Le créateur d’un jeu de société est un auteur – Un entretien avec Olivier Mahy, co-président et Philippe Jaillet

Actualités Le créateur d’un jeu de société est un auteur – Un entretien avec Olivier Mahy, co-président et Philippe Jaillet, responsable de la Commission Contrats, de la Société des Auteurs de Jeux (SAJ). Bulletin des Auteurs – Les créateurs de jeux de société ont fondé une association pour la défense des auteurs de jeux. Pouvez-vous nous en parler ? Olivier Mahy – Nous l’avons créée en 2017 et elle compte actuellement 750 membres. Notre association est nationale, et même francophone, puisque des auteurs belges et suisses, qui peuvent avoir des contrats avec des éditeurs français, nous ont rejoints. Nous sommes tous bénévoles au sein de la Société des Auteurs de Jeux (SAJ), dont je suis co-président avec Audrey Bondurand. B. A. – Pouvez-vous nous dire en quoi consiste la création de jeux ? Olivier Mahy – Nous sommes auteurs de jeux de société, nous avons créé un jeu, qu’il soit édité ou non. Lorsque nous avons une idée, nous allons essayer de la concrétiser étape par étape pour aboutir à un prototype qui pourra être joué. Généralement il existe trois portes d’entrées pour avoir une idée de jeu : Le thème : partir d’un univers pour construire le jeu autour. La mécanique : partir d’une manière de jouer ou d’une combinaison d’actions à réaliser qui seront retranscrites dans les règles. Le matériel : partir d’éléments de jeux, qu’ils soient classiques ou originaux, pour être l’élément central dans le jeu. De plus en plus on voit apparaître une quatrième porte : l’émotion (joie tristesse, amour, peur, compassion, entraide…). Bien sûr ces portes peuvent communiquer entre elles et l’idée peut venir d’une combinaison de matériel et de thématique par exemple. Elles peuvent même venir d’une phrase, d’une action du quotidien, en marchant… Finalement, pour la création d’un jeu, contrairement au jeu lui même, il n’y a pas de règles ! Ensuite nous cherchons comment donner vie à notre idée et pour cela il existe autant de manières que d’auteurs ou autrices ! Quel que soit l’ordre, cela va passer par une ébauche de règles qui sera affinée au fur et à mesure des tests, de la recherche du matériel adapté, de l’ergonomie (du plateau, des cartes, des jetons…) afin de faciliter la lecture des actions possibles, l’iconographie également pour les mêmes raisons. Vient ensuite la phase de prototypage afin d’avoir un jeu jouable puisqu’il va maintenant falloir tester ce qu’on a imaginé pour s’assurer que tout fonctionne et faire des ajustements (de règles et/ ou de matériel). Une fois que le jeu semble bien fonctionner, on le fait jouer à des joueurs test pour avoir un maximum de retours et de situations de jeu différentes. Cette phase peut se faire avec des ami.e.s, de la famille ou dans nos collectifs de jeux régionaux. On peut éventuellement passer à l’étape des concours de prototypes lors des festivals dans lesquels il peut y avoir un jury professionnel et/ ou le public comme jury. Lorsque le jeu nous semble prêt, nous le présentons aux éditeurs lors de festivals, dans leurs locaux ou en visio. Le jeu va ensuite subir plusieurs tests s’il a suscité un intérêt lors de cette présentation. Si l’éditeur est toujours convaincu, il nous propose un contrat d’édition. Nous touchons un à-valoir (une avance sur les ventes) au moment de la signature du contrat. Puis le jeu va partir en développement, où des modifications peuvent être apportées, dans le cadre d’allers-retours avec l’auteur. Le prototype du jeu est alors amélioré, le matériel doit être de bonne qualité, agréable à jouer, et s’adapter au public visé. Si le jeu est destiné à des enfants, les éléments en seront plus gros pour faciliter la préhension, et devront répondre aux normes de sécurité. Le matériel choisi par l’éditeur va définir le coût final du jeu. Par ailleurs l’éditeur fait souvent appel à des illustrateurs, car l’image est importante pour rendre le jeu plus attractif et immersif. Le jeu part en fabrication et il est mis en vente via les différents réseaux. Quand les ventes commencent à être significatives, l’auteur du jeu touche des droits d’auteur proportionnels. Notre rémunération peut être annuelle, semestrielle, ou trimestrielle, selon les éditeurs. B. A. – La personne qui illustre est-elle considérée comme un coauteur ? Olivier Mahy – Il y a d’un côté ce que dit la loi et de l’autre la pratique, qui ne va hélas pas toujours dans le même sens. Dans tous les cas et d’après le Code de la propriété intellectuelle, l’artiste est auteur de ses oeuvres, en sa qualité d’artiste-auteur, mais pas co-auteur de la mécanique du jeu. À ce titre il est légalement censé être rémunéré de manière juste et proportionnelle, et donc percevoir des droits d’auteur. Mais pour certaines maisons d’édition, cette prestation est encore considérée comme « accessoire » donc non soumise aux droits d’auteurs (et donc sans nom de l’illustrateur sur la couverture), quand bien même elle participe à la qualité de l’objet final, et par extension joue sur l’acte d’achat. Dans le cas de cette interprétation avantageuse pour l’éditeur, l’illustrateur n’est que simple prestataire et facturera sous la forme d’un forfait, cession de droits incluse (ou pas, encore selon la bonne foi de l’éditeur). Le forfait fixe de prestataire ne devrait être proposé aux artistes que dans le cas où les illustrations ne seraient pas originales et personnelles, ce qui se trouve être une grande minorité des cas. B. A. – Quelle est la place du jeu de société en Europe ? Olivier Mahy – En Allemagne le jeu de société est très présent. Le principal prix qui distingue la création d’un jeu de société est le « Spiel des Jahres », de résonance internationale, très attendu par tous les joueurs et qui génère le plus de ventes. Philippe Jaillet – Le Spiel des Jahres serait l’équivalent de la fusion mondiale des prix Goncourt, Renaudot, Femina, etc. Remporter ce prix signifie entre deux cent mille et quelques millions de ventes. Olivier Mahy – En Allemagne, on offre traditionnellement le