Représenter le Snac à la Commission en charge de l’exception au droit d’auteur en faveur des personnes en situation de handicap – Un entretien avec Nathalie Nie, membre du groupement Lettres.

Actualités Représenter le Snac à la Commission en charge de l’exception au droit d’auteur en faveur des personnes en situation de handicap – Un entretien avec Nathalie Nie, membre du groupement Lettres. Bulletin des Auteurs – Qu’est-ce que la Commission en charge de l’exception au droit d’auteur en faveur des personnes en situation de handicap ? Nathalie Nie – La Commission, qui est une émanation du ministère de la Culture, a la charge de valider l’inscription de structures sur la liste des organismes bénéficiant de l’exception au droit d’auteur en faveur des personnes handicapées. L’agrément de ces organismes permet d’adapter librement ou de communiquer, sans autorisation des ayants droit ni contrepartie financière, des œuvres dans des formats accessibles pour les personnes empêchées de lire du fait d’un handicap. B. A. – Comment se déroule cette Commission ? N. N. – Avant d’aborder le travail de la Commission, je souhaite préciser que son origine remonte à2001, lorsqu’une « Commission nationale Culture-Handicap » avait été créée pour faciliter l’accès des personnes handicapées aux loisirs et à la culture. Au fil des années, la Commission a évolué du développement du sous-titrage et des dispositifs d’audiodescription vers l’organisation de rencontres « Art, Culture- Handicap ». Puis en 2016, trois grands chantiers ont été mis en place dans la lutte contre l’exclusion : priorité à l’accessibilité à l’audiovisuel public, aux nouvelles mesures en faveur de l’édition adaptée et du numérique et formation des professionnels de la culture. C’est en 2022 que la Commission nationale Culture-handicap devient la Commission en charge de l’exception au droit d’auteur en faveur des personnes en situation de handicap. B. A. – Quel est le rôle de la Commission ? N. N. – Son but était de rattraper le retard de la France. En effet, la création de la Commission suivait un constat que seulement 10 % des livres étaient en format adapté pour les handicapés. La Commission a d’abord mis en place des groupes d’étude et de travail auxquels participaient (entre autres) la Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC), l’Institut national des jeunes aveugles (INJA), le Comité interministériel du handicap[1](CIH), etc. B. A. – Qui participe à cette Commission ? N. N. – les ministères de la Culture,de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées. Le comité interministériel du Handicap (CIH) participe de manière ponctuelle. Les institutions comme la Bibliothèque nationale de France(BnF)[2], la direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) et l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom). Les représentants des publics en situation de handicap : divers établissements publics (universités, instituts de personnes mal voyantes ou mal entendantes), associations de personnes en situation de handicap (dys) et leurs familles, les fondations reconnues d’utilité publique. Ainsi que des organisations représentatives d’auteurs et d’éditeurs dans le secteur du livre, dont le Snac. B. A. – Quelles actions ont été mises en place ? N. N. – Les éditeurs doivent fournir à la BnF une version numérique de leurs publications (jeunesse, scolaire, universitaire, littérature ou essais). Un même document peut donner lieu à plusieurs adaptations (braille, gros caractères, langue des signes, audio). La plateforme « Platon » mise en place par la BnF, étudie les demandes d’agrément des associations représentantes des personnes en situation de handicap et leur accorde, sous conditions[3], l’agrément de télécharger les ouvrages souhaités pour leurs adhérents en situation de handicap et dans la limite du cercle familial. Dans le cadre de l’application de la nouvelle loi LCAP, les organismes demandeurs remplissent un dossier d’inscription sous forme de questionnaire qui renseigne la BnF sur leur capacité à sécuriser le stockage des fichiers adaptés numériques et à les transmettre. Les dossiers d’agrément des organismes renseignent la BnF sur leur capacité à sécuriser le processus de récupération et de traitement des fichiers source, téléchargés sur la plateforme de la BnF. B. A. – Et les syndicats ? N. N. – J’ai noté la présence duSyndicat national de l’édition (SNE) et du Syndicat des éditeurs de la presse magazine (SEPM). La Société des gens de Lettres (SGDL) et le Syndicat des auteurs et compositeurs (Snac) ont participé à la Commission dès sa création en 2022, avec une tenue chaque trimestre. La dernière commission s’est tenue le 6 février 2024. B. A. – Comment les syndicats peuvent-ils vérifier la sécurisation de fichiers ? N. N. – Dès l’instant où la BnF juge que les organismes à but non lucratif remplissent les conditions de récupération et de sécurisation des fichiers, ces éléments servent d’appui à la Commission dans le rendu de son avis sur l’inscription et l’agrément. Même si la Commission en charge de l’exception au droit d’auteur en faveur des personnes en situation de handicap n’est plus appelée à se réunir en 2024, le processus, maintenant bien rôdé, est maintenu. N. N. – Conclusions Les décisions de la Commission en charge de l’exception handicap se référant au code de la propriété intellectuelle, sont annoncées par arrêté ministériel du ministère de la Culture. Ces arrêtés communiquent la liste des organismes des personnes morales et des établissements qui peuvent assurer la reproduction et la représentation d’une œuvre dans les conditions prévues à l’alinéa 1 de l’article L. 122-5-1 du code de la propriété intellectuelle. Une autre liste mentionne les demandes de mise à disposition des fichiers numériques déposés par les éditeurs en application de l’alinéa 2 de l’article L. 122-5-1 du même code. Les arrêtés sont publiés ensuite au « Journal officiel » de la République française. [1]Comité Interministériel du Handicap (CIH), prévu par la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, a été créé par décret du 6 novembre 2009. Il a la charge de « définir, coordonner et évaluer les politiques conduites par l’État en direction des personnes handicapées ». Sous la présidence du Premier ministre, le CIH réunit annuellement l’ensemble des membres du gouvernement. [2]La BnF a reçu en 2009 la mission d’être l’organisme dépositaire des fichiers numériques des éditeurs ayant fait l’objet d’une demande par un organisme agréé. Pour répondre à cette mission, elle a mis en service en 2010 la plateforme sécurisée de transfert des ouvrages numériques (Platon), dont l’accès se fait sur authentification (la plateforme Platon
Représenter le Snac à l’Afdas – Un entretien avec Nicole Masson, autrice, membre du groupement Lettres.

Actualités Représenter le Snac à l’Afdas – Un entretien avec Nicole Masson, autrice, membre du groupement Lettres. L’Afdas et ses missions pour la formation des artistes-auteurs. L’Afdas est l’OPérateur de COmpétences (OPCO) des secteurs de la culture, des industries créatives, des médias, de la communication, des télécommunications, du sport, du tourisme, des loisirs et du divertissement. Depuis 2013 c’est l’Afdas qui gère le fonds de formation dédié aux artistes-auteurs et autrices. Il est piloté par un conseil de gestion composé de vingt et une organisations professionnelles d’artistes-auteurs et autrices, sept organisations de diffuseurs et cinq organismes de gestion collective. Bulletin des Auteurs – Vous représentez le Snac à la Commission de l’Écrit et des Arts dramatiques de l’Afdas. Nicole Masson – Oui, je siège dans la commission « Écrit et Arts dramatiques » qui est une des commissions qui attribue des aides à la formation. Pour solliciter l’Afdas, les artistes-auteurs doivent simplement justifier, au choix : sur les trois dernières années (hors année en cours), de recettes artistiques cumulées d’un montant minimum de 6 990 € (600 x smic horaire brut au 01/01/2024) sur les cinq dernières années (hors année en cours), de recettes artistiques cumulées d’un montant minimum de 10 485 € (900 x smic horaire brut au 01/01/2024) Avec les conseillers de l’Afdas, ils montent un dossier argumenté pour présenter, de manière anonyme, leur projet que la commission examine. B. A. – Quel est le profil de ces Artistes Auteurs et Autrices ? N. M. – Les artistes-auteurs exercent leur profession dans divers domaines de création artistique : Les arts plastiques et graphiques 2D et 3D. Le cinéma et l’audiovisuel. La photographie. L’écrit et les arts dramatiques (la commission où je siège). La musique et la danse. La commission où je siège représente environ 10 % des actions de formation de l’Afdas. Les demandes ne sont pas très nombreuses. B. A. – Quel sentiment vous inspire votre expérience au sein de l’Afdas ? N. M. – Il faut inciter les auteurs qui en ont envie à prendre contact avec l’Afdas car il est rare que des formations soient refusées tant qu’elles rentrent dans l’un de ces deux profils : Se former pour être plus compétent dans son activité d’auteur : lien fort entre la formation et la création (ça peut être l’acquisition de connaissances dans un domaine sur lequel on a un projet d’écriture, des apprentissages en rapport avec des écritures particulières, scénarios, etc.) Se former pour changer de métier en vue d’une reconversion. Beaucoup d’auteurs qui s’adressent à l’Afdas manquent de travail ou de revenus et cherchent des activités annexes (animation d’ateliers d’écriture, apprentissage de la diction pour donner des lectures publiques rémunérées, etc.). D’autres envisagent de se tourner vers un nouveau métier en profitant d’avoir encore assez de revenus artistiques pour s’ouvrir les droits à la formation. Les dossiers et les lettres de motivation pour une reconversion donnent parfois une vision un peu triste du « métier », surtout quand on voit assez peu de formations demandées sur le juridique ou sur la fabrication des ouvrages, qui feraient monter les auteurs en compétence dans des domaines qui les aideraient à mieux défendre leurs projets. Plus récemment, la commission constate qu’elle est confrontée à des formations un peu bizarres, sous prétexte de « coaching », qui proposent des « compétences » qui ne sont pas diplômantes par définition et qui semblent favoriser des dérives de type sectaire… Certains organismes peu connus surfent sur les sujets psy, le bien-être, la naturopathie, la PNL [Programmation neuro-linguistique], le « développement des intuitions » et autres intitulés prometteurs… qui laissent la commission très dubitative. On ne peut qu’inciter à la prudence. Heureusement, l’Afdas exerce en amont un tri dans les organismes grâce à la certification Qualiopi. Cependant, cela dit paradoxalement l’angoisse de certains auteurs qui cherchent à se reconvertir en coach de vie, faute de pouvoir s’accomplir pleinement et financièrement dans leur activité créatrice d’origine. Mais on peut souligner que beaucoup de projets sont aussi très bien pensés et permettent aux auteurs d’ouvrir le champ de leur créativité et le développement futur de leurs activités vers l’écriture audiovisuelle, ou l’écriture pour la BD ou même l’autoédition. En tout cas, trop peu d’auteurs sont au courant du dispositif et en profitent. Grâce à Qualiopi, des formations certifiées : Qualiopi est le nom de la certification nationale qualité visant à attester, sur la base d’un référentiel national unique, la qualité des propositions des prestataires de formations. Elle est obligatoire depuis le 1er janvier 2022 pour accéder aux financements sur les fonds publics ou mutualisés. La certification Qualiopi s’obtient à la suite d’un audit. Cet entretien est paru dans le « Bulletin des Auteurs » n° 157, en avril 2024. Portrait photographique de Nicole Masson. Crédit : Yann Caudal.
L’Intelligence artificielle (IA) et la Création musicale – par Greco Casadesus, compositeur.

Actualités L’Intelligence artificielle (IA) et la Création musicale – par Greco Casadesus, compositeur. Voici l’extrait d’un article paru dans « Les Échos » en 1996 : Plus l’œuvre mise à disposition est segmentée, plus l’accès à cette fragmentation autorise une ré-ordination dans laquelle le droit moral ne peut être respecté, et ceci tout simplement parce que l’artiste n’a plus aucun moyen physique d’exiger l’intégrité de son œuvre. L’informatique, outil fabuleux, par le biais d’intelligences artificielles de plus en plus affinées, se substitue à l’esprit de conception, à l’âme et à la notion d’originalité qu’elle bafoue en la mystifiant. Lorsque j’ai écrit ces lignes voici vingt-huit ans[1], je n’imaginais pas que l’IA prendrait sa place de façon aussi exponentielle. Certes, certains outils de l’époque – que j’appelle la lutherie électronique (les synthés, les ordinateurs, en bref la place croissante de l’électronique dans l’élaboration des musiques) – m’indiquaient qu’une conflagration allait manifestement se produire, mais il m’était impossible de prévoir une période d’aboutissement. Aujourd’hui, c’est avéré : l’IA s’est immiscée dans nos vies, dans nos textes et dans nos musiques, de façon aussi insidieuse que fulgurante ! En 2006, lors d’un nouvel écrit[2], j’avais bien pris conscience qu’une prolifération des créateurs s’annonçait, que l’œuvre et son ersatz allaient se confondre dans un amalgame organisé par des réseaux de l’industrie technomusicale ayant flairé un marché prometteur et foisonnant. Nous y sommes ! Certes, l’IA générative (et non créative…) n’est qu’un outil analytique à la puissance de calcul incroyablement rapide ; mais elle n’a pas de conscience, elle ne doute pas et ne sait pas se remettre en cause. Donc, a priori, elle ne peut pas avoir d’intuition, donc d’imagination, en tous les cas comme un humain. Il n’y a pas longtemps, on se moquait des piètres résultats musicaux de l’IA ; mais chaque jour, ceux-ci sont de plus en plus bluffants, ce qui bouleverse nos repères. Et cette évolution est galopante ! L’audiovisuel : un domaine impacté. Le domaine de l’audiovisuel sera très largement impacté. L’état de crise s’accentuera avec d’un côté, en petits nombres, les créatrices et créateurs éminents, influents, bankables, demandés pour des raisons de qualité, de sensibilité et de marketing. Ils seront approchés par des productions soucieuses de préserver et d’appliquer certaines valeurs fondamentales. Et pour les autres, très nombreux, une véritable compétition avec l’IA a déjà commencé ! Des équipes de réalisation vont préférer l’immédiateté, les coûts réduits, le dialogue avec les machines plutôt qu’avec des humains, machines auxquelles on lancera des requêtes illimitées… Dans un premier temps, ces productions concerneront des ambiances musicales et sonores plutôt que de belles envolées lyriques et enivrantes. Je mentionne « sonores », car il n’y a aucune raison que le domaine des bruitages et autres effets ne soient pas concernés. Les principales caractéristiques d’une séquence d’images seront analysées et rapprochées des bases d’entraînement : le rythme du montage, l’expression faciale et corporelle des acteurs, le déplacement des objets, les variations de couleurs, les mouvements de caméra, la bande-son, etc. Les requêtes concerneront de nombreux critères : les sentiments à transmettre, le tempo, les couleurs et styles musicaux, mais aussi les césures souhaitées ou tout élément intentionnel ou aléatoire… Insatisfait, le réalisateur (ou tout autre membre de l’équipe) pourra reformuler des requêtes illimitées. Puis, en cas de validation, se posera la délicate question de la paternité et les droits susceptibles de découler de cette manipulation… Cette analyse s’applique bien entendu au sous-titrageet au doublage. Le premier se voit déjà largement remplacé par des propositions automatiques dont les résultats ne sont pas toujours convaincants ; donc, afin d’introduire certaines subtilités absentes concernant le sens du message ou les tournures de phrases, le texte est revisité par des professionnels dont la marge de manœuvre, on le comprendra, est plutôt réduite. Mais l’IA apprend en permanence et progresse très très vite… Quant au second, la modélisation (le clonage augmenté) va mettre à mal une économie presque centenaire. Associer à une voix quelconque le timbre (la caractéristique sonore) d’une autre voix (une chanteuse, un comédien ou un politicien) est désormais à portée de tous. Les manipulations malintentionnées (deep fake) sont déjà nombreuses.Ces techniques évoluent très rapidement et l’on peut imaginer dans un avenir plus ou moins proche la voix clonée de Tom Cruise (par exemple) s’exprimanten français, danois ou espagnol, avec ses inflexions originelles associées à une parfaite synchronisation des labiales. La stratégie du producteur ou du diffuseur appliquant ou non la méthode humaine sera déterminante pour préserver le droit et la rémunération de beaucoup de professionnels du doublage. Mais revenons à la musique : je vois au moins trois domaines que l’IA va investir amplement. Générer des idées. À l’origine du message préexiste l’idée. Chez l’humain, du moins. Pas d’idées, manque d’idée ? Pas de problème ! Je joue ou je chante deux notes, et je fais référence à un style ou un échantillon : j’obtiens alors de nombreuses propositions de mélodiesassociées à des accords en cohérence avec les règles de l’harmonie et de l’orchestration (il serait temps…) Ces propositions seront associées àdes sonorités adaptées offertes par les gigantesques librairies d’instruments virtuels désormais pilotées par leur propre IA. Je rappelle que les instruments virtuels sont des générateurs sonores qui, soit imitent les vrais instruments avec un réalisme de plus en plus convaincant, soit inventent des sonorités inconnues. La MAO (Musique Assistée par Ordinateur) va devenir une MAIA (Musique assistée par l’Intelligence Artificielle). La modélisation & la transformation des timbres. Nous venons de l’évoquer dans la partie doublage, ressusciter la voix d’un artiste disparu (ou pas) pour l’adapter à un univers musical contemporain (ou le contraire) sera courant. Le musicochimérisme. Dans la mythologie grecque, la chimère est une créature fantastique ayant une tête de lion, un corps de chèvre et une queue de serpent, qui crachait le feu et dévorait les humains. Le musicochimérisme procède du même principe, mais ne dévore pas encore les humains… En déconstruisant nos fichiers audio pour s’approprier la signature sonore de nos œuvres afin de la redistribuer lors de montages complexes dénaturant l’œuvre originale, de nouvelles esthétiques vont apparaître et bouleverser notre secteur. Par exemple, après s’être accaparé les caractéristiques stylistiques d’un Avicii, d’un Ravel et d’un Duke Ellington, l’IA sera capable de produire
La « Commission de conciliation » entre auteurs et éditeurs – Un entretien avec Nathalie Orloff, adjointe au directeur des affaires juridiques et institutionnelles de la Scam, en charge du répertoire de l’écrit et des journalistes.

Actualités La « Commission de conciliation » entre auteurs et éditeurs – Un entretien avec Nathalie Orloff, adjointe au directeur des affaires juridiques et institutionnelles de la Scam, en charge du répertoire de l’écrit et des journalistes. Bulletin des Auteurs – Quelle est la genèse de la « commission de conciliation » entre auteurs et éditeurs ? Nathalie Orloff – Il se trouve qu’en 2014, des négociations se sont engagées entre le CPE et le SNE dans le cadre de la réforme des dispositions du code de la propriété intellectuelle (CPI) relatives au contrat d’édition en vue de les adapter à l’ère du numérique, le CPI datant de 1957. Les représentants des auteurs que nous sommes souhaitaient l’instauration de deux contrats d’édition séparés : l’un pour l’exploitation du livre sous format papier ; l’autre pour l’exploitation sous format numérique. Nous ne l’avons pas obtenu. Cependant, du fait, à cette époque, du peu de visibilité du modèle économique de l’exploitation numérique en matière de livre, le point 6 de l’accord interprofessionnel conclu le 1er décembre 2014 entre le CPE et le SNE prévoit, au sein du contrat d’édition, une clause obligatoire dite de « rendez-vous » ou de « réexamen »permettant une véritable renégociation des conditions de rémunération pour l’exploitation numérique, afin de prendre en compte les évolutions du marché et des usages. L’article L 132-17-7 du CPI dispose ainsi qu’en cas de refus de réexamen ou de désaccord, l’une ou l’autre des parties peut saisir une « commission de conciliation », composée à parité de représentants des auteurs et des éditeurs, dont l’avis est rendu dans les quatre mois suivant la saisine. La commission rend un avis qui ne lie pas les parties. La consultation de la commission n’est pas un préalable obligatoire à la saisine d’un juge. Or, dix ans après, cette « commission de conciliation » n’a toujours pas vu le jour ! En effet, au moment de se mettre d’accord sur la constitution et le fonctionnement de cette commission, de nombreuses difficultés sont apparues aux organismes représentatifs du secteur (éditeurs/ auteurs) : les représentants des éditeurs mettant notamment en avant de potentiels conflits d’intérêts et d’atteintes au droit de la concurrence entre pairs (du fait par exemple de la transmission d’informations sur les taux de rémunération prévus dans les contrats) et posant des questions quant à la confidentialité du processus ; les représentants des auteurs s’interrogeant sur la portée des décisions de cette commission : s’agira-t-il de simples avis ? De simples suggestions que les parties seront libres de suivre ou pas ? Une sorte de « jurisprudence » de la commission pourra -t-elle voir le jour ? Or, dès la reprise de la concertation entre auteurs et éditeurs sur l’équilibre de la relation contractuelle entre auteurs et éditeurs dans le cadre des missions Sirinelli I et II diligentées en 2021 et 2022, puis sous la houlette des services du ministère de la Culture en 2023/ 2024, le secteur s’est trouvé confronté au caractère impératif de la mise en place de cette « commission de conciliation » prévue dans les textes. Elle fait aujourd’hui l’objet d’une thématique numéro 8 (distincte des autres thèmes abordés dans le cadre des discussions en cours), confiée à un groupe de travail composé essentiellement de juristes, tant du côté auteurs que du côté éditeurs. Des réunions en formation restreinte ont bien lieu, qui abordent le sujet de manière plus pointue, afin qu’il aboutisse. Tout le monde semble d’accord pour que le champ de compétence de cette commission soit élargi pour traiter de : « tout conflit individuel qui pourrait naître entre un auteur et son éditeur, lié à la négociation, la conclusion, l’exécution, et la rupture du contrat d’édition ». B. A. – Quel sera son fonctionnement ? N. O. – Le débat existe encore entre organisations d’auteurs sur le choix de la forme : « conciliation » ou « médiation », à donner à cette commission. Dans l’accord de 2014, c’est le mot « conciliation » qui est employé. Or, même s’il est conscient que le secteur économique diffère de celui de l’édition, le groupe de travail a commencé à réfléchir sur la base de l’exemple de l’Amapa (Association de médiation et d’arbitrage des professionnels de l’audiovisuel) dont la Scam (Société civile des auteurs multimédia) est membre associé. Il s’agit ici de « médiation ». L’Amapa est née il y a plus de vingt ans de la volonté des professionnels du secteur de renouer le dialogue entre les parties à un différend, de manière amiable, en mettant auteurs/ réalisateurs sur un pied d’égalité, indifféremment de leurs moyens respectifs. Il faut savoir qu’un flou demeure dans la définition donnée de la médiation depuis la transposition de la directive européenne du 21/05/2008 sur « certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale », la médiation en France est définie ainsi : « La médiation s’entend de tout processus structuré, quelle qu’en soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l’aide d’un tiers, le médiateur, choisi par elle ou désigné, avec leur accord, par le juge saisi du litige. » Cette définition englobe tout à la fois : la médiation menée par un médiateur, la conciliation conduite par un conciliateur de justice. La conciliation est très proche de la médiation. Cependant, le conciliateur (auxiliaire de justice) intervient activement en donnant son avis et en orientant les parties. Il est plus incitatif que le tiers médiateur dans la recherche d’un accord. Le médiateur est une personne neutre choisie par les parties d’un commun accord, n’exerçant aucun pouvoir de décision. Le médiateur ne rend pas d’avis, il s’attache à déminer la charge émotionnelle chez les parties, qui n’arrivent plus à s’entendre parce qu’elles sont enfermées dans leur position respective. Le médiateur est là pour faire comprendre à chacune des parties la position de l’autre, pour qu’elles puissent s’écouter. Il doit les aider à définir les besoins et intérêts de chacune et rechercher s’il pourrait exister un point de convergence qui mette fin au différend et préserve les relations futures, bien au-delà du cadre strictement juridique des termes de leur différend. Dans l’esprit de certaines organisations d’auteurs, l’avantage précisément du choix de la conciliation résiderait dans l’avis
Les auteurs et les compositeurs à l’heure de l’IA – Un entretien avec Patrick Sigwalt, compositeur, président du conseil scientifique et de l’innovation de la Sacem, vice-président du Snac, ancien président de la Sacem.

Actualités Les auteurs et les compositeurs à l’heure de l’IA – Un entretien avec Patrick Sigwalt, compositeur, président du conseil scientifique et de l’innovation de la Sacem, vice-président du Snac, ancien président de la Sacem. Bulletin des Auteurs – La Sacem et la Gema (société allemande de gestion des droits d’auteur) ont publié les résultats d’une étude sur l’impact de l’intelligence artificielle dans la musique. Patrick Sigwalt – Cette étude a été conduite auprès de 15 000 créateurs, membres de la Gema et de la Sacem. Les quelques chiffres à retenir sont les suivants : 35 % des personnes qui ont répondu à cette étude ont déjà utilisé l’IA comme un outil au service de leur création ou comme aide à la réalisation de leurs projets. On estime que le marché de l’IA générative dans la musique, qui pèse aujourd’hui 300 millions de dollars, représentera plus de trois milliards de dollars en 2028. Les deux problématiques qui ressortent pour nous, auteurs et compositeurs, sont d’une part, qu’une rémunération doit être garantie quand nos œuvres alimentent les bases d’entraînement de l’IA générative. D’autre part, nous demandons une protection des revenus liés à nos œuvres quand les plateformes de streaming seront noyées, ce que nous redoutons, par des contenus provenant de l’IA. Aujourd’hui 120 000 titres par jour sont déversés sur les plateformes de streaming et, à l’horizon 2028, cela pourrait tripler. À terme la moitié des contenus ne seront plus des œuvres de création humaine. Les revenus des créateurs dont les œuvres auront servi aux bases d’entraînement à l’origine de nouveaux contenus devront être protégés. On considère que, d’ici 2028, les revenus des créateurs pourraient baisser de 27 %, et 71 % des créateurs pensent que l’IA menacera directement la possibilité de vivre de leur travail. Il y a donc une crainte extrêmement élevée chez les auteurs de la musique, mais aussi de l’ensemble des industries créatives face à l’IA. 64 % des personnes qui ont répondu évaluent que les risques impliqués par l’IA dépassent ses bénéfices. 90 % des membres de la Gema et de la Sacem qui ont répondu, soit la quasi-totalité, demandent une rémunération pour l’utilisation de leurs œuvres par l’IA. Pour ce faire, nous disposerions de plusieurs pistes, comme celle d’un dispositif qui s’inspirerait de celui de la copie privée. Ce processus, que nous maîtrisons parfaitement, demande à être travaillé pour répondre au mieux à ces nouveaux enjeux. Il permettrait de rémunérer directement les créateurs et de compenser immédiatement leur perte de revenus due à l’IA. Pour y parvenir il faut que l’IA soit identifiée comme telle. Nous devons savoir ce qui provient de l’IA, et ce qui relève d’une œuvre de l’esprit. 89 % des personnes qui ont participé à l’étude le demandent. Nous devons donc nous atteler à rendre transparentes les IA et notamment les IA génératives. 90 % souhaitent que leur permission soit exigible avant que leurs œuvres ne soient utilisées. C’est un vœu pieux quand on sait que, dans quelques mois maintenant, l’ensemble de ce qui aura transité sur internet depuis sa création aura été fouillé. Il nous faut donc arrêter d’opposer en permanence innovation et culture et prôner ensemble une IA transparente et vertueuse qui prenne réellement en compte l’apport indispensable des auteurs et des compositeurs dans l’élaboration de ces nouveaux contenus. Le droit d’opposition (opt-out) que la Sacem a été la première à mettre en place, nous donne tout de même un levier pour nous opposer en cas de litige. Mais donner son accord en amont paraît un combat perdu depuis déjà longtemps. B. A. – Personnellement, cette étude confirme-t-elle ce que vous anticipez ? P. S. – Je pense que les risques induits par l’IA dépasseront largement ses bénéfices, dans le domaine de la musique mais aussi de la culture en général, si nous ne prenons pas des mesures aussi rapides que fortes. Dans le cadre du Conseil Scientifique et de l’Innovation de la Sacem, nous avons déclaré très tôt que la France devait se tenir là où elle s’est toujours tenue, dans la défense du droit d’auteur qu’elle a elle-même inventé en sortant du siècle des lumières. J’ai publiquement demandé une régulation des nouvelles pratiques et dénoncé la position de blocage lors de l’adoption de l’« IA Act » au niveau européen. Je pense que l’exécutif français a subi un lobbying puissant de la part d’intérêts commerciaux privés qui souhaitent opposer culture et Innovation, ce qui est historiquement absurde. De mon point de vue, les sociétés françaises développant de l’IA devraient au contraire se démarquer de leur concurrence étrangère par leur transparence et la traçabilité de leurs données. Cela leur donnerait un avantage concurrentiel quant à la sécurité juridique de leurs produits. Le milieu culturel français s’est toujours tenu à l’avant-garde de l’innovation. ce titre, nous regrettons que le comité interministériel pour l’IA, placé sous l’autorité de Matignon, n’ait pas fait une vraie place à la culture. Les auteurs et les compositeurs ont toujours accompagné avec bonheur les évolutions technologiques de façon responsable, transparente, et éthique. Les prises de bénéfices de Google dans des OGC devenus à but lucratif comme BMI ou dans des licornes françaises comme Mistral nous inquiètent quant à la dérégulation souhaitée par cette multinationale. Heureusement la législation européenne de l’IA a été adoptée, l’Allemagne et l’Italie se sont désolidarisées de la surprenante et ponctuelle position française. J’en appelle aujourd’hui à notre ministre de la Culture. Les industries créatives représentent une économie plus importante que celle de l’industrie automobile et celle du luxe. Près d’un million et demi d’emplois non délocalisables sont concernés. L’enjeu est démocratique, car c’est bien sa culture qui définit un peuple. Comment pourrait-on définir la France sans évoquer son architecture, sa littérature, sa peinture ou sa musique ? Et comment garantir son rayonnement culturel sans protéger celles et ceux qui créent aujourd’hui les œuvres de demain ? En 2019, notre mobilisation a été totale et, contre toute attente, nous avons fait adopter la directive européenne « Droit d’auteur » face aux Gafam. L’IA met en lumière l’importance du droit d’auteur et l’impérieuse nécessité de faire vivre celles et ceux qui façonnent aujourd’hui la culture de demain. Depuis près