Rapport moral du président, François Peyrony pour le Bulletin des auteurs n°162 de Juillet 2025 dédié à l’Assemblée Générale du Snac

Actualités Rapport moral du président, François Peyrony pour le Bulletin des auteurs n°162 de Juillet 2025 dédié à l’Assemblée Générale du Snac Bonjour à toutes et tous, et merci d’être présents à notre Assemblée Générale. Merci à la SCAM, Société civile des auteurs multimédia, de nous accueillir dans ses locaux, et merci à celles et ceux du SNAC, membres ou salarié.e.s, qui ont rendu cette AG possible. Après lecture, ce rapport moral sera soumis au vote de l’AG, précédé d’une discussion. Un syndicat vivant et fier d’exister : voici ce que devrait refléter cet après-midi ensemble. En fait, une Assemblée générale ordinaire ne l’est jamais, ordinaire. C’est d’abord un moment de convivialité, où chacun et chacune peut retrouver des connaissances trop peu croisées tout au long de l’année passée. C’est aussi l’occasion de remettre le syndicalisme au centre du jeu, dans tout ce qu’il représente, de combats comme de fraternisations, de victoires comme de défaites, de fluidité comme de cafouillages. Afin de ne pas être long, venons-en au fait et rentrons dans le vif du sujet par le rappel des valeurs du SNAC. 1 – Rappel des valeurs Ce premier point est fondamental, car le respect des valeurs du SNAC doit être en filigrane de toute action et toute communication de sa part ; il est donc bon, et même vivifiant, de les rappeler. L’article 3 des statuts du SNAC dit ceci : « le syndicat national des auteurs et des compositeurs a pour objet d’assurer, dans tous les domaines, en toutes circonstances et par tous moyens utiles, l’étude et la défense des droits moraux et matériels des auteurs et des compositeurs, tant collectifs qu’individuels » ; c’est la raison d’être du SNAC, son essence. Dans son document public, intitulé « Les fondamentaux du SNAC », le Syndicat précise ceci : [le SNAC] agit seul, ou aux côtés de toutes sociétés, associations, syndicats poursuivant les mêmes objectifs de défense des intérêts des auteurs. […] Le SNAC privilégie […]systématiquement le dialogue et la concertation. Quelle que soit l’origine de ses financements, publics ou privés, le Syndicat agit en toute indépendance. Il affirme librement et sans ambiguïté les intérêts qu’il soutient ou défend, sans sectarisme, dogmatisme ou invective. Le versement d’une aide ou d’une subvention n’est jamais conditionné par une éventuelle « complicité » d’intérêts, un devoir de réserve, ou le respect de telle ou telle ligne politique. […] Le SNAC ne saurait rester silencieux, sur tout sujet professionnel posé par ses adhérents ou qui doit être mené dans l’intérêt de la collectivité des auteurs représentés par lui. Le rapport de la Commission de contrôle vous permettra de savoir si ces valeurs ont été respectées cette année. 2 – Contexte L’année 2024-2025 a été particulièrement mouvementée, comme rarement depuis la création du SNAC en 1946. Déménagement de nos locaux historiques de la Rue Taitbout, avec tous les soucis liés à toute opération de ce type Prise en main effective de la part de notre déléguée générale Maïa Bensimon, seule aux commandes depuis un peu plus d’un an, suite au départ à la retraite — après trente ans de maison ! — d’Emmanuel de Rengervé Un nouveau président depuis la dernière AG, après 4 années de présidence de Bessora Une nécessaire et urgente refonte du fonctionnement interne de l’administration du syndicat De nombreuses situations conflictuelles nées de la diminution du budget de l’État dans le domaine de la Culture, tous secteurs confondus La vitesse de croisière atteinte par la propagation de l’Intelligence Artificielle, avec son lot de profondes problématiques liées au Droit d’Auteur Cette liste est non exhaustive, et d’autres sujets seront évoqués plus loin dans ce rapport, ou d’autres rapports, qui vous seront lus plus tard dans l’après-midi. Le SNAC a cependant, et on peut s’en réjouir, tenu bon malgré les épreuves, et il en sortira renforcé au bout du compte, n’en doutons pas ! 3 – Rapports avec l’extérieur Dans le cadre de ses statuts, le SNAC a été présent aux travaux de nombreux organismes, conseils, tutelles, commissions professionnelles : Sécurité Sociale des Artistes-Auteurs 2S2A, Assurance Formation Des Activités du Spectacle AFDAS, Conseil Supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique CSPLA, Centre National de la Musique CNM, Centre National du Livre CNL, European Composers and Songwriters Alliance ECSA, European Writers Council EWC, Conseil Permanent des Écrivains CPE, Association pour le soutien du théâtre privé ASTP, Bureau de liaison des Organisations du Cinéma BLOC, entre autres. La lecture du Rapport d’Activité, point suivant à l’ordre du jour, permettra de rentrer dans le détail des actions menées cette année. La seule ombre au tableau au sujet des rapports du SNAC avec l’extérieur, concerne les relations entre le SNAC et la Fédération nationale des syndicats du spectacle, du cinéma, de l’audiovisuel et de l’action culturelle — communément appelée CGT-Spectacle —, à laquelle le SNAC est affiliée depuis qu’il a été créé. Une procédure d’exclusion du SNAC de la Fédération a été initiée en avril, et est actuellement en cours ; il est à noter que le Conseil Syndical s’est opposé à cette procédure d’exclusion dès qu’il en a eu connaissance, et devrait continuer à le faire par tous les moyens légaux mis à sa disposition ; le rapport d’activité vous en dira plus. 4 – Remerciements Un syndicat doit en premier lieu sa vitalité aux membres qui le composent, et notamment à celles et ceux qui donnent de leur énergie et de leur temps, afin d’être présents dans les nombreuses réunions au sein des huit groupements, des commissions internes, et de toutes les réunions externes ; un grand merci à toutes et toutes ! Le SNAC remercie également toutes les personnes et tous les organismes qui participent financièrement à son fonctionnement : en tout premier lieu, ses adhérents et bien sûr les financeurs publics et privés qui lui font confiance : par ordre alphabétique, l’ADAGP Société des auteurs dans les arts graphiques et plastiques, la DGCA direction générale de la Création artistique, la DGMIC direction générale des médias et des industries culturelles, la

Saison volcanique – par François Peyrony, compositeur.

Actualités Saison volcanique – par François Peyrony, compositeur. Bienvenue dans ce nouveau Bulletin des Auteurs du Snac, le numéro 161 ; promis, le numéro 200 sera exceptionnel ! Cette publication est concoctée avec talent par Xavier Bazot, et pilotée avec gourmandise par Maïa Bensimon, la déléguée générale du syndicat. De nombreux sujets y sont abordés – ce ne sont pas les sujets qui manquent, mais le temps nécessaire pour les traiter tous. À propos de temps, parlons du temps qu’il fait ; parlons des saisons. Cet hiver, je me suis retrouvé à rouler sur une route envahie d’un brouillard très épais. Cette expérience m’a fait penser à ce que ressentent les auteurs débutants lorsqu’ils commencent leur métier. Sans GPS, sans carte, avec seulement la vague conscience qu’il existe quelque part, sur la route, un village ou une ville qui pourrait les accueillir. À chaque embranchement se pose la même question : quelle direction prendre ? Il suffit que les deux routes proposées soient d’égale largeur, sans aucun panneau indicateur, pour que le choix de l’une ou de l’autre ne soit que le fruit du hasard ou de l’intuition. Et lorsqu’au détour d’un virage, on découvre enfin le panneau d’une commune, on ne sait pas s’il s’agit d’un simple village, d’un gros bourg ou de la périphérie d’une capitale. L’auteur qui se professionnalise passe de l’hiver au printemps, puis à l’été, cette saison de pleine lumière qui pourrait métaphoriquement correspondre au succès, fût-il modeste. On sait que les Anglais ont une vision optimiste de l’été dans leur contrée ; ils disent : « Nous avons eu de la chance cette année, l’été est tombé un week-end. » Le succès parfois est éphémère. Et quand l’automne arrive, le brouillard peut de nouveau s’installer. À chaque virage – retraite, maladie, précarité, à chaque embranchement de ces routes inexplorées, il manque de nombreux éléments pour être certain de prendre la bonne direction. Le syndicat met à votre disposition, autrices et auteurs, afin de vous guider et de rendre votre route plus sûre : de puissants antibrouillards, ainsi que le dégivrage, le chauffage automatique, des astucieux rabats qui protègent du soleil direct, l’antipatinage, la roue de secours, le kit d’entretien, et bien évidement le GPS ! À jour ! Allons, foin de cette métaphore automobile. Réjouissons-nous plutôt : nous sommes au printemps ! Comme chaque année, va avoir lieu la manifestation appelée Le Printemps des Poètes*. C’est probablement le plus beau nom existant pour un tel événement. Tous les poètes sont des auteurs ; tous les auteurs sont-ils des poètes ? Oui, on peut dire de la musique d’un compositeur qu’elle est poétique, tout comme on peut qualifier de poétique le dessin d’une illustratrice. Mais qu’est-ce qu’être poète ? Qu’est-ce que la poésie ? Un regard particulier sur les choses ? Une sensibilité exacerbée au service d’un art précis et délicat ? Le poète est-il toujours un visionnaire ? Le mot poésie provient du verbe grec « poiein », qui signifie « créer » ; alors, tous les auteurs sont des poètes. C.Q.F.D. Chaque année, le Printemps des poètes met en avant un thème particulier sur lequel il est possible de créer, selon son inspiration et son medium favori. L’année dernière c’était « La grâce », et cette année c’est « Volcanique ». Alors allons-y, sortons crayons, pinceaux, gommes, plectres, roseaux, gestes et voix : poétisons le volcan. Volcanique. Le printemps est aussi la saison des révolutions. Au fil de l’Histoire, on retrouve le Printemps de Prague, le Printemps arabe, Mai 68, les manifestations de la place Tian’anmen, et cet événement qui traditionnellement marque le début de la Révolution française, l’ouverture des États généraux le 5 mai 1789. Toutes les tensions accumulées durant l’hiver, froid, famine, chômage saisonnier, peuvent exploser au retour des beaux jours et de l’espoir d’une vie meilleure. Et jamais peut-être ne se sont autant rencontrés printemps, révolution et poésie, qu’autour de la Commune et du « Temps des cerises » – paroles de Jean-Baptiste Clément, musique d’Antoine Renard. Malheureusement, « Il est bien court, le temps des cerises », le temps « où l’on s’en va deux, cueillir en rêvant, des pendants d’oreilles ». En ce printemps 2025, on nous dit : « la guerre, la guerre ». C’est au sortir de la Première Guerre mondiale que Jacques Prévert, ce poète magnifique, écrit dans son poème « Le temps des noyaux » : Soyez prévenus vieillards / Soyez prévenus chefs de famille / Le temps où vous donniez vos fils à la patrie / Comme on donne du pain aux pigeons / Ce temps-là ne reviendra plus / Prenez-en votre parti / C’est fini […] Hélas, le poète n’est pas toujours un visionnaire, […] Les enfants que vous portiez sur vos épaules / Vous les avez laissés glisser dans la boue tricolore / Dans la glaise des morts […]** mais la poésie, parfois, se passe de commentaires… * https://www.printempsdespoetes.com/ ** https://www.wikipoemes.com/poemes/jacques-prevert/le-temps-des-noyaux.php

Pan narrans – par François Peyrony, compositeur.

Actualités Pan narrans – par François Peyrony, compositeur. C’est la rentrée ! Pour le Snac, de nouveaux locaux, plus petits certes, mais sans planchers ni portes qui grincent. Sans histoire non plus, autre que l’à venir. Nous n’avons pu récupérer, superficie oblige, la grande et massive table de réunion, qui avait dû en entendre de belles durant toutes ses années d’exercice. Seul témoin du passé de luttes syndicales, de réflexions profondes et de franche camaraderie, le mur de photos des ancien.ne.s président.e.s sera reconstitué. Je me pose une question : les photos en couleur passent-elles en noir et blanc au fil du temps ? La rentrée, c’est aussi ce nouveau « Bulletin des Auteurs », toujours concocté avec soin par Xavier Bazot et Maïa Bensimon, et enrichi par les nombreuses contributions. Il se veut le miroir de la variété de nos activités syndicales, de nos différents groupements, de la vigilance et la persévérance que le Snac se doit d’avoir dans ce monde en perpétuelle évolution. Le Bulletin des Auteurs s’ouvre toujours par un éditorial de la présidence. Pour ce premier du genre en ce qui me concerne, j’aimerais vous dire un conte. Car, comme l’ont écrit deux scientifiques et vulgarisateurs anglais, Ian Stewart et Jack Cohen, plutôt qu’être Homo sapiens, l’humain sage – si tant est que nous le soyons, sages –, nous serions, au regard de l’évolution, Pan narrans, le singe qui raconte. Les auteurs et autrices racontent des histoires, qui avec des mots, qui avec des images, qui des notes de musique, des matières, des tissus, ou toute autre sorte de medium. Et ces histoires nous transforment, nous bouleversent, nous meuvent et nous émeuvent. Elles nous rendent un peu plus lucides, un peu plus pertinents ; un peu plus libres. Voici ce conte, qu’on m’a dit conte chinois. Vous connaissez le proverbe : « Quand le sage montre la Lune, l’idiot cite un proverbe chinois. » Ici, la chinoiserie n’est avérée que par la présence de baguettes d’un type particulier. Mais peut-être que l’auteur est français, ou l’autrice ougandaise, ou le collectif d’auteurices turkmène. C’est cela la liberté de l’auteur, la licence poétique : nul besoin d’être chinois pour écrire un conte chinois ! Bref. Il était une fois (comme il convient) un homme qui marchait dans une forêt obscure. Soudain, il distingue au loin la lueur d’une clairière, et s’y dirige à grands pas. En débouchant dans la clairière, quelle n’est pas sa surprise de voir des dizaines de personnes attablées autour d’un somptueux buffet ; rien ne manque, plats variés et appétissants, denrées rares, – et il y a même du sans gluten. Pourtant ces gens ne mangent pas, bien qu’ils aient l’air affamé en plus d’avoir l’air triste. L’explication est évidente : les baguettes dont disposent les convives mesurent deux mètres de long ; il leur est donc impossible de se nourrir. Le voyageur décide de les abandonner à leur triste sort, et reprend sa route dans la forêt obscure… Soudain, il distingue au loin la lueur d’une clairière, et s’y dirige à grands pas. Et plus il s’approche, plus il entend des rires, des chants, tout un brouhaha joyeux. En débouchant dans la clairière, quelle n’est pas sa surprise de voir des dizaines de personnes attablées autour d’un somptueux buffet ; rien ne manque, plats variés et appétissants, denrées rares, – et il y a même du sans gluten. Tout le monde a l’air heureux, et repus. « Et les baguettes ? », me direz-vous : bien entendu, elles mesurent deux mètres de long, comme dans la première clairière. Cependant, au lieu d’essayer en vain de s’en servir pour soi, les convives s’en servent pour nourrir celles et ceux qui sont en face d’eux, de l’autre côté de la table. Toute histoire n’a pas forcément de morale, ou bien celle-ci peut être ambiguë, paradoxale, voire dérangeante. On pourrait, de ce conte-ci, tirer deux morales assez différentes quoique complémentaires. – La première serait de penser que ce que dit cette histoire, c’est qu’il faut s’aider les uns les autres, que le bonheur réside dans la prise en compte de l’autre, que sans l’autre nous ne sommes rien. L’Autre, avec un « A » majuscule, est au centre de la démarche syndicale. Souvent on adhère parce que l’Autre nous fait du mal, et qu’on compte sur d’autres Autres, les syndicalistes, pour nous aider. En écrivant cela, je me rends compte de la proximité orthographique entre Autre et Auteur ; peut-être une piste pour un prochain édito ? – La deuxième morale me semble moins convenue et plus subtile. Voyez plutôt : dans les deux clairières, il y a exactement les mêmes éléments. Ce qui les différencie, c’est comment les humains présents décident de les utiliser. La première clairière est disharmonieuse, la seconde est harmonieuse. Les humains de la seconde ont compris, grâce à l’intelligence, ou l’amour, ou toute autre vertu positive, à transformer la disharmonie en harmonie. Le monde est rempli de somptueux buffets et de baguettes de deux mètres de long. Les adhérents d’un syndicat sont aussi des concurrents : baguettes de deux mètres de long. Les auteurs sont indispensables à la création de productions, et sans les producteurs, les auteurs dépérissent : baguettes de deux mètres de long. La technologie aide le travail des auteurs, et peut mener à les faire disparaître : baguettes de deux mètres de long. Je pourrais multiplier les exemples, c’est un jeu facile à faire. D’ailleurs je vous encourage à communiquer ce que vous inspire ce conte, car, comme tout conte, il devrait pouvoir provoquer l’échange, la palabre. L’auteur, l’autrice, ne sont jamais aussi heureux que quand le fruit de leur travail, en plus de susciter l’émotion, déclenche l’échange, le partage, et rend le monde un peu plus harmonieux. François Peyrony Photographie de François Peyrony. Crédit : Nathalie Campion. Cet éditorial a été publié dans le « Bulletin des Auteurs » n° 159, en octobre 2024.