivre, ne vont plus avoir les moyens de créer, ce qui va accélérer la spirale de leur disparition. Mais les scènes nationales et les scènes conventionnées, qui s’associaient déjà pour produire des pièces, vont accentuer leur regroupement en termes de coproduction, dont vont bénéficier principalement les compagnies les plus solides. B. A. – Quelle est la situation des auteurs dramatiques ? V. D. – La crise de la Covid les avait déjà malmenés. Selon la SACD, on venait de rejoindre enfin le niveau de répartition des droits d’auteur d’avant la Covid, mais la baisse de 30 % des créations va directement se répercuter sur les droits d’auteur. Les droits des auteurs et autrices dramatiques ont deux composantes : la représentation, et l’édition, cette dernière étant négligeable en termes de revenus. La situation de l’édition théâtrale en France est d’ores et déjà catastrophique. Les petites maisons sont en survie permanente. Les plus grandes maisons réduisent leur volume de publications. Les librairies théâtrales disparaissent les unes après les autres. Les maisons d’édition théâtrale publient de préférence des textes qui ont été portés à la scène. Si le texte est publié avant sa représentation, les maisons d’édition théâtrale réclament de plus en plus souvent à l’auteur des droits de représentation, en arguant de l’idée que, si le texte est monté, c’est grâce à sa publication. Dans la mesure où un texte représenté génère des ventes papier, moins de textes représentés signifie aussi une baisse des ventes papier. Le nombre infime des auteurs dramatiques qui peuvent vivre décemment de leur activité va décroître inéluctablement. La part de la fiction littéraire dans l’édition française n’est que de 15 %. Au sein de la littérature, la part de l’édition théâtrale est très faible.Il faut aussi remarquer que les coûts de diffusion pèsent lourdement dans le budget des maisons. B A. – Les maisons d’édition de théâtre publient-elles en numérique ? V. D. – La vente des versions numériques ne décolle pas. Autrefois le public lisait du théâtre. Aujourd’hui la pratique de la lecture du théâtre se perd, au profit de la représentation. Ce sont principalement les gens de théâtre qui en lisent encore. Et si les acteurs apprennent un texte, prennent des notes, ils ont besoin d’avoir le texte en main version livre papier, pas en numérique. Les critiques au sein de la presse quotidienne ne rendent compte par ailleurs que des textes qui ont été montés. La diffusion des textes de théâtre en numérique est assurée soit par l’éditeur lui-même, soit par des petites plateformes qui sont noyées dans le flot des publications numériques. Il faudrait une plateforme dédiée à l’ensemble des textes théâtraux, mais serait-elle rentable ? B. A. – Les ressources des EAT sont-elles menacées ? V. D. – Nos ressources sont en légère baisse. Nous devons être attentifs, car nous avons deux personnes salariées à temps plein.Nous sommes principalement financés par les organismes de gestion collective, la SACD en tête et la Sofia en second. Nous avons pris soin, au long de notre histoire, de diversifier nos ressources. À la création des EAT, voilà vingt-trois ans, l’aide de la SACD représentait

FIBD : le Snac demande des mesures essentielles

Actualités FIBD : le Snac demande des mesures essentielles Le Snac cherche à faire entendre la voix des autrices et des auteurs dans cet événement majeur de notre secteur qu’est le festival d’Angoulême.   C’est dans ce but que nous avons intégré dès sa création en 2017, l’Adbda * (Association pour le développement de la bande dessinée à Angoulême), afin d’y porter une meilleure prise en compte des autrices et des auteurs. Même si cet événement, par sa médiatisation, cristallise les tensions qui traversent la société et le secteur de la bande dessinée, force est de constater que des incidents récurrents, inhérents à sa structure organisatrice, semblent entraver son évolution. Travaillant depuis quelques années avec l’organisation, nous ne pouvons que constater un turn-over marqué chez nos interlocuteurs, un planning et des employés toujours dans l’urgence et sous pression, comme en témoigne l’article publié par Lucie Servin dans l’Humanité. Cet article nous apprend que la chargée de communication, employée de la société 9eArt+ dirigée par Franck Bondoux, aurait été victime de soumission chimique et violée par un prestataire dans le cadre d’une soirée organisée par le FIBD. Son témoignage a été remis en question par la direction, et elle a été licenciée. Nous la soutenons et nous la croyons. Nous nous inquiétons de cette atmosphère toxique qui semble régulièrement toucher le FIBD, qui peine à s’inscrire dans la lutte sociétale contre les VHSS (violences et harcèlement sexistes et sexuels). Nous qui travaillons sur les problématiques qui peuvent impacter directement les autrices et auteurs, demandons que la lutte contre les VHSS soit considérée comme une priorité dans les événements BD et livres. Nous serons attentifs à ce que des mesures essentielles dans ce but soient prises concernant le Festival international de la Bande dessinée, rendez-vous majeur du secteur et jusqu’ici incontournable, et nous demandons à l’Etat et aux pouvoirs publics que toutes les dispositions nécessaires en vue de cet objectif soient mises en œuvre rapidement, que ce soit avec la société 9eArt+ ou un autre prestataire. Les représentants syndicaux du groupement Bande dessinée du Snac —————————- * L’association, constituée des pouvoirs publics locaux et nationaux ainsi que des organisations professionnelles, définit pour 3 ans, en concertation avec 9eArt+ et l’association FIBD, la convention d’objectifs (les grandes orientations) et de moyens (l’argent public alloué).

Le Pacte d’engagement éthique pour une accessibilité universelle – Un entretien avec Frédéric Gonant et Tatiana Taburno

Actualités Le Pacte d’engagement éthique pour une accessibilité universelle – Un entretien avec Frédéric Gonant et Tatiana Taburno, audiodescripteurs•rices, représentants•tes du groupement Doublage/ Sous-Titrage/ Audiodescription. Bulletin des Auteurs – Comment s’est imposée l’idée du Pacte ? Frédéric Gonant – En sept ans, les tarifs d’auteurs d’audiodescription ont diminué de 60 % et nous sommes devenus corvéables à merci. Les délais entre la commande et la livraison du texte rétrécissent et les conditions de travail partent à vau-l’eau (film en cours de finition, copie image de mauvaise qualité, absence de traduction, enregistrement en home studio sans aucune compensation…) Cette dégradation nous fait perdre le sens de notre travail et ressemble à la mise en place d’un terreau pour que s’implante l’intelligence artificielle générative (IAg). La goutte d’eau a été la volonté de certains commanditaires de vouloir nous contraindre à travailler sur des logiciels en ligne. Il n’est pas envisageable de participer à ce passage en force sans le dénoncer et sans se battre. Il nous faut dialoguer avec les commanditaires intermédiaires que sont les laboratoires et, pour cela, il est indispensable de se solidariser et d’équilibrer le rapport de force. La qualité d’une partie de la post-production cinématographique est en danger. Tatiana Taburno – L’arrivée de l’IA se produit en parallèle de la détérioration de nos conditions de travail. Nous sommes partis du constat d’une situation très spécifique à notre profession d’audio descripteurs et d’audio descriptrices, et nous nous sommes attachés à questionner en premier lieu le pourquoi et le sens même de notre métier. Le terme accessibilité est lié dans l’imaginaire collectif au handicap, or la définition d’accessibilité est avant tout : « la possibilité d’avoir accès à ». Avoir accès à une œuvre n’a pas nécessairement à voir avec le handicap. Prenons un simple exemple : la plupart des œuvres audiovisuelles ne sont pas en langue française. Elles ne sont donc pas accessibles. Une œuvre existe-t-elle si elle n’est pas transmise et diffusée ? Elle n’existe que si elle est accessible. Si nous nous fondons sur cette idée d’une accessibilité universelle, nous nous dégageons de ce filtre du handicap pour englober à niveau égal toutes les formes d’adaptation. Nous touchons ainsi la grande majorité des personnes qui, pour « x » raisons, n’ont pas accès à une œuvre. Nous nous adressons aux personnes empêchées de comprendre(lorsque l’on ne maîtrise pas une langue étrangère), de voir ou d’entendre. B. A. – Le Pacte rassemble de multiples professions : auteurs de doublage et de sous-titrage, audio descripteurs, artistes-interprètes, traducteurs, directeurs artistiques, ingénieurs du son… Quel a été le cheminement de ce Pacte ? Frédéric Gonant – Notre métier fait le lien entre l’écriture et l’interprétation, car nous écrivons pour que notre audiodescription soit lue. Nous faisons partie des métiers de l’ombre du cinéma, comme les traducteurs, les doubleurs… Tatiana Taburno – Les adaptations revêtent un rôle clef, indispensable à la circulation des œuvres audiovisuelles dont les auteurs, autrices et artistes-interprètes sont les passeurs. Cette accessibilité concerne autant le doublage, le sous-titrage multilingue, la voice-over, que l’audiodescription, le sous-titrage pour sourds et malentendants, toutes ces versions qui rendent accessible une grande richesse audiovisuelle. Il est évident que nous devons nous rassembler. Nous sommes tous et toutes auteurs et autrices de nos œuvres, qui sont des œuvres dérivées, adaptées des œuvres originales. Elles doivent être considérées à leur juste valeur. Les auteurs, les interprètes, les ingénieurs du son, les directeurs artistiques… Nous travaillons de concert. Frédéric Gonant – De tradition, dans le secteur audiovisuel, que ce soit pour les traducteurs-adaptateurs ou les auteurs d’audiodescriptions ; il n’existe que très rarement des contrats. Nous travaillons en confiance. La confiance d’hier, avec, entre autres, des commandes en direct, n’est plus du tout la même avec les laboratoires intermédiaires d’aujourd’hui. Ces intermédiaires exercent des pressions (sous couvert de leurs clients ou de la concurrence…) et la transparence n’est plus au rendez-vous. Notre travail d’audiodescription est régulièrement revendu sans notre accord et sans contrepartie. L’arrivée de l’intelligence artificielle dans ce secteur non protégé nous fragilise encore plus. Rappelons que travailler en ligne, revient à donner tous nos brouillons. Tatiana Taburno – Les « machines » auxquelles nous donnons nos brouillons apprennent également, via le travail en ligne, notre processus d’écriture. D’ailleurs, dire qu’elles apprennent est un abus de langage. Elles ingurgitent. La plupart du temps, nos interlocuteurs directs sont les laboratoires, qui sont des intermédiaires, et ils ont leur part à jouer quant aux conditions de travail qui nous sont imposées. Nous souhaiterions une plus grande transparence avec nos interlocuteurs directs, les laboratoires, et indirects, lesproducteurs et distributeurs. Frédéric Gonant – La fragilité dans laquelle nous nous trouvons et d’autant plus grande qu’aucun organisme de gestion collective (OGC) ne nous prend en charge. Malgré nos demandes légitimes depuis plus de vingt ans, si personne ne remet en doute notre travail d’auteur, aucune OGC ne gère nos droits d’auteur, ce qui nous empêche de protéger nos textes. Tatiana Taburno – Nous attendons une reconnaissance, une prise en charge… Nous espérons que le dialogue va se rouvrir, au moment où la question de la propriété intellectuelle et de l’autorialité est posée par l’utilisation de l’IAg. B. A. – Comment avez-vous construit le texte du Pacte ? Tatiana Taburno – Nous avons écrit une première mouture que nous avons proposée aux différentes organisations (notamment les associations Ataa, Upad, et Les Voixet le Syndicat français des artistes-interprètes (SFA), qui ont contribué au texte final et commun. Ce Pacte est une ligne commune. Un pacte, ce sont des mains qui se serrent. C’est un appel à être entendus, reconnus. Il s’adresse aux différents acteurs de la chaîne de production, de post-production et de distribution, mais également aux pouvoirs publics (notamment le ministère de la Culture, le CNC et l’Arcom) et aux publics regroupés en associations. Le Pacte encourage un triple engagement : respecter l’œuvre, respecter les personnes qui ont travaillé pour son accessibilité, respecter les personnes qui sont destinataires de l’œuvre. B. A. – L’intelligence artificielle menace le sens de vos

Création de Filéas (Fils d’informations libraires, éditeurs, auteurs)

Actualités Création de Filéas (Fils d’informations libraires, éditeurs, auteurs) Filéas la société dédiée au suivi des ventes de livres et au service de l’interprofession est créée. Filéas développera un portail de suivi des ventes de livres créé pour les acteurs de la filière. Auteurs, éditeurs et diffuseurs disposeront d’un accès personnalisé aux données de ventes de leurs ouvrages. Huit grands acteurs de la filière du livre se sont réunis le 20 décembre 2024 pour créer la société Filéas (Fils d’informations libraires, éditeurs, auteurs) : le Syndicat national de l’édition (SNE) le Cercle de la Libraire Dilicom l’Association pour le développement de la librairie de création (ADELC) le Syndicat de la Librairie française (SLF) l’Association des librairies informatisées et utilisatrices de réseaux électroniques (ALIRE) le Conseil permanent des écrivains (CPE) la Société des Gens de Lettres (SGDL) Lire le communiqué en intégralité

Musique & Créations II – Les Journées de la Musique contemporaine à Mulhouse – Un entretien avec Pierre Thilloy

Actualités Musique & Créations II – Les Journées de la Musique contemporaine à Mulhouse – Un entretien avec Pierre Thilloy, compositeur, représentant du groupement « Musiques contemporaines ». Bulletin des Auteurs – Les Journées de la Musique contemporaine à Mulhouse ont été une vraie réussite. Pierre Thilloy – Nous avons tout intérêt à organiser des événements qui soient récurrents et très professionnels. Notre organisation doit être irréprochable au regard de l’extérieur. La qualité artistique et le niveau intellectuel doivent être là, mais l’écrin doit être à la hauteur de la valeur que nous voulons donner à l’événement. Nous avons porté une très grande attention au cadre de ces journées des 28 et 29 novembre 2024 à Mulhouse, en termes de lieu comme de cohérence entre le projet et le propos, d’harmonie entre les membres de notre syndicat et les personnes invitées, professeurs d’université, étudiants, représentants d’institutions ou les participants suisses et allemands. B. A. – Plusieurs tables rondes se sont déroulées. P. Th. – Le sujet central était la relation « sensible » entre le compositeur et l’auteur. En tant que syndicat, nous nous battons pour défendre nos droits et ce qu’ils représentent. Ce qui est bizarre, c’est que nous n’osons pas toucher à nos propres tabous. Puisque nous sommes un syndicat pluridisciplinaire, il me semble très important que nous nous interrogions sur le potentiel de cette pluridisciplinarité, que nous regardions quels sont les sujets communs, et que nous questionnions ce tabou (qui n’est probablement pas le seul !) que nous n’évoquons même jamais, à savoir la relation ultra complexe entre le compositeur et l’auteur, avec, en tierce partie, qui pourrait être médiatrice, l’éditeur et éventuellement les OGC, susceptibles de proposer une clef de répartition de départ, une évaluation à partir de laquelle nous pourrions débattre et obtenir un « gré à gré » apaisé. Aujourd’hui le constat est quelque peu alarmant : le dialogue entre auteurs et compositeurs est brisé. À l’instar de Wagner voici bien longtemps, les compositeurs se mettent à écrire leurs propres livrets ou composent sur la base de textes du domaine public pour éviter d’avoir à affronter cette question sensible de la clef de répartition. Sans compter que de nombreux compositeurs se heurtent à un écueil commercial face aux agents littéraires des auteurs, qui évaluent mal le travail de la composition. Nous ne faisons plus grand chose pour que se perpétue l’émulation entre auteurs et compositeurs, que nous admirons tant et qui fonctionnait au XIXe siècle ou dans la première partie du XXe siècle, où toutes les disciplines se croisaient et produisaient ensemble. L’intervention, purement commerciale, de l’agent littéraire, éteint toute flamme artistique, tout enthousiasme pour une création commune. Ce n’est plus la passion qui gouverne. B. A. – Des avancées ont-elles pu être actées lors de ces journées à propos d’une grille de répartition « acceptée » et « acceptable » ? P. Th. – Ce sujet, que nous n’avons jamais traité, s’avère très complexe et porteur de multiples questions sous-jacentes. Nous nous sommes rendus compte que plus nous avancions dans nos discussions, plus nous rencontrions de contradictions. Le public, qui était vivement intéressé, n’imaginait pas que cette question puisse soulever autant de pensées contradictoires. Ces journées nous ont permis de mieux prendre conscience de la complexité du sujet, qui est juridique et professionnel. Nous avons pu cerner et définir le point de départ d’une charte, qui est loin d’être écrite, mais qui est désormais ouverte. Nous allons travailler sur les points techniques et solliciter les organisations professionnelles de la musique, la Fondation Sacem, le CNM et tous les interlocuteurs pour qui cet aspect revêt une importance ou un intérêt. Il est à noter que cette problématique de la répartition entre la musique et le texte concerne également d’autres secteurs de la création, comme par exemple la Bande dessinée, ou l’image animée. B. A. – Ou la gastronomie… P. Th. – Nous sommes partis de l’idée que, quelles que soient les difficultés rencontrées lors des débats, nous devions tous repartir très heureux de ces rencontres. Nous avons en effet choisi le vecteur de la gastronomie, parce que tout sujet sensible et complexe peut se résoudre autour d’une bonne table dès que les convives sont intelligents et apprécient ce qu’ils dégustent. La table nous réunit tous. Nous avons par ailleurs voulu faire un clin d’œil à la pièce de théâtre « Le Boxeur et la Violoniste », dont une célèbre revue musicale de l’époque avait refusé de parler, mais qui avait été défendue par le journal « L’Équipe ». Si nous communiquons par la presse spécialisée, qui va nous lire sinon nous-mêmes ? C’est pourquoi nous avons communiqué dans une revue gastronomique, connue dans le Grand Est et en Suisse comme en Allemagne, « Food and Good ». Nous avons d’autre part invité des étudiants à participer à ces journées. Ce sont des publics inattendus pour un syndicat. Nous voulions attirer les gens et non les rebuter par des thématiques qui auraient été présentées de manière trop abstraite. Nous avons fort bien mangé au long de la manifestation, qui a coïncidé avec le moment très festif du marché de Noël de Mulhouse. Notre dîner de clôture s’est déroulé dans un restaurant réputé de Mulhouse, où le chef étoilé a joué le jeu de nos journées professionnelles : nous avons établi ensemble un menu, dont il a accepté de nous livrer les recettes, que nous avons soumises à des auteurs librettistes, puis à des compositeurs, qui, sur ces textes, en prose ou de poésie, ont écrit des musiques. Au cours du dîner, en alternance nous avons entendu en textes et musiques ce que nous allions manger et boire, ou nous avons mangé et bu ce que nous avions entendu. Par respect pour le personnel du restaurant comme pour les auteurs et compositeurs mais aussi les interprètes, le service bien sûr était suspendu quand textes et musiques s’écoutaient. Nous avions ainsi quatre contributions, la recette, le vin, le livret, la musique, chacune devenant un potentiel ayant

SUNO et la création musicale : préserver l’âme artistique face à l’IA – par Sylvain Morizet

Actualités SUNO et la création musicale : préserver l’âme artistique face à l’IA – par Sylvain Morizet, compositeur, arrangeur et pianiste, représentant du groupement « Musiques contemporaines ». L’avènement de SUNO, une intelligence artificielle capable de générer des chansons avec des paroles, suscite une réflexion profonde sur la nature de la création musicale. Pour le Syndicat national des auteurs et des compositeurs (Snac), cette innovation technologique interpelle directement les auteurs et compositeurs, gardiens de l’âme artistique. Comment concilier les avancées de l’IA avec la préservation de la créativité humaine qui est au cœur de la musique ? SUNO peut parfois surprendre par sa capacité à trouver des mélodies accrocheuses, particulièrement dans les refrains. Avec un prompt précis, il peut proposer des grilles harmoniques plutôt originales. Pour certains créateurs, cet outil peut aider à surmonter la page blanche, offrant une base d’inspiration sur laquelle développer une œuvre. Il est indéniable que l’IA peut apporter des éléments stimulants, ouvrant de nouvelles perspectives dans le processus créatif. Cependant, même si SUNO peut générer des idées musicales intéressantes, il est important de reconnaître que la véritable essence de la musique réside dans l’expression humaine. Les émotions, les expériences personnelles et la sensibilité de l’artiste sont des éléments que l’IA ne peut pleinement reproduire. La créativité musicale n’est pas seulement une question de combinaisons harmonieuses, mais l’expression d’une vision du monde unique. Une question se pose alors : est-ce que la Sacem inscrirait dans son répertoire une chanson fabriquée avec l’aide de SUNO ? La Sacem, en tant que société de gestion collective des droits d’auteur, exige que les œuvres soient originales et créées par des individus identifiables. Si une chanson est générée par une IA, sans contribution créative significative d’un humain, sa reconnaissance et sa protection juridique pourraient être remises en question. Les critères actuels de la Sacem nécessitent une clarification pour s’adapter à ces nouvelles formes de création. Par ailleurs, établirions-nous un lien entre SUNO et leur site ? La promotion ou l’intégration de SUNO dans les plateformes dédiées aux auteurs et compositeurs soulève des interrogations éthiques et professionnelles. Si SUNO est perçu comme un outil d’assistance à la création, une collaboration pourrait être envisageable, à condition de définir clairement les rôles et les limites de l’IA dans le processus créatif. Toutefois, il est essentiel de veiller à ce que cette association ne porte pas préjudice aux créateurs humains en diluant la valeur de leur travail. Pour les auditeurs, l’offre musicale pourrait sembler infiniment enrichie par SUNO. La possibilité de générer des chansons à la demande, adaptées à des préférences spécifiques, est séduisante. Cependant, cette abondance risque de conduire à une standardisation des contenus. Les algorithmes, basés sur des données existantes, pourraient reproduire des schémas populaires sans apporter de réelle innovation ou surprise. La découverte musicale, cet émerveillement face à l’inattendu, pourrait s’estomper. Les auditeurs seraient privés de l’opportunité de se confronter à des œuvres originales, porteuses de nouvelles perspectives. La musique deviendrait un simple produit de consommation, perdant sa dimension artistique et culturelle. Pour les auteurs et compositeurs, SUNO représente à la fois un outil potentiel et une menace concrète. D’un côté, l’IA peut aider à éviter la page blanche, en fournissant des idées de mélodies ou d’harmonies qui peuvent être développées et enrichies par l’artiste. De l’autre, il existe le risque que l’IA soit utilisée pour remplacer le travail des créateurs, mettant en péril leur métier et leur passion. Cette dévalorisation du rôle de l’artiste est préoccupante, car elle sous-estime l’importance de la contribution humaine dans la création musicale. Les auteurs et compositeurs ne sont pas de simples producteurs de contenu, mais des narrateurs, des visionnaires qui façonnent la culture et l’identité collective. Leur disparition ou marginalisation au profit de l’IA serait une perte inestimable pour la société. Sur le plan juridique, l’utilisation de SUNO, ou de touteautre IA générative, soulève des questions complexes. Si l’IA est entraînée sur des œuvres protégées par le droit d’auteur, cela constitue une exploitation des créations sans consentement ni rémunération des ayants droit. Il est impératif de mettre en place des cadres légaux qui garantissent le respect des droits des auteurs et compositeurs. La production de nouvelles œuvres par l’IA pose également la question de la titularité des droits. Qui est l’auteur d’une chanson générée par une IA générative ? L’utilisateur, le développeur de l’algorithme, ou personne ? Sans clarification, il existe un risque de voir proliférer des œuvres sans protection juridique, déstabilisant davantage le secteur musical. Dans ce contexte, la position de la Sacem devient cruciale. Si elle décide de ne pas inscrire ces œuvres dans son répertoire, cela pourrait protéger les intérêts des auteurs, mais aussi limiter la reconnaissance des créations assistées par IA. Il est crucial de rappeler que la musique est avant tout une expression humaine. Les IA génératives ne doivent pas remplacer les créateurs, mais éventuellement les assister, sans empiéter sur leur rôle fondamental. L’innovation technologique doit être au service de l’humain, et non l’inverse. Le Snac a un rôle primordial à jouer dans cette transition. En défendant les intérêts des auteurs et compositeurs, il contribue à préserver la richesse culturelle et artistique de notre société. Il est essentiel de promouvoir des politiques qui soutiennent la création humaine, en valorisant le travail des artistes et en sensibilisant le public à l’importance de leur contribution. Plutôt que de rejeter totalement l’IA, il est envisageable de rechercher un équilibre où la technologie et la créativité humaine coexistent harmonieusement. Les auteurs et compositeurs pourraient utiliser des outils comme SUNO pour explorer de nouvelles idées, sans pour autant renoncer à leur rôle central dans la création. Cependant, cette coexistence ne doit pas se faire au détriment des créateurs. Des mesures doivent être prises pour assurer que l’IA reste un outil complémentaire, et non un substitut. La formation, la sensibilisation et l’adaptation des cadres légaux sont des éléments clés pour réussir cette transition. Les IA génératives nous confrontent à des défis majeurs, mais aussi à une opportunité de réaffirmer la valeur inestimable de la

Le Forum des organisations professionnelles du spectacle – Un entretien avec Thibault Sinay

Actualités Le Forum des organisations professionnelles du spectacle – Un entretien avec Thibault Sinay, scénographe, membre de l’Union des Scénographes. Bulletin des Auteurs – Quelle est la genèse du forum ? Thibault Sinay – Durant les multiples épisodes de la crise Covid, les différentes organisations professionnelles du spectacle vivant s’étaient rassemblées en visio pour échanger des informations, des inquiétudes, et des idées sur la culture, considérée comme « non essentielle »… Nous avions alors interpellé à plusieurs reprises le ministère de la Culture sur la situation de nos métiers et nous avions obtenu des réunions avec la Direction générale de la Création artistique (DGCA). Ce forum, où les voix s’unissaient pour dialoguer avec les pouvoirs publics, espérait se constituer en fédération. Nous avions déjà imaginé ce que pourrait être une telle organisation en créant la Fédération des créateurs d’expositions, XPO. Ce modèle nous avait inspirés : si les métiers de l’exposition avaient trouvé un espace commun pour se défendre, se représenter, pourquoi ne pas rêver d’une fédération forte des métiers du spectacle vivant ? Après le Covid, les liens se sont un peu relâchés car chacun est reparti vaillamment travailler de son côté, mais nous avons tout de suite ressenti un fort dérèglement dans la dynamique de ce nouveau départ, et ce sentiment d’un futur incertain ne s’est pas fait attendre. Nous avons alors réactivé ce groupement, et nous avons tendu la main à ceux qui, dans le silence de la crise, avaient eux aussi créé des associations, forgé des initiatives pour pallier l’absence de soutien ou répondre à l’immobilité du secteur. Nous nous sommes associés à des directions techniques, et à des professeur.e.s d’art dramatique, lesquels se sont révélés être moteurs dans notre mouvement, ainsi qu’aux administrateurs.trices, qui se sont imposés comme une clé de voûte de notre mouvement. Notre dialogue pragmatique est ainsi devenu transversal, ce qui nous a aidés à appréhender la mutation de tous les métiers du Spectacle vivant, à mieux comprendre les crises économiques et politiques mais aussi les injonctions ministérielles, qui, sous couvert de formules telles que :« Mieux produire, mieux diffuser », laissaient souvent pour compte ceux qui font (?) le cœur de notre travail. On nous demande de « produire mieux », mais avec quelles ressources ? De « diffuser mieux », mais en tenant compte de quels territoires, de quelles réalités ? Nous avons constaté que ces mots, en apparence porteurs d’espoir, révèlent aussi une faille : celle d’un art que l’on croit acquis, mais qui, sans le soutien des structures et des individus qui le portent, risque de disparaître. Mon appel initial sur les réseaux a rencontré rapidement un écho de la part des acteurs membres des actrices et acteurs (Aafa), des directions techniques (Reditec), des professeurs des Conservatoires d’art dramatique (Anpad), des créateurs Lumière (UCL), des administrateurs de Spectacles (Lapas), des Chorégraphes associés, du Syndicat national des metteurs en scène (SNMS), des chanteurs lyriques (Unisson), du Snac, des écrivaines et écrivains associés du Théâtre (EAT), etc. B.A. – Le Forum des organisations professionnelles du Spectacle a organisé un premier séminaire en mai 2024 à la Philharmonie de Paris. Th.S. – Nous avons communiqué principalement en interne sur cet événement auprès de nos conseils d’administrations respectifs, mesurant des préoccupations partagées. Après un an de réunions, c’était le premier séminaire auquel participaient tous les bureaux et présidents des associations et des syndicats membres du Forum en présentiel. Nous voulions voir où nous allions. En amont, nous avions proposé un questionnaire aux adhérents de nos associations, afin de mieux cerner les enjeux, les problématiques, les préoccupations de nos membres. Les réponses, riches et variées, révélaient à quel point nos problématiques et nos questionnements sont communs. Cinq thématiques ont été à l’ordre du jour de cette journée : Valeur travail et fragilisation économique de la filière. Formation, emploi et attractivité. Climat, Éco-responsabilité et Éco-conception. Mutations technologiques. Relations de travail entre les différentes associations professionnelles de la filière. Maintenant que nous avions laissé le temps à chacun et à tous de dialoguer et de trouver sa place, dans un contexte encore plus fragilisé et même menaçant, il nous semblait qu’il était temps et nécessaire de communiquer sur notre forum pour révéler le dialogue collectif et transversal que nous avions donc construit. Un Forum plutôt qu’une nouvelle Fédération Nous avons fait le choix de ne pas fonder une nouvelle organisation. Trop souvent, les structures se figent, les intentions s’y perdent. Nous avons préféré « faire forum », créer un espace informel mais essentiel où toutes les voix peuvent se croiser et se répondre. Chaque organisation y conserve son statut propre, et son autonomie. C’est là toute l’idée du forum : favoriser un point de dialogue vivant, où chacun peut s’associer selon ses moyens, ses besoins, et ses convictions, en s’associant à une signature commune, comme nous venons de le faire avec le texte « L’Applatissement du monde de la culture ». Le Forum d’Avignon 2025 Ainsi nous avons prévu d’organiser le prochain forum lors du Festival d’Avignon, à l’été 2025. Le Festival d’Avignon, dans sa grandeur et sa diversité, a toujours été ce lieu unique où le théâtre privé et le théâtre public font face aux mêmes défis, aux mêmes questions. Le clivage qui parfois fait naître des débats stériles entre le « populaire » et l’« élitiste » ne tient plus. Ces catégories ont vécu. Elles sont dépassées par la réalité des artistes, des techniciens, des producteurs et du public. Car il existe une seule et même exigence : porter la culture, la partager, la rendre accessible à tous. Le forum sera l’occasion de montrer que les organisations professionnelles du spectacle vivant sont belles et bien mobilisées, conscientes de la précarité de notre secteur, et de la fragilité des structures qui le composent. Le Forum, en ce sens, sera le lieu où nous pourrons faire entendre un discours collectif, celui des organisations professionnelles du spectacle vivant, un discours d’espoir, mais aussi de propositions pragmatiques pour soutenir l’avenir de nos activités. Cette manifestation se voudra cette fois-ci ouverte au public, nous y inviterons les pouvoirs publics et le ministère à nous entendre. Photographie du Forum à la Philharmonie. 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Un nouvel outil à disposition des compositeurs – Un entretien avec Siegfried Canto

Actualités Un nouvel outil à disposition des compositeurs – Un entretien avec Siegfried Canto, compositeur, responsable du groupement « Musiques à l’image ». Bulletin des Auteurs – Ce nouvel outil a trait au Cue Sheet. Siegfried Canto – Le « Cue Sheet » ou « Feuille de montage » est un peu la « carte d’identité sonore » d’un film. Elle recense l’intégralité des musiques qui sont synchronisées aux images et va permettre aux ayants-droit (auteur-compositeur, éditeur) de percevoir les droits sur l’exploitation et la diffusion de leurs œuvres. Quand un film est terminé, c’est souvent aux compositeurs qu’il revient de rédiger ce Cue Sheet… et c’est assez fastidieux quand il y a de nombreuses musiques à référencer. En musique de film, la dernière étape est celle du mixage, c’est là que va se sceller la partition définitive. En effet, pendant le mixage le réalisateur peut décider d’écourter ou d’allonger telle musique, de ne pas en retenir une autre. Cela relève de son choix artistique et de sa liberté, de ce qu’il pense être le mieux pour porter sa vision du film. Le compositeur ou l’éditeur récupère la piste des musiques mixées, qui contient donc exactement ce qui a été utilisé dans le film et ilpeut alorsréaliser le Cue Sheet. Ce dernier est à destination du diffuseur et de la Sacem qui va pouvoir, à partir de ce document, répartir les droits sur l’exploitation des œuvres synchronisées (Cinéma, télévision, internet, délinéarisé…). J’ai développé un outil qui permet de gagner du temps dans la rédaction du Cue Sheet. Il s’agit d’un tableur Google contenant de nombreux scripts. Il sera à disposition du public intéressé, sur le futur nouveau site du Snac, dès le premier trimestre 2025 je l’espère. Ce sera un facilitateur pour les compositeurs qui en ressentiront le besoin. B. A. – Comment l’outil que vous avez mis au point génère-t-il un gain de temps ? S. C. – Sur un film on peut vite avoir plus de cinquante entrées musicales. On doit identifier chaque musique, mentionner son nom, relever le Timecode (référence temporelle) d’entrée, de sortie, la durée de la synchronisation. S’y ajoute une multitude de champs concernant les ayants droits qui doivent figurer dans le document pour chaque musique, soit : le nom du compositeur, éventuellement celui du co-auteur, l’éditeur et son numéro d’identification, le nom de la société de gestion du compositeur, de l’éditeur, le nom de l’interprète, la date de la première diffusion de l’œuvre, etc. En fait, nous devons inscrire ces données autant de fois qu’il y a de musiques… et ces données nécessaires et importantes sont bien souvent identiques. La solution que je propose permet à partir d’un fichier texte généré depuis notre logiciel de composition de réaliser tout le processus. On importe ce fichier dans l’interface du tableur puis on ne renseigne qu’une seule fois les champs demandés. Toutes les données communes à une même œuvre vont alors directement se mettre en place. Avant de l’enregistrer on peut bien évidemment modifier le fichier, si dans certaines œuvres les répartitions sont différentes, si telle musique est d’un autre compositeur/ éditeur. L’outil demande un peu de rigueur dans la nomenclature des œuvres mais il est plutôt efficace et simple d’utilisation. Il est important que le nom des musiques qui apparaissent dans le Cue Sheetsoit strictement identique au nom des œuvres déposées à notre catalogue, pour que l’OGC (Sacem ou autre) puisse faire les rapprochements. Il y a des notices d’aide, qui expliquent comment procéder en fonction du logiciel musical employé. Je remercie Olivier Militon et Nicolas Pansieri qui m’ont aidé pour effectuer les premiers tests et réaliser les notices. B. A. – Est-ce que vous déposerez le brevet de cet outil ? S. C. – Non, je ne suis pas dans une logique marchande. Cet outil est très artisanal et sera en accès libre. Il n’a rien de révolutionnaire, c’est un simple tableur google avec des scripts pour automatiser unetâche répétitive ! Je suis parti du modèle de Cue Sheetproposé par la Sacem afin qu’il soit pleinement compatible et facilite l’identification, la gestion et le suivi de l’exploitation des œuvres par leurs services. Mon initiative relève plutôt de l’engagement et du partage, de ma vision de faire de la musique. Tout ce qui peut permettre de libérer du temps aux compositeurs pour qu’ils produisent de la musique plutôt que de l’administratif est bon à prendre ! Portrait photo de Siegfried Canto. Crédit : DR. Cet entretien a été publié dans le « Bulletin des Auteurs » n° 160, en Janvier 2025.