Rémunérer les auteurs sur la vente des livres d’occasion – Un entretien avec Séverine Weiss

Actualités Rémunérer les auteurs sur la vente des livres d’occasion – Un entretien avec Séverine Weiss, traductrice et présidente du Conseil permanent des écrivains, responsable du groupement Lettres au Snac. Bulletin des Auteurs – Comment est née l’idée d’instaurer une rémunération des auteurs et des éditeurs sur la vente des livres d’occasion ? Séverine Weiss – Depuis plusieurs années, nous observons une évolution du marché de vente du livre d’occasion. Ce marché, qui existe depuis des siècles sur les quais de Seine ou chez de petits libraires, où le public pouvait trouver des livres devenus indisponibles, n’avait jamais dérangé les auteurs ni les éditeurs. Avec les possibilités technologiques nouvelles, la vente par internet, les algorithmes, les plateformes en ligne, la donne a changé. Ce qui n’était jusqu’à présent qu’un marché secondaire, voire tertiaire, vient aujourd’hui directement concurrencer la vente de livres neufs. Une étude conjointe du ministère de la Culture et de la Sofia, sur les années 2022 et 2023, publiée en avril 2024, a dévoilé que ce marché n’a plus rien à voir avec l’image d’Épinal du bouquiniste. Il vient modifier le cycle classique de vie du livre au profit de grands acteurs industriels internationaux. Un livre qui vient de paraître se retrouve trois jours après (voire avant sa sortie !), à prix cassé, sur les grandes plateformes de vente en ligne. L’extension de ce marché (qui n’est pas aussi écologique qu’on peut le dire, si l’on songe au transport au-delà des frontières, voire extra-européen, et au reconditionnement des ouvrages) ne peut être empêchée, bien sûr ; mais nous devons en tenir compte. Si le marché évolue, la loi doit évoluer elle aussi. Aujourd’hui auteur comme éditeur ne touchent aucune rémunération sur la vente d’un livre d’occasion, quel que soit le circuit, qu’il s’agisse d’un petit bouquiniste ou d’une grande plateforme en ligne. La revendication d’une rémunération sur la vente du livre d’occasion est donc commune au Conseil permanent des écrivains (CPE) et au Syndicat national de l’édition. Nous souhaitons obtenir ce qui relèverait d’une compensation pour préjudice. Le droit de prêt en bibliothèque ou la rémunération pour copie privée numérique, gérés par la Sofia, sont entrés en vigueur sur ce principe. C’est pourquoi nous avons élaboré un projet de gestion collective de cette rémunération sur la vente du livre d’occasion, qui ne concernerait que les acteurs importants de ce nouveau marché en termes de chiffre d’affaires, et qui permettrait d’exonérer l’économie sociale et solidaire comme les petits acteurs. La Sofia pourrait administrer cette gestion collective. Les sommes perçues seraient réparties entre auteurs et éditeurs, et une fraction des sommes perçues serait affectée à des actions d’intérêt général bénéficiant au secteur du livre. B. A. – Le gouvernement a saisi le Conseil d’État pour recueillir son avis sur la question. S. W. – Nous ignorons quels documents ont été fournis par le gouvernement au Conseil d’État pour qu’il puisse mener à bien son analyse. L’avis a été rendu le 17 juin 2025, et publié au cœur de l’été, le 28 juillet – ce qui n’avait rien d’obligatoire puisqu’il s’agissait d’une saisine gouvernementale. Nous sommes contents de pouvoir en bénéficier, et il nourrira la suite de notre réflexion. CPE et SNE ont publié un communiqué à la suite de cet avis du Conseil d’État. Nous constatons que cet avis (qui n’est que consultatif) est assez succinct. Et qu’il laisse des fenêtres ouvertes qui nous semblent intéressantes et nous permettent de garder espoir. Cet avis dit clairement que notre projet de rémunération sur la vente des livres d’occasion n’est pas contraire à la Constitution. C’est là un point fondamental. Au regard de la conformité de ce projet au droit de l’Union européenne, l’avis du Conseil d’État rappelle la « règle de l’épuisement du droit de distribution à première cession », édictée par l’article 4 de la Directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information. Mais l’avis du Conseil d’État dissocie le « droit de contrôle de l’auteur sur la commercialisation ultérieure de son œuvre » de la « possibilité de percevoir une rémunération à cette occasion ». Ce qui ouvre la possibilité d’une rémunération. Il est vrai que le Conseil d’État s’appuie sur une jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne pour avancer que « la règle de l’épuisement du droit de distribution à première cession emporte […] à la fois épuisement du droit de contrôle sur la commercialisation et du droit de percevoir une rémunération sur les cessions ultérieures du support sur lequel l’œuvre est matérialisée. » Mais cette unique jurisprudence date du 20 janvier 1981, soit il y a plus de quarante années, et vingt ans avant la Directive de 2001. De plus, elle concerne des produits neufs dans le domaine musical… B. A. – La France ne peut pas aller contre la règle européenne. S. W. – Le droit européen peut évoluer. Pourquoi pas à l’initiative de la France, qui a toujours été le fer de lance dans la défense du droit d’auteur ? Il existe déjà le droit de suite sur la vente des œuvres d’art, par exemple – et le droit de suite n’a jamais été considéré comme contraire à l’épuisement du droit de distribution… Une rémunération des auteurs du livre est donc tout à fait envisageable. Les questions que posent l’apparition et l’extension de ce nouveau marché du livre d’occasion gagnent les autres pays européens. Auteurs comme éditeurs européens ont compris l’enjeu. L’intérêt que les organisations professionnelles portent désormais à ce nouveau marché grandit et s’impose. Le monde change, les règles doivent évoluer. En son temps, le droit de prêt en bibliothèque a donné lieu à des débats houleux, et nous sommes cependant parvenus à l’instaurer. Plus personne ne le remet en question aujourd’hui. Cela n’a pas entraîné la mort des bibliothèques comme certains l’affirmaient à l’époque, et les auteurs et les éditeurs bénéficient dorénavant d’une compensation financière. Nous poursuivons notre

La communication visuelle fait-elle partie de la culture ? – Un entretien avec Gaëlle Hersent

Actualités La communication visuelle fait-elle partie de la culture ? – Un entretien avec Gaëlle Hersent, dessinatrice de Bande dessinée et illustratrice, représentante du groupement « Bande dessinée ». Bulletin des Auteurs – Vous habitez Montpellier, vous vous êtes aperçue que la municipalité de votre ville employait l’intelligence artificielle dans sa communication, notamment culturelle. Gaëlle Hersent – Différentes campagnes de communication de la municipalité ont fait appel à l’intelligence artificielle. La plus importante, sur le racisme et le « vivre-ensemble », reprenait l’image des « Trois Grâces », qui est la statue emblématique de la place de la Comédie à Montpellier, la détournait avec trois femmes d’origine différente, générées par l’IA. De manière concomitante, dans le journal local Monsieur le Maire assurait que la Ville de Montpellier sacralisait la culture.  Deux autres campagnes ont suivi dans un temps réduit, l’une pour la « Fête de la nature », la troisième sur le site archéologique Lattara, qui appartient à la métropole. Avec Margaux Saltel, illustratrice et elle-même habitante de la métropole, nous avons trouvé cela assez paradoxal : vouloir sanctuariser la culture et néanmoins ne pas faire appel à des illustrateurs pour les affiches de la Ville. Ce télescopage nous a fait réagir. Ainsi nous avons décidé d’écrire ensemble une tribune, qui a dans un premier temps été signée par 150 personnes travaillant dans le secteur de la création : illustrateurs, auteurs de bande dessinée, graphistes, concept-artists, etc. Nous avons essayé de l’envoyer à M. le Maire et à Mme la Directrice de la communication, mais nous n’avons pas eu de réponse. A priori notre mail semble avoir été bloqué par le « fire-wall » efficace de la mairie. Ne recevant pas de réponse, et les élections municipales approchant, nous avons publié notre tribune sur les réseaux sociaux, Instagram, Bluesky, etc., afin que le sujet devienne public. Dès le lendemain un adjoint au maire nous a répondu, sur Bluesky, en nous invitant à une discussion à la mairie pour la semaine suivante. Nous avons rencontré cinq personnes de la mairie le jeudi 17 juillet. Entretemps notre tribune était passée de 150 à 400 signatures. B. A. – Quelles ont été les suites données à cette rencontre ? G. H. – La Mairie a décidé d’écrire une charte, en interne, et nous a assuré qu’il n’y aurait plus de visuels générés à 100 % par l’IA dans la communication de la métropole et de la Mairie. La directrice de la communication nous a expliqué travailler avec des agences de communication et avec des graphistes en interne. La campagne avec les Trois Grâces avait été concoctée en externe par une agence de communication. En ce cas la Mairie n’a pas la main sur le processus. La campagne sur les jardins a été faite par une jeune graphiste, en interne, qui voulait « s’amuser » avec cet outil. La directrice de la communication n’avait pas vu la troisième affiche. Elle a insisté sur le fait que plus d’un millier de visuels était produit chaque année, et que c’était juste trois affiches sur plus d’un millier… Le côté positif, c’est que nous avons été reçues rapidement par la Mairie, qui s’est montrée curieuse et attentive, que les personnes rencontrées ont voulu comprendre, d’autant que Montpellier se dit être à la pointe de la réflexion sur l’utilisation de l’IA : une convention citoyenne a été organisée entre 2023 et 2024 et elle a établi dix règles autour de l’utilisation de l’IA : une convention citoyenne a été organisée entre 2023 et 2024 et elle a établi dix règles autour de l’utilisation de l’IA. La Mairie a aussi sensibilisé ses agents sur le sujet et interdit le recours à « Chatgpt » par ses agents en 2023 en attendant d’en savoir plus. Ceci dit, il me semble que l’utilisation de l’IA générative d’images était dans leur angle mort et qu’il ne devait pas y avoir d’illustrateur ou graphiste dans le panel de citoyen.ne.s réuni.e.s lors de cette convention citoyenne. La Mairie nous a proposé d’organiser une autre réunion dans le courant de l’année, avec d’autres signataires de la tribune, pour mieux nous connaître et réfléchir ensemble. Je me pose la question de cet usage généralisé de l’IAgen au niveau de la communication visuelle des mairies et autres institutions publiques. On veut sanctuariser la culture, mais sans envisager un seul instant que la communication visuelle peut rentrer dedans. Il y a un côté très pragmatique et utilitariste des images. Touche-t-on ici à la différence floue entre « Beaux-Arts » et « Arts Appliqués » ? Et l’un vaudrait d’être sanctuarisé et pas l’autre ? Les images réalisées dans le cadre de la communication visuelle, n’est-ce pas aussi une forme de culture ? La plupart des mairies, des métropoles, des institutions publiques, ne réfléchissent pas à cela. Elles se disent : J’ai besoin d’une affiche pour communiquer des informations. Parce que ça coûte moins cher, parce que ça va plus vite, qu’il y a moins d’intermédiaires, je vais générer une image par l’IA. Je serais néanmoins curieuse de savoir si cela coûte moins cher dans le cas où c’est une agence de communication qui l’utilise mais qui facture tout de même son travail à la Mairie. Par ailleurs, est-ce qu’il n’y a pas une perte de qualité ? Les graphistes ne savent pas corriger les erreurs de dessin et les laissent apparentes (problèmes de mains, d’endroits confus et mal « dessinés »). Ainsi est livrée au public une image mal finalisée. J’ai aussi soulevé le point des droits d’auteurs auprès de la directrice de la communication. Paient-ils des droits d’auteur ou des cessions de droits à des agences de communication sur des visuels générés par l’IA ? Cela pose question parce que, à ma connaissance, il n’y a pas de droit d’auteur sur des images générées par l’IA. J’ai l’impression qu’elle n’avait pas envisagé ce point. Je viens d’assister à une table ronde, au musée Fabre de Montpellier, sur le thème « Art et IA dans la ville

L’Avenir du festival d’Angoulême – Un entretien avec Marc-Antoine Boidin

Actualités L’Avenir du festival d’Angoulême – Un entretien avec Marc-Antoine Boidin, scénariste, dessinateur et coloriste de Bande dessinée, responsable du groupement. « Bande dessinée ». Bulletin des Auteurs – Quelles sont les perspectives à l’approche du Festival d’Angoulême 2026 ? Marc-Antoine Boidin – Nous pouvons rappeler que trois structures sont concernées par l’organisation du festival : l’association historique FIBD, Festival international de la Bande dessinée, qui a créé l’événement, et qui est propriétaire de la marque « FIBD » ; la société privée « 9 Art + » présidée par Franck Bondoux, à laquelle l’association FIBD a confié l’organisation du festival ; l’ADBDA, Association pour le développement de la bande dessinée à Angoulême, un espace de discussions composé des institutions publiques qui financent le festival et des organisations professionnelles (SNE, SEA, Snac). Le contrat entre l’association FIBD et « 9 Art + » vient à échéance en 2027. Se pose donc la question du futur de l’organisation du festival. Une information a parcouru le milieu de la Bande dessinée, selon laquelle une fusion entre « 9e Art + » et le FIBD serait à l’ordre du jour. B. A. – Quelles seraient les conséquences d’une telle fusion ? M.-A. B – Un contrôle accru de l’événement par « 9 Art + » et son directeur. Or, depuis de nombreuses années, force est de constater que de nombreux clivages et tensions sont liés à sa gestion du festival. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’avait été créée l’ADBDA, où siège le Snac. Il nous semble donc que le fonctionnement de cet événement majeur de notre secteur mérite une véritable restructuration. B. A. – Un appel à projets a été lancé. M.-A. B – De notre avis, l’importance culturelle de l’événement, son financement public conséquent et sa dimension internationale en font un bien public. Si un appel d’offre n’est pas possible (son financement public représente moins de 50 %), il est apparu évident à tous qu’a minima un appel à projets devrait être mis en place. B. A. – Qui va décider, et quand ? M.-A. B – Si l’association FIBD a consenti à sa mise en place sous l’insistance des membres de l’ADBDA, pour autant le rôle de l’ADBDA reste d’ordre consultatif puisque seule l’association FIBD décide des modalités, du cahier des charges et du prestataire retenu, dont le nom sera connu d’ici la mi-novembre. Le dialogue est difficile mais nous insistons pour que le FIBD prenne toutes les dispositions afin que l’issue de cet appel d’offre fasse consensus et que le climat d’apaisement souhaité par tous émerge enfin. B. A. – La décision de boycotter ou non le festival 2026 sera prise en fonction de ce résultat ? M.-A. B – À tout le moins le Snac laissera à ses adhérent.e.s le choix individuel de s’y engager ou non. Jusqu’ici Le Snac a toujours préféré éviter la politique de la chaise vide, pour faire entendre la voix des autrices et des auteurs. Nous avons pu ainsi faire avancer nos revendications comme la mise en place de la rémunération des auteurs et des autrices de BD en dédicace, la parité dans le jury d’attribution des prix du festival, l’espace professionnel dédié aux autrices et auteurs, etc. De plus, le festival offre une fenêtre médiatique pour faire entendre les difficultés croissantes qu’ils rencontrent dans l’exercice de leur métier. Ce fut le cas notamment lors de la « Marche des Auteurs » en 2015, qui contestait la hausse du taux de la cotisation à l’assurance retraite appelée par le Raap. B. A. – L’atmosphère du festival d’Angoulême n’est pas la règle de tous les festivals. M.-A. B – Certains festivals sont moteurs dans la mise en place d’une meilleure considération des autrices et des auteurs. Beaucoup font partie du Club 99, la jeune fédération de festivals BD, qui bénéficie d’un large tissu géographique, de structures très diverses et qui s’étend sur toute l’année. Nous serons d’ailleurs présents au festival de Saint-Malo, « Quai des Bulles », qui se tient à la fin du mois d’octobre, et qui réunit plusieurs centaines d’autrices et auteurs pendant trois jours. À cette occasion nous diffuserons un fascicule, « Clauses Combat ». Il reprendra dix clauses importantes des contrats d’édition, pour bien les comprendre et donner des arguments aux autrices et aux auteurs, en vue d’obtenir des contrats plus solides et mieux équilibrés. Nous y organisons également une rencontre flash autour des rémunérations, des rendez-vous juridiques individuels pour les auteurs et autrices et un apéritif qui les réunira le vendredi soir… Beaucoup d’élus du groupement BD seront présents pour cette édition 2025 !

Musique & Créations III – Les Journées de la Musique contemporaine à Mulhouse – Un entretien avec Pierre Thilloy

Actualités Musique & Créations III – Les Journées de la Musique contemporaine à Mulhouse – Un entretien avec Pierre Thilloy, compositeur, et Henri Nafilyan, compositeur et chef d’orchestre, représentants du groupement « Musiques contemporaines ». Bulletin des Auteurs – Les Troisièmes Journées de la Musique contemporaine vont se tenir à Mulhouse. Pierre Thilloy – À l’unanimité nous avons décidé que cet événement aurait lieu de manière pérenne à Mulhouse. Être en province nous permet d’être mieux visibles, et de développer un soutien de la part des tutelles. La Région Grand Est vient de nous annoncer qu’elle met gracieusement à notre disposition la Maison de la Région, qui est un très beau bâtiment. La Région nous a fait savoir qu’elle était très heureuse que nous maintenions ces Journées à Mulhouse, et elle nous a proposé de sanctuariser les dates pour nous accueillir à la Maison de la Région les années prochaines. Cette subvention, sous la forme d’une économie que nous pouvons réaliser, doit être dédiée aux auteurs. Nous allons passer des commandes, à des compositeurs, mais aussi à un auteur ou une autrice de Bande dessinée pour créer l’affiche de ces Troisièmes Journées, à une autrice ou un auteur du groupement Lettres pour écrire la chronique de nos rencontres, professionnelles et conviviales, puisque nous demandons, comme l’année passée, à des chefs cuisiniers de nous concocter des menus spécifiques, qui soient en résonance avec la musique. Ce mariage avec la gastronomie montre que nous sommes aussi de bons vivants, qui pouvons faire envie car nous nous attachons à ce qui est positif parmi tout ce qui peut paraître négatif dans la société actuelle. B. A. – Vous bénéficiez aussi du soutien de la Seam. Henri Nafilyan – Je représente auprès de la Seam [Société des Éditeurs et Auteurs de Musique] le président ou la présidente du Snac. La Seam dispose d’un fonds culturel. Avec Pierre-André Athané, alors président du Snac, nous avons eu l’idée de solliciter un soutien auprès de la Seam, qui aide d’autres organisations professionnelles. Ainsi je défends les Journées de la Musique contemporaine devant la Seam, qui soutient en effet notre projet. Le but de la Seam est de défendre le droit d’auteur, et c’est ce à quoi nous nous attachons durant ces Journées « Musique et Créations ». B. A. – Quels sujets aborderont les tables rondes ? Pierre Thilloy – Nous aborderons des questions qui pourraient nous diviser. Le thème principal de cette année, après la relation entre compositeur et auteur l’année dernière, est la relation entre compositeur et interprète.  Cette relation, simple en apparence, est redoutablement sensible. L’interprète demande tout de suite quand et combien il sera payé, alors que c’est presque un honneur pour le compositeur que sa musique soit acceptée par l’interprète. Henri Nafilyan – L’important, c’est d’ouvrir des discussions, des débats. Pas forcément d’apporter des solutions définitives. Je suis très intéressé par le rapport de l’interprète à la musique contemporaine. Comment les interprètes, notamment les plus jeunes, envisagent de jouer de la musique contemporaine, est-ce sur commande, ou est-ce sur sollicitation de leur part ? La modalité du contrat est moins importante à mon sens que le désir de l’interprète d’inclure dans sa mission la création et la diffusion d’œuvres contemporaines. Est-ce qu’il a cela à cœur ? Pierre Thilloy – Cela revient au même, parce que celui qui aura à coeur de jouer de la musique contemporaine aura également à coeur de demander quand et combien il sera payé. Henri Nafilyan – Nous pourrons en parler avec les interprètes lors de ces Journées de Mulhouse. B. A. – Les étudiants et lycéens seront présents. Pierre Thilloy – J’interviens auprès de jeunes gens de vingt ans, qui vont être administrateurs culturels et parfois ne connaissent pas le droit d’auteur. De même, des jeunes compositeurs signent des contrats avec Spotify sans passer par des sociétés de droits. Nous avons un travail pédagogique à conduire auprès de ces jeunes pour qu’ils comprennent que le droit de la propriété intellectuelle est un droit qui doit exister tant que l’humanité existe. Je vais dans des classes de Terminale avec des options fortes en théâtre ou musique, afin de parler du droit d’auteur, du Snac, de l’objectif de nos Journées. Nous préparons ces Journées de la Musique contemporaine avec les étudiants de la Faculté des Lettres, Langues et Sciences Humaines de l’université de Haute-Alsace à Mulhouse, de la formation Gepsac (Gestion de Projets et Structures Artistiques et Culturels) et avec le laboratoire ILLE – UR 4363 (Institut de recherche en langues & littératures européennes). Des lycéens de Terminale et des étudiants sont en charge de l’accueil des participants, de la logistique des Journées, de la publicité auprès des médias, journaux et radios. C’est pour eux un excellent exercice d’ingénierie culturelle, sur deux mois de préparation et d’accomplissement. Notre budget prévoit de les inviter au dîner des compositeurs et des interprètes, et, après la clôture des Journées, à un dîner qui leur sera spécialement dédié, pour les remercier et parler de l’événement. Henri Nafilyan – La jeunesse est le grand point fort de ces Journées de Mulhouse. L’objectif principal de « Musique & Créations » est d’établir la différence entre ce que l’on peut écouter sur des plateformes comme Spotify et ce qu’est la musique, notamment contemporaine. On ne sait plus ce que signifie le mot « Art ». Ce mot disparaît. On dit éventuellement « artiste » et on mélange tout. Mais qui fait vivre l’Art ? Ce sont les créateurs de musique dite savante. Pierre Thilloy – J’ai exposé à mes étudiants la différence entre le patrimoine artistique populaire et le patrimoine artistique savant. Henri Nafilyan – L’objectif est aussi de convier l’industrie à soutenir l’Art. Mulhouse est très emblématique. Il y a existé un lien entre l’industrie et l’Art, puisque la Société industrielle de Mulhouse a donné à sa salle de prestige le nom de Nicolas Koechlin, grand industriel, dont la famille comprend également le compositeur Charles Koechlin. Pierre Thilloy – Mulhouse était la capitale

L’exclusion du Snac par la FNSAC

Actualités L’exclusion du Snac par la FNSAC – Communiqué de presse du Conseil Syndical du Snac Introduction – par François Peyrony, Président du Snac et compositeur Pour ce nouveau Bulletin des Auteurs, j’avais rédigé un éditorial qui s’intitulait « Entendons-nous bien », qui parlait entre autre de la nécessité du dialogue et de la concertation, afin de parvenir à des accords. Mais, coup de tonnerre dans un ciel syndical déjà très tourmenté, la nouvelle est tombée dimanche 12 octobre : la CGT Spectacle (FNSAC) a voté l’exclusion de notre syndicat, le SNAC. Parole est donnée au Conseil Syndical : Communiqué de presse Après 79 ans de solidarité, de collaboration et de respect mutuel, l’affiliation du SNAC à la FNSAC a été interrompue le 12 octobre 2025 à la suite d’un vote lors du 40è Congrès de la fédération. L’exclusion, fondée sur des accusations mensongères, semée de nombreuses irrégularités, tant statutaires que comportementales, est reçue avec sidération et consternation par le SNAC. C’est une grave fracture que provoque la FNSAC au sein des organisations qui devraient rester unies pour défendre la culture menacée de toutes parts dans notre société. Tout en condamnant fermement cette exclusion — sans présager de poursuites ultérieures – le SNAC poursuit son engagement pour remplir les missions qui sont les siennes. Alors que le monde traverse une crise profonde, la défense du droit d’auteur, des auteurs et des autrices, s’avère un enjeu majeur pour la société. Cette défense a été, est, et sera toujours l’objectif central de l’action du SNAC. Le Conseil Syndical du Syndicat National des Auteurs et des Compositeurs Les vieilles pratiques autoritaires ressurgissent à la FNSAC, faites d’amalgame, de dénonciation, de calomnie, son 40e congrès ayant, après un réquisitoire déloyal et insolemment factieux, décrété l’exclusion de ses organes du SNAC, Syndicat National des Auteurs et des Compositeurs, créé en 1946 sous le régime de la loi des syndicats professionnels de 1884. En tant qu’assemblée de créateurs et de créatrices, on ne peut être que solidaire, pas aligné, pas aliéné, par des positions syndicales ou partisanes ; mais, en accord avec celles définies collégialement dans le cadre responsable de notre propre syndicat, auquel nous avons adhéré, le SNAC, dans lequel tout autant nous exigeons une liberté individuelle absolue de conscience. Le SNAC a mené solidairement et syndicalement les combats pour les créateurs et créatrices, pour la défense et pour la préservation de leur liberté d’action, de leurs acquis, pour le respect de leurs droits tant moraux que financiers. Ce combat n’était pas porté directement par la FNSAC, mais par le SNAC, à laquelle il était affilié depuis 1946, c’est-à-dire : lié mais indépendant. Et cette liaison nous semblait naturelle avec une fédération de la CGT, car le créateur ou la créatrice n’est rien sans la reconnaissance de la société et ne peut être que solidaire des combats menés contre les systèmes d’oppression, d’asservissement des individus, travailleurs-travailleuses de tous métiers et auteurs-autrices de toutes disciplines. Mais celle-ci, prise d’un retour aux méthodes anciennes, s’est lancée dans une pratique hégémonique et partisane, impliquant la nécessité de nous écarter, de nous exclure, afin de nous remplacer par des organes qu’elle constituerait, non plus affiliés, mais dépendants, aux ordres. Pour parvenir à ses fins, la FNSAC s’est comportée comme un régime autoritaire, usant d’accusations sans preuves, de contre-vérités et de diffamation, cherchant à imposer, par des manœuvres politiciennes hors de tout respect syndical, notre élimination. Le syndicalisme, c’est lutter ensemble pour l’intérêt de ses mandants ; pas lutter les uns contre les autres pour l’intérêt d’un appareil. Cette exclusion est une dénaturation de l’esprit de solidarité et de compagnonnage syndical inacceptable. Cela ne sera qu’un accident grotesque et déraisonnable de l’histoire, car on nous trouvera toujours sur le chemin que nos camarades de 1946 ont ouvert dans une France de la Résistance, quand eux ne trouveront qu’impasse et corporatisme stérile. Le respect que nous devons à nos membres et à celles et ceux qui nous rejoindront en cette époque où leurs droits sont attaqués de toute part, nous oblige à affirmer que si nous regrettons cette lamentable et honteuse mascarade des responsables de l’appareil et cette rupture dans le combat solidaire que nous menions depuis 79 ans, elle nous renforce dans notre certitude de poursuivre, forts de nos différents groupements interdisciplinaires qui recouvrent l’entièreté du champ des pratiques de compositeurs-compositrices et d’auteurs-autrices, notre volonté et notre engagement à les défendre. L’ensemble de nos actions et de notre représentativité dans les différents organismes (Sécurité Sociale des Artistes Auteurs, AFDAS, TPLM, ASTP, CPE, BLOC, LaFA, Festival de Cannes, Coalition Française pour la Diversité Culturelle, AFPIDA, etc.) leur en donne les perspectives et les vecteurs. Contact presse : contact@snac.fr

Avenir du festival d’Angoulême : banc de brume et mer agitée

Actualités Avenir du festival d’Angoulême : banc de brume et mer agitée De nombreuses discussions entre les différents acteurs et financeurs de l’association du FIBD se sont tenues depuis la dernière édition du Festival de la bande dessinée d’Angoulême, avec pour objectif de clarifier sa situation et d’assurer l’avenir de cet événement phare de notre secteur. Dans cette perspective, le SNAC relaie la voix des auteurices au sein de l’ADBDA (Association pour le développement de la BD à Angoulême). En effet, depuis la création de l’ADBDA en 2017, le groupement BD du SNAC interpelle toutes les institutions décisionnaires, qu’elles soient publiques ou privées, pour leur faire part des volontés des auteurices. Pour mémoire, nous avons notamment obtenu, dans ce cadre, la parité des jurys, la désignation du Grand Prix par les auteurices et surtout la rémunération de leurs heures de dédicace. Aujourd’hui, sans relâche, nous travaillons – entre autres – pour une meilleure prise en compte de la lutte contre les violences et harcèlements sexistes et sexuels, ou encore pour une juste rémunération des expositions. En aucun cas, et cela a été maintes fois répété aux membres de l’ADBDA, le SNAC n’entend se substituer aux auteurices quant à leur volonté individuelle de participer ou non à la prochaine édition du Festival. Nous avons indiqué lors de ces nombreuses réunions que la décision des auteurices serait de toute évidence influencée par le choix final de la structure, du prestataire et de son représentant qui seront à l’avenir en charge du Festival. Les initiatives portées par les auteurices pour permettre un déroulement plus serein de cet événement ont permis une évolution du projet initialement conçu par l’association du FIBD pour les années qui viennent. C’est avec détermination que le groupement BD du SNAC s’est engagé depuis plusieurs mois à les défendre et poursuit ses efforts pour que soit mis en place avant la prochaine édition un Festival apaisé. Beaucoup de questions restent néanmoins en suspens à ce jour et notre mobilisation massive est aujourd’hui indispensable pour que le Festival réponde à nos aspirations. Ainsi, un boycott n’est en aucun cas exclu s’il s’avérait que nos demandes répétées depuis plusieurs mois venaient à ne pas être entendues dans les meilleurs délais. Dans cet objectif commun, le groupement BD du SNAC se montre extrêmement vigilant concernant le processus en cours de mise en concurrence dont dépend l’avenir du Festival. Un processus qui se doit d’être le plus neutre, équitable et transparent possible. Le Groupement BD du SNAC Dessin de Marc-Antoine BOIDIN, dessinateur de bande dessinée, responsable du groupement BD du Snac.

Retraite des artistes-auteurs : 14 organisations alertent les ministres

Actualités Retraite des artistes-auteurs : 14 organisations alertent les ministres Dans cette lettre ouverte, le Snac se joint à d’autres organisations d’auteurs pour signaler aux ministres les graves dysfonctionnements affectant la retraite des artistes-auteurs. Nous décrivons notamment l’inefficacité du dispositif de régularisation des cotisations passées, les retards et erreurs dans le traitement des dossiers, ainsi que les inégalités territoriales dans l’application des règles. Nous appelons à une coordination renforcée entre les organismes concernés et à une prolongation du dispositif au-delà de 2027. Télécharger la pièce jointe

La décision de geler le budget du Pass Culture : Une pure maltraitance institutionnelle – par Marie Lhuissier

Actualités La décision de geler le budget du Pass Culture : Une pure maltraitance institutionnelle – par Marie Lhuissier, autrice et conteuse. Je suis autrice et conteuse, j’ai écrit et je joue un spectacle de contes pour lequel une musique originale a été composée, qui tourne principalement en collège, et dont le financement se fait quasi exclusivement via le Pass Culture. Les représentations de ce spectacle constituent la très grande majorité de mes revenus, à la fois en tant qu’intermittente du spectacle et en tant qu’autrice. Le jeudi 30 janvier à 18 h, j’ai reçu un mail du Pass Culture, me prévenant que : « Dans une situation budgétaire inédite, le ministère de l’Éducation nationale doit maintenir strictement le budget alloué à la part collective du Pass Culture. Pour assurer la réalisation d’actions jusqu’à la fin de l’année scolaire 2024-2025 et afin de préserver la possibilité d’initier des actions à la rentrée 2025, un plafond de dépenses a dû être fixé pour la période janvier-août 2025. Dès l’atteinte de ce plafond, fixé à 50 millions d’euros, il ne sera plus possible d’effectuer de nouvelles réservations au titre de l’année scolaire 2024-2025. » Avec ma compagnie, nous avions onze dates dont l’organisation était quasi finalisée et qui devaient être financées par le Pass Culture, dont quatre dans le cadre de semaines de tournée loin de chez nous. Il faut savoir que les collèges étaient censés disposer en 2024-2025 de 25 € par élève. La plupart ont affecté ce budget aux différents projets portés par les enseignants en novembre. Ils ont veillé à ce qu’il soit équitablement réparti entre les niveaux, et entre les disciplines. Les enseignants avec qui nous échangions préparaient donc nos interventions depuis novembre au plus tard, souvent dès septembre. À la lecture du mail, nous nous sommes dépêchés de créer sur Pass Culture, le soir même, toutes les offres correspondantes. Finalement, le vendredi 31 janvier à 17 h, soit 23 h plus tard, j’ai reçu un second mail m’informant que : « Le budget alloué à la part collective du Pass Culture a été intégralement engagé. Dans une situation budgétaire inédite, le ministère de l’Éducation nationale doit maintenir strictement le budget alloué à la part collective du Pass Culture. Le plafond de dépenses fixé pour la période janvier-août 2025 (50 millions d’euros) ayant été atteint, les réservations pour de nouvelles offres sont suspendues. Les établissements scolaires n’ont donc plus la possibilité de réserver des offres collectives payantes au titre de l’année scolaire 2024-2025. Les propositions actuellement en attente de confirmation seront automatiquement annulées. » Nous ne saurons jamais pourquoi, mais les trois offres créées par ma doublure pour les dates qu’elle devait assurer ont été publiées sur la plateforme et ont pu être réservées ou pré-réservées. Les huit que j’avais créées moi-même (même compagnie, mêmes propositions, même description, même prix) ont toutes été automatiquement « mises en instruction », pour finalement être rejetées quatre jours plus tard. Huit dates se trouvaient donc sans financement. – Une seule a pu être maintenue au prix initial, grâce à une enseignante et une proviseure engagées, sur les fonds propres de l’établissement. – Quatre sont annulées. Parmi celles-là, deux faisaient partie de semaines de tournée, et avaient à ce titre une part de défraiements transport et hébergement qui n’est plus prise en charge. – Deux sont maintenus à 60 % du prix initial, soit à un tarif à perte pour la compagnie, mais préférable à une annulation pure et simple (à cause du fait qu’elles se trouvent au milieu de semaines de tournée). 
– Une reste en suspens, l’enseignant de primaire qui l’organise prévoyant de rechercher à nouveau des financements pour ce projet qu’il ne veut pas abandonner. Outre les heures passées à communiquer avec les enseignants pour essayer de trouver des solutions financières et logistiques, nous avons donc subi des pertes financières : – Le musicien qui m’accompagne et moi avons perdu quatre à cinq journées de travail chacun, soit autant de cachets – importants pour nos droits à l’intermittence. – Sur les deux semaines de tournée qui sont maintenues envers et contre tout, notre compagnie perd 20 % de ses revenus. – Avec le compositeur des musiques du spectacle, nos revenus d’auteurs sont également grevés. En effet, les pertes dues aux dates annulées ou maintenues à moindre coût représentent un peu plus de 1 000 € au total, soit ~25 % de nos revenus d’auteurs entre mars et juin. La brutalité avec laquelle la décision de geler le budget du Pass Culture a été prise et imposée a ainsi des conséquences lourdes sur la compagnie et les artistes qu’elle emploie (sans même parler des enseignants, du respect de leur travail et des projets pédagogiques et culturels qu’ils et elles organisent souvent sur leur temps personnel, et des élèves privés de ces projets). Au-delà même de la question de savoir si le contexte actuel nécessite des coupes dans le budget de la culture, et plus précisément dans la partie collective – celle qui profite à tous les jeunes – il est clair qu’une grande partie des dommages subis aurait très bien pu être évitée par une communication claire, faite en avance, et constante. Les coupes budgétaires sont des choix politiques qui se discutent, mais la temporalité choisie pour les annoncer et les mettre en œuvre est une pure maltraitance institutionnelle.

Une journée autour du documentaire radiophonique – Un entretien avec Simone Douek

Actualités Une journée autour du documentaire radiophonique – Un entretien avec Simone Douek, présidente d’honneur du Snac, autrice de radio, représentante du groupement « Audiovisuel » « Écrire la radio », comme « écrire un livre », avec un complément d’objet transitif. Ce n’est pas écrire pour la radio. Écrire pour la radio, c’est par exemple écrire une fiction ou une chronique ; on écrit un texte au stylo sur un papier avant de le faire entendre à la radio, soit lu par une voix nue, soit entendu après avoir reçu un traitement particulier de réalisation et de mise en onde. Mais « écrire la radio » c’est autre chose. Pensons à l’image de la page blanche sur laquelle s’inscrivent des caractères ; dans le cas de la radio, la page, on ne peut ni la toucher ni la voir. Pourtant sur cet espace impalpable s’inscrit et prend une existence physique ce que l’on entend, qui s’adresse à l’un de nos sens, l’ouïe, comme le livre s’adresse à la vue. Ensuite, l’œil ou l’oreille, dérivant, nous emmènent dans des mondes où ni le son n’est absent du roman, ni la vision ne manque à notre écoute des sons. À la radio on fait le choix de construire un objet esthétique à partir de rien, et cette démarche concerne tout particulièrement le documentaire. Bulletin des Auteurs – Vous allez proposer une journée consacrée au documentaire radiophonique. Simone Douek – Le groupement « Musiques contemporaines » du Snac organise les journées « Musique & Créations », le groupement « Musique à l’image » participe au Forum itinérant de la Musique à l’image, le groupement « Bande dessinée » est à l’initiative de la journée autour des Dérives comportementales, le groupement « Audiovisuel » pourrait inaugurer une journée professionnelle autour de l’écriture du documentaire radiophonique, que le public connaît mal. Cela complètera l’exploration qu’a commencé à mener le Snac de nos divers métiers, qui font la richesse du syndicat. Durant cette journée, nous aimerions donner la parole aux autrices et auteurs radiophoniques, et faire connaître leur mode d’écriture et ses particularités. D’où notre thème : « Écrire la radio. » B.A. – Quels sont les outils d’écriture ? S.D. – Le son, qui est composé des voix, du paysage sonore, de la musique, des textes, des documents d’archives, sans oublier le silence – le silence est toujours habité – et le son le perçoit. Tous ces éléments sont tissés entre eux. Le nœud de l’écriture sonore, c’est le montage. Écrire un documentaire, ce n’est pas seulement donner une information. Le documentaire part du réel, mais le réel est transformé en objet esthétique par l’écriture radiophonique. Si nous prenons comme exemples des documentaires de 1 h 30, « Une vie, une œuvre », « Les mardis du cinéma », « La matinée des autres », « Surpris par la nuit » nous devons toujours trouver un équilibre entre les différents éléments. Au-delà de ce qui est dit, la voix d’une personne est révélatrice, d’une personnalité, d’une émotion. Le son est lui-même une voix, au sens où le son, lui aussi, exprime quelque chose, au même titre qu’une personne qui parle. Dans le premier des quatre documentaires que j’avais consacrés aux « Cinémas de campagne » pour « Surpris par la nuit », qui s’intitulait « Au commencement », le début de la pièce sonore mêle des voix, des situations sonores, des sons, s’inscrivant dans l’idée du commencement. Nous sommes dans la cabine de projection, alors non numérique, où le projectionniste explique à une débutante le fonctionnement du projecteur. Il insère la boucle du film au début de sa trajectoire, nous entendons le son du projecteur, les bruits de la salle qui nous parviennent, le son du film qui débute – le générique parlé du début du Mépris. Toutes ces voix qui s’entremêlent avec les ambiances créent des résonances entre les différents éléments, des renvois de sons et de sens. Tout s’imbrique, en tentant de créer un équilibre qui fait sens. La réalité s’écoute autrement. B.A. – Comment une archive prend-elle sa place dans un documentaire ? S.D. – Il y a de nombreuses manières d’utiliser une archive. Elle peut intervenir comme une mémoire, qui donne une profondeur, ou par exemple être greffée dans une conversation entre personnes vivantes, comme dans le documentaire sur Roger Caillois, comme si la personne disparue participait à la conversation. En préparant un documentaire sur Van Gogh, je suis tombée sur une archive de Georges Charensol, qui s’entretient en 1953, dans son émission « l’Art et la Vie », avec les filles de l’aubergiste M. Ravoux à Auvers-sur-Oise, chez qui Van Gogh a passé les derniers mois de sa vie. Les sœurs Ravoux étaient encore de ce monde, et ont directement connu Vincent Van Gogh. Dans une langue incroyablement soutenue, Adeline Ravoux y raconte le dernier jour de Van Gogh. Cette archive, que j’ai insérée, est comme un maillon qui nous met quasiment en présence de Van Gogh. B.A. – Et les autres éléments ? S.D. – Les ingénieurs du son ont des trésors dans leur sonothèque personnelle, qu’ils peuvent nous proposer, mais la plupart du temps, afin de préserver l’unité sonore du documentaire, les paysages sonores sont enregistrés au même endroit et au même moment que les voix. Un paysage sonore peut être écouté en tant que tel, et tenir son rôle dans la narration. Les textes peuvent être ceux des auteurs qui sont le sujet du documentaire, comme par exemple, quand il s’agit de la Renaissance, des extraits de Les Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes, de Giorgio Vasari. J’évite que les musiques soient en lien direct avec le sujet, telle une musique de la Renaissance qui viendrait appuyer un sujet sur la Renaissance. Je préfère installer un climat sonore. On aimerait parfois commander une musique à un compositeur, mais les budgets ne nous le permettent pas, la plupart du temps. Dans le documentaire sur Piero della Francesca, j’ai choisi une musique d’Arvo Pärt, un compositeur lituanien contemporain, dont la musique contemplative se marie parfaitement au sujet. Un tel enrichissement crée une ambiance, et fait partie de l’écriture. B.A. – Qu’en est-il du montage ? S.D. – Le montage est une étape essentielle. Monter un entretien,

Un code des bonnes pratiques pour l’IA ? – Un entretien avec Nicole Pfister Fetz

Actualités Un code des bonnes pratiques pour l’IA ? – Un entretien avec Nicole Pfister Fetz, Secrétaire générale de « European Writers’ Council (EWC)». Nicole Pfister Fetz a été durant seize années Secrétaire générale de A*dS, l’association des autrices, auteurs, traductrices et traducteurs littéraires suisses. Depuis le 1er juillet 2023, elle occupe le poste de Secrétaire générale de la Fédération des associations européennes d’écrivains (EWC). Bulletin des Auteurs – Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est le « Code of Practice » ? Nicole Pfister Fetz – L’article 56 de l’« EU Artificial Inteligence Act » (EU AI Act), la loi européenne sur l’IA, prévoit ce « Code of Practice », ou code des bonnes pratiques, qui précise la manière dont les fournisseurs de l’IA, c’est-à-dire les entreprises qui développent les modèles d’IA à usage général, ou IA générative, par exemple « ChatGPT », « Gemini », etc., qui se nourrissent du matériau des œuvres publiées et ne pourraient exister sans ce matériau, peuvent se conformer à leurs obligations au regard de la loi sur l’IA. Il existe aussi des fournisseurs de modèles d’IA qui présentent des risques systémiques, dans les domaines de la sécurité, surveillance, médecine, climat, etc. Ce « Code of Practice » est proposé à la signature des seuls fournisseurs. Les fournisseurs ne sont pas obligés de signer ce code. Ce n’est qu’une recommandation. Le signer est un moyen pour les fournisseurs de montrer la conformité des modèles qu’ils offrent à la loi sur l’IA. Les obligations auxquelles s’engagent alors les fournisseurs concernent les droits d’auteur, la transparence, la catégorisation entre modèles d’IA générative et modèles à risques systémiques, et la réduction de ces risques, enfin la bonne gouvernance des bases de données. Sur ces quatre thèmes se sont constitués quatre groupes de travail, qui participent à l’élaboration du « Code of Practice ». Ce Code des bonnes pratiques n’est qu’un chapitre des différentes mesures à prendre pour que la loi sur l’IA entre en fonction. En août 2024 le Bureau de l’IA, qui est lié à la Commission européenne, a ouvert le processus pour construire le « Code of Practice » à qui souhaitait y participer. Environ mille organisations et personnes individuelles ont répondu. Les personnes individuelles ont déclaré être des experts et des académiciens qui ont une compétence particulière dans le domaine de l’IA. Sur ces mille organisations et experts, seulement 6 % sont des organisations qui représentent les auteurs, leurs ayants-droit, les sociétés de gestion collective, les éditeurs, les producteurs, etc. Seulement 5 % des mille sont des organisations qui viennent de la société civile, qui défendent les droits humains. 13 % représentent les fournisseurs de l’IA ou autres entreprises technologiques. 30 à 40 % sont des experts indépendants. 30 % enfin sont des académiciens. Un problème est que nous n’en savons pas plus sur les participants. Plusieurs organisations ont fermement demandé que soit opérée une transparence sur la personnalité des participants. La liste des organisations a alors été publiée. Mais jusqu’à aujourd’hui on ne sait absolument pas qui sont les 60 % des personnes individuelles. Pendant le processus nous avons appris que les fournisseurs et experts individuels présents dans ces groupes de travail ne viennent pas seulement d’Europe. Plusieurs viennent des États-Unis. Il y a aussi des experts individuels et « indépendants » qui sont directement liés avec les fournisseurs de l’IA. B.A. – Comment sont gérés tous les avis émis par ces mille participants ? N.P.- F. – Au début du processus tous les participants devaient s’inscrire pour chacun des quatre groupes de travail et pour les séances plénières. La personne en titre, d’une organisation ou individuelle, ne peut être remplacée par une autre en cas d’empêchement. Notre organisation EWC dispose de trois personnes qui participent à ces quatre groupes de travail. De plus, il y a un groupe de travail qui est ouvert exclusivement aux grands fournisseurs de l’IA, qui ont ces séances supplémentaires. L’EWC et autres organisations ont demandé un calendrier prévisionnel des dates de réunion des groupes de travail. Depuis, on a reçu un calendrier avec les semaines mentionnées avec des délais pour envoyer les réactions et des séances des groupes de travail, mais pas d’informations en détail, ni les dates précises. Au mieux juste une ou deux semaines en amont, on reçoit une invitation à participer à une réunion de son groupe de travail, sur la base du document qui nous a été communiqué. Il faut être très flexible pour pouvoir se libérer. On peut alors soumettre sur une plateforme numérique, dans un certain délai, des demandes, sur la base de ce document. On peut également soumettre une demande de prise de parole durant la séance, qui ne peut durer plus de deux minutes. Sur la plateforme, on ne voit pas qui va parler lors de la séance et on peut même soumettre une question de manière anonyme. Avant la séance tous les participants d’un groupe de travail peuvent voter des questions avec pouce vers le haut. Seules les dix questions ayant obtenu le plus de voix recevront une réponse lors de la séance. Mais comme nous ne savons pas qui participera à la réunion, il n’est pas possible de se concerter ou de se coordonner avant. Avant la toute première séance, nous avons dû poser les questions et demander une prise de parole avant même d’avoir eu l’occasion de lire le document dont il allait être débattu. Les séances suivantes, souvent cela n’a guère été mieux. On peut faire part d’une réaction, chaque fois sur la base d’un projet du « Code of Practice » à la suite des réunions de groupe de travail, mais dans un espace de deux à trois semaines au maximum. C’est un travail immense, très technique. Les petites organisations n’ont pas les moyens d’employer une personne à cette tâche. Par contre, parmi les personnes individuelles, il y a aussi des avocats liés aux grandes entreprises de l’IA, ou des représentants des universités qui sont presque uniquement engagés par de grandes entreprises américaines, ceux-là ont des cabinets derrière eux qui préparent leurs interventions ou leurs réactions. Ce processus n’est pas très démocratique. Il crée un déséquilibre immense en faveur de l’industrie de l’IA. Face