Quand les auteurs sont mobilisés, ça marche ! – Un entretien avec Emmanuel de Rengervé, délégué général du Snac

Actualités Quand les auteurs sont mobilisés, ça marche ! – Un entretien avec Emmanuel de Rengervé, délégué général du Snac Bulletin des Auteurs – Les auteurs de Doublage / Sous-Titrage se sont mobilisés pour valoriser leur rémunération au sein des entreprises du secteur. Emmanuel de Rengervé – Les organisations professionnelles, Snac, Ataa, Upad, ont publié en novembre 2021 les préconisations de rémunération pour les auteurs du secteur, car il n’y avait pas eu de revalorisation de ces rémunérations depuis les années 1990. Les auteurs ont constaté que ces préconisations n’entraînaient pas, dans les entreprises, de changement de leur rémunération. 2022 a été une année d’inflation et de tension pour tous les Français, et pour les auteurs. Au sein de certaines entreprises ont commencé à émerger des discussions entre auteurs, qui ont estimé que cette situation était inacceptable. Des courriers, émanant de collectifs d’auteurs de différentes entreprises, ont été adressés, d’abord au sein des entreprises les plus importantes, comme Dubbing Brothers, qui représente plus de la moitié du marché du doublage, où plus de deux cents auteurs ont signé une telle lettre ouverte. La mobilisation n’a pas été traitée de façon anormale par les entreprises. Un rendez-vous a été pris avant l’été 2022 avec Dubbing Brothers pour discuter des termes du courrier, et pour envisager de revaloriser la rémunération des auteurs. Le tarif, qui était depuis plus de trente ans à 221 euros la bobine, soit l’équivalent de dix minutes, a été porté à 250 euros. Une nouvelle valorisation a eu lieu à la fin de l’année 2022. Nous sommes maintenant, dans cette entreprise, à un tarif systématique de 275 euros la bobine, augmenté de 25 % en cas de « rush », quand on demande à un auteur de travailler dans l’urgence pour satisfaire un client. Par ailleurs, le fait d’accomplir certaines tâches techniques, liées à l’adaptation, doit être payé en sus, alors que jusqu’alors ces tâches n’étaient pas payées. L’exemple de Dubbing Brothers a permis que s’établisse le même type de relations dans d’autres entreprises, avec plus ou moins de succès, mais les sociétés Eva-Local-is-action, Libra Film, Nice Fellow Kayenta Production (NFKP), Chinkel, Hiventy, Iyuno, ont suivi le mouvement, avec certes des différences dans la valorisation. La hausse des tarifs a été de 15 % à 25 % selon les entreprises. Le secteur du doublage a été principalement concerné, mais quelques demandes ont été faites dans le secteur du sous-titrage, avec moins de succès, certainement parce que la situation y est très différente en termes de volume de travail, et de besoin d’auteurs. Dans le domaine du doublage, les entreprises manquent d’auteurs disponibles pour satisfaire le marché. Les collectifs d’auteurs ont amplifié le travail des organisations professionnelles, qui avaient préconisé des tarifs, à 33 euros la minute en télévision, et 44 euros la minute pour les films qui sortent en salle. Là, nous allons arriver à 29 euros la minute dans les entreprises les plus importantes. C’est un mouvement très positif, pour lequel il faut saluer les auteurs qui ont consacré leur temps à défendre les intérêts collectifs. Quand les auteurs sont mobilisés, ça marche ! Crédit de la photo d’Emmanuel de Rengervé : Snac. Cet entretien est paru dans le Bulletin des Auteurs n° 152 (Janvier 2023)

Une rencontre avec la Ficam – Un entretien avec Stéphanie Penot–Lenoir et Estelle Renard, traductrices-adaptatrices, membres de l’Ataa et du Snac

Actualités Une rencontre avec la Ficam – Un entretien avec Stéphanie Penot–Lenoir et Estelle Renard, traductrices-adaptatrices, membres de l’Ataa et du Snac Crédit photo de Stéphanie Penot-Lenoir : Stéphanie Penot-Lenoir. Crédit photo d’Estelle Renard : Jean-Baptiste Duchenne. Bulletin des Auteurs – L’Ataa a pris l’initiative de rencontrer la Ficam le 16 novembre dernier. Stéphanie Penot–Lenoir – Depuis plusieurs années les auteurs se plaignent de leurs conditions de travail, avec une baisse des tarifs, une pression sur les délais, une multiplication des tâches annexes à l’adaptation sans ajustement de la rémunération. Depuis un an, des auteurs se sont regroupés en collectifs et sont allés frapper à la porte de certains prestataires, en premier Dubbing Brothers, qui est en France le numéro Un du secteur, et dont les tarifs n’avaient pas augmenté depuis vingt-deux ans. Six ou sept négociations avec d’autres prestataires sont en cours ou ont abouti dans le doublage, d’autres actions sont menées en sous-titrage. Pour capitaliser sur ces actions et la dynamique du dialogue qui s’est engagé, mais aussi pour aller plus loin en tant qu’organisation professionnelle, nous avons voulu réouvrir le dialogue avec la Ficam. Une charte des bons usages avait été signée sous l’égide du CNC en 2011, qui prévoyait des réunions tripartites régulières, au moins annuelles. Malgré les sollicitations de l’Ataa et du Snac en ce sens, ces réunions n’ont jamais eu lieu. Certains éléments de la charte ont été appliqués, d’autres pas du tout. Le CNC n’a jamais répondu à nos demandes réitérées. Estelle Renard – Lors de cette rencontre informelle de l’Ataa avec la Ficam, qui avait pour but de prendre la température, de voir comment nous pouvons faire appliquer ce qui est dans la charte, nous avons eu la bonne surprise de voir, aux côtés des interlocuteurs de la Ficam, que des prestataires très implantés dans le marché, membres de la Ficam, avaient souhaité être présents. Cela témoignait sans doute d’une certaine crainte de leur part, face aux lettres qu’ils avaient reçues, signées par les trois quarts de leurs auteurs. Mais c’est surtout un signe fort que les auteurs sont aujourd’hui davantage entendus et considérés, et que les prestataires sont prêts à travailler avec nous. La Ficam a d’emblée écarté l’hypothèse de négociations tarifaires collectives, qui pourraient, selon elle, être interprétées comme une entente illicite, dans un secteur où la concurrence doit pouvoir s’exercer librement. Les discussions devaient contribuer à améliorer les relations auteurs/ prestataires, à assainir le marché et à trouver ensemble les voies qui permettent d’éviter ce type de frondes et de réclamations, mais l’écriture d’une grille tarifaire était pour eux hors de question. B. A. – Que pensez-vous de ce discours ? S. P.-L. – C’est un point qui me semble discutable. Les perspectives peuvent évoluer avec récemment des signes encourageants au plan national et européen, notamment la Directive européenne de 2019 et tout le travail que fait l’Association européenne des traducteurs audiovisuels (AVTE). Mais pour l’instant nos discussions avec la Ficam doivent rester à un autre niveau. E.R. – Nous avons abordé la question des tâches annexes, qui se sont multipliées depuis l’arrivée des plateformes. L’idée est de réfléchir à une grille de ces tâches annexes, non pour les tarifier, mais dans un premier temps pour séparer ce qui ressortit au travail de l’adaptation et donc est compris dans la prime de commande, des éléments périphériques, qui devraient donner lieu à une discussion parallèle pour délai et rémunération supplémentaires. B. A. – Quelles sont ces tâches annexes ? S. P.-L. – On nous fait remplir des tableaux, avec des glossaires, des descriptions de personnages, des résumés, destinés on ne sait pas à quoi, sans doute pas forcément utilisés, mais qui nous prennent un temps fou, qui n’avaient pas été convenus dans le cadre de la prime de commande, et qui nous sont parfois demandés deux, quatre, six mois après que nous avons rendu notre adaptation, ce qui nous oblige à nous replonger dans le projet, que nous n’avons plus aussi bien en tête. B. A. – D’autres points ont été abordés ? E.R. – La charte de 2011 prévoyait l’utilisation d’un modèle d’accusé de réception de commande, qui n’est pas employé. Nous souhaitons travailler à un modèle de contrat de commande avec la Ficam et avec les commanditaires. Actuellement, nous signons un contrat avec nos prestataires, dont les conditions leur sont imposées, selon eux, par les commanditaires. Les trois parties, auteurs, prestataires et commanditaires, devraient s’asseoir autour de la table, avec le CNC s’il acceptait de nous accompagner, afin de bâtir une trame assez encadrante et contraignante pour être avalisée par des commanditaires anglo-saxons ou nord-américains, et assez souple pour être utilisée largement. S. P.-L. – Nous comprenons en effet de ces échanges que les auteurs ont tout intérêt à affirmer les conditions dans lesquelles ils souhaitent travailler clairement et d’une même voix, afin de redéfinir les règles du marché et que les prestataires puissent s’en faire le relais auprès des commanditaires. B. A. – Un calendrier a-t-il été mis en place pour un suivi de cette première rencontre avec la Ficam ? E.R. – Pour l’instant non. Nous allons leur proposer de nouveaux rendez-vous. La Ficam semble avoir le même objectif que nous, d’assainir la filière pour que tout le monde travaille en bonne intelligence. Nous devrions pouvoir avancer sur la question des tâches annexes comme sur le contrat de commande. Le principe d’une réunion tripartite a été entériné par la Ficam qui doit contacter les commanditaires en ce sens. De notre côté, nous devons nous mettre bien d’accord en amont sur ce que nous souhaitons défendre dans ce cadre. Nous allons mettre en place un groupe de travail avec des auteurs et le Snac, afin notamment de nous mettre d’accord sur les termes à employer. B. A. – Qu’attendez-vous d’une réunion tripartite ? S. P.-L. – L’Ataa et les collectifs d’auteurs ont réussi à rencontrer les prestataires, qui disent qu’ils sont pieds et poings liés par les commanditaires. L’Ataa a réussi également, au cours de ces dernières années, à tisser des liens et à engager le dialogue avec des commanditaires, qui nous disent ne jamais imposer des conditions de tarif insupportables aux prestataires. Parfois des conditions

Un changement de paradigme ? – Un entretien avec le collectif Deluxe US de l’Ataa.

Actualités Un changement de paradigme ? – Un entretien avec le collectif Deluxe US de l’Ataa. Il convient avant tout de lever toute confusion entre Deluxe US, la société américaine dont nous parlons ici, et Deluxe Paris Media qui est un laboratoire de sous-titrage et un studio de doublage basé à Paris. Bulletin des Auteurs – Que pensez-vous du sous-titrage sur interface en ligne ? Collectif Ataa – Cette manière de travailler induit une transformation complète de nos conditions de travail mais aussi certainement de notre métier et, à terme, de notre statut. La société Deluxe Media Inc. (« Deluxe US »), comme Eikon, Iyuno ou TransPerfect qui fonctionnent de la même manière, propose de sous-titrer les programmes pour le monde entier, notamment pour les plateformes de VOD (Netflix, Disney+, Amazon Prime Vidéo…) et, dans une moindre mesure, pour les sorties en salles. Pour ce faire, ils imposent aux auteurs de travailler sur une interface en streaming nommée, chez Deluxe US, « Sfera ». L’auteur ne peut communiquer que par mail avec le « Project Coordinator » qui lui est attribué. Ces « PC » ne connaissent pas notre métier, ce qui est une source constante d’erreurs et de perte de temps. La division du travail fait que le coordinateur n’a aucune latitude, alors il esquive toute question, en usant d’une novlangue qu’il serait intéressant d’étudier pour évaluer son influence dans ce projet novateur. Les erreurs innombrables concernant le projet, erreurs sur le travail à accomplir, erreur d’envois de la version du film, qui n’est pas toujours la dernière en date, provoquent une cascade de mails inutiles, et d’injonctions à accomplir des tâches qui n’ont parfois pas de sens. Comme, par exemple, l’obligation de soumettre trois titres français pour un film tiré d’un livre qui a déjà un titre en français, alors que le film sera diffusé avec son titre original. On peut parfois recevoir plus de 100 mails pour un film peu bavard, alors qu’avec un laboratoire français tout se règle en une dizaine de mails et quelques appels. La plateforme Sfera n’est pas performante, pas assez précise (moins que les premiers logiciels des années 1980) et, outre le fait qu’elle plante régulièrement, faisant à l’occasion disparaître nos sous-titres comme dans les années 1990 au temps des logiciels à disquette, elle tente d’imposer un nouveau modèle de travail qui modifie toutes les étapes du sous-titrage, pour nous amener lentement vers la disparition de notre autonomie et de notre souveraineté. B. A. – Quelles sont les différences principales ? Collectif Ataa – La première étape est celle du repérage, tâche technique qui consiste à découper le dialogue en sous-titres vides. C’est une étape cruciale, qui n’a rien d’automatisable : le découpage doit suivre le rythme du dialogue et tenir compte du montage, afin de permettre une lecture fluide. Chez Deluxe, le repérage est fait par une machine ou par quelqu’un qui ne connaît rien à notre travail, et obéit aveuglément à des normes absurdes. En outre, un seul repérage est effectué pour les versions du monde entier, c’est-à-dire pour toutes les langues cibles, ce qui est une hérésie puisque, suivant la langue dans laquelle on traduit, on ne découpera pas le texte de la même manière. Deluxe prétend procéder ainsi pour que les auteurs de sous-titres puissent l’adapter à leur langue mais c’est de la mauvaise foi, c’est seulement une économie pour eux puisqu’ils ne font qu’un repérage, et que les auteurs doivent finalement le refaire quasi intégralement. Du moins, quand les auteurs en ont le droit, ce qui est très rare, surtout hors de France. Quelques auteurs facturent un supplément pour la reprise du repérage, mais tous ne sont pas en position de le faire car le rapport de force joue en leur défaveur. L’auteur reçoit donc une liste de sous-titres vides mal faite, appelée “template”. À l’opposé, lorsqu’on travaille sur nos logiciels, il est possible d’apporter tous les changements de repérage que l’on souhaite, modifier les time-code, rassembler deux sous-titres, les séparer, etc. Cela paraît anodin mais un bon repérage, c’est une étape cruciale dans l’élaboration d’un bon sous-titrage. Chez Deluxe, il est interdit de modifier le repérage pendant toute la durée de l’adaptation, la deuxième étape du sous-titrage. Ce n’est que sur la dernière version du programme, une fois le montage jugé définitif, que l’autorisation est accordée d’opérer des changements. L’auteur adapte donc à l’aveugle dans un premier temps, en faisant le pari que s’il prévoit tels changements de repérage, l’adaptation conviendra. Ce n’est qu’à la dernière relecture qu’il saura s’il avait raison. En temps normal, l’auteur tâtonne, se questionne, essaie des choses qui ne fonctionnent pas toujours, bref, ce que fait tout humain au travail : il réfléchit. B. A. – Pourquoi n’a-t-on pas le droit de toucher au repérage avant la fin ? Collectif Ataa – Parce que Sfera est tellement automatisé qu’il ne peut pas le gérer, ce qui trahit un manque de professionnalisme et de savoir-faire, et indique clairement que l’ensemble du processus n’est pas conçu pour nous laisser modifier le repérage. Un exemple de plus de l’automatisation comme source d’inefficacité, d’autant que Deluxe peut nous demander de travailler pendant des semaines sur des versions non définitives pour finalement nous laisser deux jours en bout de course pour tout reprendre sur l’image finale. La troisième étape, c’est la simulation. Lorsque le travail est fini, on se rend habituellement dans un laboratoire pour visionner le film avec la cliente ou le client, et la personne chargée de cette opération au sein du laboratoire. C’est un moment essentiel où l’on montre notre travail à des regards neufs, des gens qui pensent, qui réagissent à ce qu’ils voient, et nous échangeons en direct pour améliorer la qualité du travail. Au contraire, sur cette interface, cette étape de la simulation ne peut avoir lieu dans la majorité des cas, puisqu’on ne se parle pas, on ne se voit pas. Il y a seulement un « Quality Check » (QC), fait par on ne sait qui, on n’a aucun contact même par mail avec cette personne ou cette machine qui balance des corrections qu’il nous est seulement possible d’accepter ou de refuser en cliquant sur le bouton

Le Dubbing Cloud : un nuage menaçant à l’horizon – Un entretien avec David Ribotti, administrateur de l’Upad, membre du groupement Doublage/ Sous-Titrage du Snac.

Actualités Le Dubbing Cloud : un nuage menaçant à l’horizon – Un entretien avec David Ribotti, administrateur de l’Upad, membre du groupement Doublage/ Sous-Titrage du Snac. Bulletin des Auteurs – En quoi consiste le « Dubbing Cloud » ? David Ribotti – Il s’agit d’une nouvelle manière de faire du doublage qui a commencé à se manifester pendant la crise Covid et qui depuis quelques années tente de s’installer progressivement en bouleversant certaines pratiques, malheureusement pas dans le bon sens. Pour ce qui est de la méthode, avant les années 2000, les auteurs de doublage travaillaient à la main, ils écrivaient leur texte avec un crayon de papier et une gomme sur une bande rythmo, le support qui défile sous l’image et permet aux comédiens d’interpréter un texte en parfait synchronisme avec l’image. Cette bande passait entre les mains d’un détecteur, chargé de repérer les mouvements de bouche à l’image et de reporter le texte de la version originale sur la bande, d’un auteur, chargé d’écrire les dialogues de la version française, d’un calligraphe, et d’un responsable de la frappe chargé de dactylographier le texte, avant que celui-ci puisse enfin arriver en studio.Au début des années 2000, cette méthode traditionnelle a progressivement été transposée sur des logiciels dont le principe était de générer une bande virtuelle. Ces logiciels ont repris les codes de la méthode traditionnelle et ont permis d’accélérer considérablement le temps de travail, ce qui se faisait à l’époque en trois semaines se fait aujourd’hui en moins d’une dizaine de jours. Ce gain de temps s’explique par le fait que le matériel n’a plus à être transporté physiquement d’un intervenant à l’autre, le rembobinage est instantané, et les étapes de la calligraphie et de la frappe ont été supprimées car le texte de l’auteur est automatiquement transformé pour générer un script. Mais le travail artistique et intellectuel de l’auteur n’est pas plus rapide, le gain a essentiellement été de nature technique. Tous les auteurs de doublage travaillent depuis 2010 sur ces logiciels, la transition s’est faite en douceur sur une dizaine d’années. B. A. – Donc, au-delà de cette méthode avec des logiciels, il y aurait une nouvelle méthode ? D. R. – Absolument. Certaines sociétés de doublage ont profité du confinement pour développer une méthode qui permet au doublage d’être réalisé de manière totalement délocalisée, sur des plateformes dites « Dubbing Cloud », qui permettent de centraliser l’ensemble du processus de travail. Les auteurs écrivent alors leur texte sur un logiciel interne à ce cloud et les comédiens enregistrent ensuite ce texte à distance, dirigés par un directeur artistique qui opère aussi à distance. Le travail de prise de son, montage son et mixage s’effectue également sur ce cloud. Ainsi, toutes les opérations qui se déroulaient en présentiel, dans un studio, avec de réels rapports humains, se font par écrans interposés. B. A. – Et en quoi cela constitue une menace ? D. R. – Ce qui est certain, c’est que pour l’instant, le résultat d’un doublage réalisé sur une plateforme de dubbing cloud n’aura jamais la qualité d’un doublage fait en studio et dans les règles de l’art. La première menace est que ces systèmes risquent de tirer la qualité générale du résultat vers le bas. Pour les auteurs de doublage, cette nouvelle méthode installe toute une série de nouveaux codes. Certes, il y a toujours un système de bande rythmo semblable à celui des logiciels que nous utilisons habituellement, mais il est beaucoup moins précis. Actuellement, nous rendons notre travail une fois qu’il est finalisé et nous sommes parfaitement autonomes du moment où un travail nous est confié jusqu’au rendu du travail terminé. En dubbing cloud, nous devons nous connecter sur un cloud pour écrire notre texte. Les entreprises de doublage y voient un gain de confidentialité, mais aussi de contrôle puisque toutes nos interventions sont tracées, le nombre d’heures que nous consacrons à un projet apparaît, nous n’avons plus l’autonomie qui est la nôtre en tant qu’auteurs sur des logiciels traditionnels. Nous sommes des créateurs et il est important que nous puissions librement gérer notre temps de création. En dubbing cloud, nous sommes face à un camembert qui annonce dix mille phrases à traduire, appelées dans ce cas précis, « évènements » et qui se remplit au fur et à mesure que nous avançons dans notre adaptation. C’est contraire à l’esprit de la création. Nous avons le sentiment d’être davantage évalués sur notre productivité, que sur la qualité de notre travail. Sur ce cloud, tout le monde peut voir ce que tout le monde fait en direct et les différents intervenants dans la chaîne du doublage voient l’état d’avancement du travail de chacun. Ainsi, notre travail peut être supervisé au fur et à mesure de sa progression et un auteur n’a pas envie de cela. Combien de fois devons-nous laisser murir une idée ou un passage compliqué pour y revenir à plusieurs reprises jusqu’à trouver la bonne idée, le bon texte ? Sur nos logiciels traditionnels, les données relatives à notre texte, à son élaboration, à notre manière d’adapter et de transposer un dialogue étranger en un texte français original et qui nous appartient, ne peuvent être ni captées, ni réutilisées. Avec le dubbing cloud, nous entrons dans un système où prime la métadonnée, qui est le matériau de l’intelligence artificielle. Nos adaptations sont susceptibles d’alimenter des données, dont nous ne connaissons ni ne maîtrisons l’usage. Je crains le pillage de notre travail et de nos œuvres, mais je crains aussi que cela alimente un type d’algorithme dit de « machine learning » qui s’approprierait notre processus créatif. C’est un peu comme si nous formions des algorithmes pour nous remplacer un jour. Cela a également de nombreuses implications au regard du droit d’auteur, mais cela devrait faire l’objet d’un autre article, car c’est un sujet à part entière. Par ailleurs, certaines tâches techniques qui relèvent de l’intermittence et non du droit d’auteur sont systématiquement imposées à l’auteur qui travaille sur dubbing cloud et les tarifs pratiqués y sont largement inférieurs aux tarifs recommandés par le Snac. Cette dévalorisation est contraire à l’effort actuel des auteurs, qui créent des collectifs pour aller négocier au coup

L’union et la sororité – Un entretien avec Béatrice Thiriet, compositrice, vice-présidente et trésorière adjointe du Snac, membre du groupement Musique contemporaine.

Actualités L’union et la sororité – Un entretien avec Béatrice Thiriet, compositrice, vice-présidente et trésorière adjointe du Snac, membre du groupement Musique contemporaine. Bulletin des Auteurs – Vous appartenez au collectif « Troisième Autrice ». Béatrice Thiriet – Je suis membre du collectif car je suis bien persuadée de son intérêt et de l’importance de l’action collective. Dans toutes les professions, dans tous les milieux, on observe que se constituent des collectifs de femmes. Cela correspond aux nouveaux enjeux sociétaux que représentent l’insertion et la représentation des femmes dans leur milieu professionnel. C’est aussi la marque d’une société où les femmes désirent prendre en charge cette représentation. L’union et la sororité, l’entraide et la tolérance sont les quatre piliers de ces alliances. Le collectif « Troisième autrice » c’est, pour moi, se regrouper pour mieux mettre en lumière le travail des compositrices de musiques de films. B. A. – La présence des compositrices dans la musique de films est-elle récente ? B. T. – Il y a des compositrices depuis l’aube du cinéma, si l’on pense à Germaine Tailleferre qui était reconnue par ses pairs puisqu’elle fait partie du Groupe des Six, ou Elsa Barraine, compositrice de la musique de films de Jean Grémillon (« L’Amour d’une femme », par exemple). Un peu plus tard il y a notamment Anne-Marie Fijal qui travaille notamment avec Jeanne Labrune ou avec Manuel Poirier. Dans un livre écrit en 2002 par Vincent Perrot, intitulé « B. 0. F. : musiques et compositeurs du cinéma français», figure la photo d’un groupe de femmes compositrices de musiques de films, dont Anne-Olga De Pass, Angélique Nachon, Alice Willis, Hélène Blazy et moi-même. Sophia Morizet aurait pu figurer sur cette photo mais elle réside à Los Angeles, où elle travaille. Ce qui est nouveau c’est que le collectif « Troisième Autrice » a permis de rassembler un grand nombre de compositrices et notamment les plus jeunes et les plus débutantes, et de défendre la place des compositrices dans le paysage musical. C’est un outil qui soutient leur travail et leur pensée. B. A. – Comment les compositrices sont-elles invisibilisées ? B. T. – Généralement les compositrices travaillent sur des films moins financés que ceux sur lesquels travaillent les compositeurs, donc moins médiatisés, qui favorisent moins l’essor de leur carrière. On fait moins appel à elles qu’à des hommes, parce qu’on les connaît moins. Les réalisatrices de films qui seraient peut-être tentées de faire confiance à d’autres femmes sont également en minorité : 30 %. L’invisibilisation des femmes dans notre société mais aussi dans l’histoire de l’art et donc de la musique est une réalité. J’ai réalisé ainsi des doubles portraits de compositrices sur la Web TV LDWTV. Une compositrice actuelle et vivante présente une compositrice du répertoire. Les compositrices sont absentes dans l’histoire de la musique, et il faut les réintégrer. Elles sont une partie de notre culture, cela nous concerne toutes et tous. B. A. – Vous êtes aussi compositrice de musique contemporaine. B. T. – En musique contemporaine, j’appartiens à l’association « Plurielles 34 », où nous identifions et soulignons les problèmes liés à notre invisibilisation. Nous tâchons de remuer les institutions puisque la musique contemporaine représente aussi de l’argent public. Les organismes tels Radio France, les maisons d’opéra, les orchestres qui passent des commandes devraient se poser la question d’alterner entre compositeurs et compositrices. L’autre intérêt des collectifs est de recenser les femmes autrices et artistes. Beaucoup de patrons d’institutions ou de directeurs d’événements influents ont tendance, parce qu’ils ne les connaissent pas, à se replier sur l’idée qu’il n’y a pas de compositrices. De plus en plus d’associations professionnelles ou de syndicats se mettent à jouer le jeu et à parler des femmes compositrices. En musique contemporaine, Claire Bodin, directrice artistique du festival « Présences féminines » propose une base de données : « Que demander à Clara ? », qui recense les compositrices contemporaines et leurs œuvres et qui vient de s’ouvrir aux compositrices de musiques de films. B. A. – Comment un changement peut-il s’opérer ? B. T. – Voici une dizaine d’années le collectif La Barbe avait attaqué le Prix France Musique/ Sacem de la musique de films, au titre qu’il ne récompensait jamais de compositrices, et que Radio France n’engageait pas de productrices. C’est à la suite de cette action que j’avais été nommée au jury de ce prix, l’année suivante, au côté d’Éléni Karaïndrou, la compositrice de la musique des films de Théo Angelopoulos (L’Éternité et un jour). J’ai l’impression que cette action militante et totalement inattendue avait bougé les esprits, provoqué un prise de conscience. Au cinéma, le mouvement « #MeToo » a produit un séisme, libéré une parole et permis aux femmes de prendre plus de poids dans ce milieu, qui est apparemment le secteur artistique le plus violent vis-à-vis des femmes, à moins qu’il ne soit seulement le plus médiatique. De manière concomitante le discours de « #NousToutes » qui soutient les femmes victimes de violences circule, est écouté. Il commence à imaginer et à organiser une stratégie possible pour soutenir les victimes. En droit français, il n’y a pas de mot pour dire qu’on respecte la parole des victimes. C’est ce mot-là qu’il faut inventer. B. A. – Qu’est ce qui a changé pour les compositrices depuis la photo dans le livre « B.O.F » ? B. T. – Quand je regarde cette photo dans « B.O.F.», je revois un déjeuner où on s’est bien aimées, où on s’est parlé, mais au cours duquel il ne nous est pas venu à l’idée de nous associer comme les femmes compositrices de musiques de films. Et c’est un homme, Vincent Perrot, qui s’était dit : « Tiens, je vais faire une page sur les “femmes compositrices”. » Ce qui était sympathique mais en même temps, si on y réfléchit, discriminant. Pour moi ce qui compte c’est qu’il y ait des compositrices au même titre que des compositeurs et surtout pas « les compositrices » présentées et pensées à part. Aujourd’hui ce qui a changé c’est que des femmes décident de s’occuper des problèmes qu’elles rencontrent en tant que femmes. Il est nouveau que les compositrices elles-mêmes s’unissent et agissent pour devenir visibles, décident de se voir, se parler, partager leur expérience, se donner des conseils, s’épauler, affirmer qu’on est plus fortes et plus intelligentes en réfléchissant ensemble. Être moins de 10 % dans un paysage

« Troisième Autrice », un collectif – Un entretien avec Camille Delafon et Stéphanie Blanc, compositrices, membres de l’UCMF et du groupement Musiques à l’image du Snac

Actualités « Troisième Autrice », un collectif – Un entretien avec Camille Delafon et Stéphanie Blanc, compositrices, membres de l’UCMF et du groupement Musiques à l’image du Snac Bulletin des Auteurs – Comment est né le collectif « Troisième Autrice » ? Camille Delafon – Le collectif s’est créé de manière très informelle en 2019, à l’initiative de plusieurs compositrices qui ont d’abord créé un groupe privé Facebook pour s’identifier, se rassembler, échanger librement. Une parole a pu naître, qui exprimait la spécificité d’être une compositrice, dans un métier où la représentation est quasi exclusivement masculine. Un peu moins aujourd’hui, mais très graduellement, puisqu’en France on évoque le chiffre de 6 % de compositrices de musiques à l’image. Nous avons pris le temps de savoir ce que nous avions à faire ensemble, ce que nous pouvions et voulions faire pour nous, compositrices. Stéphanie Blanc – Il a été fondamental pour nous, qui nous sentions très isolées, de voir se regrouper un ensemble de compositrices autour des problèmes spécifiques à notre métier et au genre que nous représentons. Il était indispensable, au moment où c’est apparu, et vis-à-vis de notre peu de visibilité, que ce groupe émerge. C. D. – Nous nous sommes aperçues que nous étions plus nombreuses que nous le pensions, et qu’il existait des spécificités liées à notre expérience. Le manque de représentation des femmes dans notre métier constitue un double frein : d’une part le fait que notre métier soit quasi exclusivement masculin ne pousse pas les acteurs de la filière à faire confiance à des compositrices. On sait à quel point, dans la construction du budget d’un film, l’aspect sécurité est un argument de poids. D’autre part, tout au long de leur carrière les compositrices elles-mêmes sont inhibées par cet état de fait – comme dans d’autres secteurs d’ailleurs : elles questionnent souvent plus leur légitimité que les hommes, hésitent à prendre la place, éprouvent de la difficulté à se projeter dans un métier pour lequel elles n’ont presque aucun modèle. S. B. – L’idée que nous pouvons avoir de notre légitimité est essentielle pour que les acteurs de la filière puissent nous faire confiance, pour nos qualités et notre expérience, et non parce que nous sommes des femmes, avec la représentation qui existe malheureusement encore, pas forcément consciente, de notre genre. Il était primordial d’avoir un collectif qui représente toutes les femmes compositrices, de toutes les générations, qui peuvent être des modèles pour les nouvelles arrivantes, qu’elle puissent se dire : « Oui, je veux être compositrice de musiques à l’image et j’ai des exemples auxquels me référer. » C. D. – D’abord nous avons pris le temps de faire cette expérience collective pour bien identifier nos objectifs. Et nous avons découvert que notre premier objectif est moins d’être dans la revendication que de développer une culture du partage et du soutien, avec pour ma part le fol espoir qu’elle se développe au delà de notre collectif. Notre effort interne vise à mettre en commun des réseaux, sortir de sa petite case et de la compétition, pour se rendre plus fortes les unes les autres. À travers des masterclass que chacune est invitée à organiser nous partageons savoirs, expertises et expériences. Nous avons eu par exemple une masterclass sur le synthétiseur modulaire par Claude Violante / Camille Petitjean, ou la spécificité de composer pour des séries par Audrey Ismaël. Certaines compositrices vont aussi pouvoir juste détailler un peu leur workflow et partager des sessions de travail ; c’est passionnant de voir comment chacune a sa propre façon de faire ! Nous nous servons de notre groupe privé Facebook pour partager des informations, relayer les appels à candidature et inciter les compositrices à s’y présenter. Nous avons aussi un projet de mentorat vis-à-vis des étudiantes ou des compositrices en début de carrière. Notre second mouvement se tourne vers l’extérieur, et œuvre à la visibilité des compositrices de musique de films dans les espaces professionnels et publics. Nous savons aujourd’hui combien cela est essentiel pour changer les représentations. Des festivals et des institutions nous sollicitent pour réfléchir avec eux à la place des compositrices, s’assurer de la pertinence de leur approche. S. B. – Au-delà des questions de genre, notre métier nous amène à accomplir de multiples tâches, composer, jouer les instruments, enregistrer, mixer, etc. Plus l’échange de savoirs intervient tôt, mieux nous pouvons développer notre carrière en conséquence et non en fonction des faiblesses qui se révéleraient au fur et à mesure. B. A. – Avez-vous des liens avec les compositrices d’autres musiques ? C. D. – Bien sûr. Nous avons par exemple travaillé en partenariat avec l’association « Présences compositrices », qui a intégré en juin dernier les compositrices de musiques à l’image dans son répertoire. Nous sommes aussi en lien avec de nombreux collectifs et associations qui œuvrent pour l’égalité et la parité dans le milieu de la musique et du cinéma comme le Collectif 50/50, Mewem, Keychange, etc. Reste que le « Collectif Troisième Autrice » se consacre essentiellement aux compositrices de musiques à l’image, que ce soit pour les jeux vidéo, les installations, les films audiovisuels. B. A. – Comment le collectif s’est-il organisé ? C. D. – Dans l’esprit de ce changement de culture, nous avons essayé de trouver une forme pour le collectif qui soit la plus horizontale possible. Nous avons évité de reproduire une structure en pyramide, qui est aussi très présente dans les associations. Notre bureau comporte deux compositrices à chaque poste, deux trésorières, deux présidentes, etc. La fonction de présidente n’est pas mise en avant. Nous n’avons pas de membres d’honneur. Nous avons créé des groupes de travail, qui réfléchissent par exemple sur les différents partenariats en cours, comme avec le festival « Sœurs jumelles », ou avec l’association 50/50. Notre engagement est entièrement bénévole. Nous organisons une fois par an les rencontres « Troisième Autrice », où ont lieu des séminaires et des ateliers. Le premier opus a eu lieu en octobre dernier : Jérôme Lemonnier nous a parlé de l’intérêt de devenir producteur exécutif de sa musique ; Jean Vincent, avocat spécialisé dans le droit d’auteur, a décortiqué le contrat de commande, et Agathe Berman nous a enseigné comment animer un atelier sur la thématique « Se présenter et promouvoir son travail ». S. B. –

L’action d’Ecsa (European Composer and Songwriter Alliance) et les défis des auteurs-compositeurs européens en 2023 – Un entretien avec Marc du Moulin, Secrétaire Général d’ECSA.

Actualités L’action d’Ecsa (European Composer and Songwriter Alliance) et les défis des auteurs-compositeurs européens en 2023 – Un entretien avec Marc du Moulin, Secrétaire Général d’ECSA. Bulletin des Auteurs – Quel est le rôle d’ECSA ? Comment votre Alliance est-elle structurée ? Marc du Moulin – Les défis auxquels les auteurs de musiques font face sont immenses mais souvent très similaires au sein des 27 pays européens que nous représentons. Notre rôle est de défendre et de promouvoir leurs droits et intérêts au niveau européen et international. Notre alliance représente aujourd’hui 54 associations membres à travers l’Europe, le plus souvent au sein de l’Union européenne (UE), mais parfois au-delà (Norvège, Islande, Royaume-Uni, etc.). Le Snac, l’UCMF et l’Unac sont nos trois organisations membres en France et participent activement à nos travaux. La venue de nouveaux membres, du Portugal, d’Allemagne ou d’Italie ces dernières années prouve l’attractivité d’Ecsa et démontre à la fois sa représentativité et son rayonnement à travers l’Europe. Grâce au soutien du programme Europe Creative, qui finance environ 50 % de nos activités, ainsi qu’aux contributions de nos membres, nous sommes bien équipés pour sensibiliser les institutions européennes aux défis des auteurs de musique et promouvoir leurs œuvres et leurs métiers à travers différentes activités politiques et culturelles. Notre partenariat avec le programme Europe Créative inclut un programme de travail et d’activités cofinancé par l’UE, qui nous permet de financer de nombreuses activités politiques ou culturelles. Néanmoins, nos ressources restent très limitées en comparaison des moyens des Gafam, des plateformes audiovisuelles, ou encore des majors de la musique représentées à Bruxelles. Notre association est structurée autour de trois comités : Apcoe pour la musique populaire, ECF pour la musique classique et contemporaine et Fface pour la musique à l’image. Cette structure demeure importante mais nous y avons ajouté plusieurs groupes de travail qui traitent de questions transversales, telles que le streaming musical ou l’intelligence artificielle. En 2021 nous avons révisé nos statuts, qui ont été adoptés à une quasi-unanimité, afin d’inscrire des objectifs plus variés, tels que l’égalité femmes – hommes, et des règles plus claires pour l’élection des membres de notre conseil d’administration. Sur la base de ces nouveaux statuts, nos membres ont élu en février 2022 un nouveau conseil d’administration, présidé par Mme Helienne Lindvall, de nationalité suédoise et membre de l’Ivors’ Academy au Royaume-Uni. En outre, Alfons Karabuda, a été élu président d’honneur d’Ecsa, tandis que Bernard Grimaldi a été élu vice-président d’honneur de notre Alliance. Ces deux dernières années le Covid-19 et ses restrictions ont entraîné des conséquences très néfastes pour les auteurs de musique et nos associations membres. Mais Ecsa a su s’adapter, organiser ses activités en ligne grâce aux outils numériques. Nous avons été très heureux de nous retrouver enfin lors de notre dernière session à Split (Croatie), en septembre dernier, après plus de deux ans sans session physique. Néanmoins, nous continuons de recourir aux outils numériques pour dialoguer avec nos membres, notamment dans le cadre de nos groupes de travail. B. A. – Quels sont les objectifs majeurs de l’action d’Ecsa en 2023 ? M. du M. – Nous avons actuellement trois objectifs principaux : En premier lieu, un des objectifs majeurs d’Ecsa a été l’adoption de dispositions ambitieuses au sein de la Directive européenne sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique en 2019. Nous avons été particulièrement actifs sur l’article 17, qui traite des rapports entre les titulaires de droits et certaines plateformes de diffusion en ligne, telles que YouTube afin d’obtenir un meilleur partage de la valeur et une rémunération plus juste pour tous les titulaires de droit. Une autre priorité majeure a été l’adoption des articles 18 à 23, qui réglementent les contrats entre auteurs et interprètes d’un côté et éditeurs, producteurs et plateformes de l’autre. Jusque-là, le cadre législatif de l’UE protégeait le droit d’auteur mais pas les contrats des créateurs, qui sont essentiels pour que le droit d’auteur soit réellement favorable aux auteurs. Nous avons travaillé de concert avec d’autres organisations d’auteurs (scénaristes, réalisateurs, écrivains), pour faire valoir des règles communes, qui s’appliquent à tous les auteurs au sein de l’UE. Enfin, nous avons été également vigilants sur les exceptions au droit d’auteur, afin qu’elles n’empiètent pas exagérément sur le droit d’auteur, qui doit rester la règle, et non l’exception. Le résultat final n’est pas parfait mais cette directive, une fois transposée partout au sein de l’UE, améliorera la rémunération et les conditions de travail de tous les auteurs en Europe. Nous avons également été en contact étroit avec nos membres au niveau national pour peser sur la transposition. À ce stade, environ un tiers des États membres de l’Union européenne n’a pas encore transposé la Directive de 2019. Ce n’est pas acceptable et nous continuons à appeler les États membres et la Commission européenne à accélérer le processus de transposition. En juin 2022, nous avons organisé avec d’autres organisations d’auteurs une conférence sur la transposition et le problème des contrats « Buy-out », qui montre qu’il y a encore beaucoup à faire pour que cette directive améliore réellement les conditions de travail des auteurs. Nos deux autres priorités majeures sont, d’une part : notre combat contre les contrats dits de « Buy-out » et l’édition coercitive, et le streaming musical d’autre part. B. A. – Que sont les contrats « Buy-out» ? M. du M. – Il y a différents types de contrats « Buy-out » qui peuvent être très complexes. Mais, pour simplifier, un contrat « Buy-out » désigne un contrat couvrant l’ensemble des droits et prestations réalisées par un auteur, ainsi que les exploitations futures, en échange d’un paiement forfaitaire unique. Un tel contrat signifie que l’auteur ne recevra aucune redevance à l’avenir, quel que soit le succès de l’œuvre. Dans le cadre d’un tel contrat, le compositeur est souvent tenu d’accepter que sa contribution soit qualifiée de « work made for hire » conformément à une législation extraterritoriale, le plus souvent américaine, en contradiction avec le modèle européen du droit d’auteur. Ce phénomène s’est amplifié avec la très forte croissance des plateformes de vidéo à la demande en Europe. Si un auteur refuse ou s’oppose à un tel contrat, cela peut avoir de graves conséquences sur ses opportunités professionnelles futures. Sa liberté de choix est

Le « Manifeste de l’Éco-scénographie » – Un entretien avec Camille Dugas, scénographe, membre de l’Union des Scénographes et du groupement Théâtre, Scénographie, Danse, au Snac.

Actualités Le « Manifeste de l’Éco-scénographie » – Un entretien avec Camille Dugas, scénographe, membre de l’Union des Scénographes et du groupement Théâtre, Scénographie, Danse, au Snac. Bulletin des Auteurs – Comment est né le « Manifeste de l’Éco-scénographie » ? Camille Dugas – À l’ère de la transformation écologique, il est important que les protagonistes qui sont à l’origine d’une scénographie agissent dans une direction commune d’éco-conception. Ce manifeste invite donc ces acteurs à des actions concrètes qui, à chaque étape, orientent les choix vers une “éco-scénographie”. Ce manifeste a pour vocation de promouvoir le réemploi et faciliter la réutilisation d’une scénographie, en anticipant, dès le départ du processus créatif, les problématiques souvent liées au réemploi : démontage, réutilisation de la matière première, réutilisation d’éléments standardisés… Ces nouvelles compétences acquises par les créateurs doivent être rémunérées, grâce aux économies réalisées sur les achats de matières premières. Ce changement vers une éco-scénographie ne peut se faire qu’en respectant pleinement la qualité d’auteur des créateurs : scénographes, créateurs costume… En effet, nous constatons encore trop souvent que des éléments d’œuvres originales sont réutilisés sans même que l’auteur en soit informé. Ces dérives concernent aussi bien le domaine de l’exposition que le domaine du spectacle vivant. Or, il est important de rappeler que la violation des droits d’auteurs est constitutive du délit de contrefaçon (CPI, art. L. 335-3). Le code de la propriété intellectuelle entend par contrefaçon tous les actes d’utilisation non autorisée de l’œuvre. L’encadrement lié au réemploi, dans les règles de l’art et au bénéfice de toutes les parties, est donc plus que nécessaire. C’est pourquoi le Manifeste d’Éco-scénographie présente des clauses types relatives aux conditions de réemploi, avec ou sans adaptation, et la rémunération, sous forme de droits d’auteur, qui peut en découler*. Nous souhaitons que ces clauses soient prévues dès le départ dans les contrats de cession de droits d’auteur des créateurs. Ce document contractuel qui encadre la diffusion d’une œuvre (conditions d’exploitation : durée ; conditions financières liées à la diffusion, à la captation, aux transmissions télévisuelles) doit aujourd’hui permettre d’anticiper sa réutilisation. L’absence de contrat de cession de droits d’auteur, le plus souvent par manque de connaissance, est encore aujourd’hui à déplorer. Or ces contrats de cession de droits d’auteur ont pour double vocation de protéger l’auteur et le diffuseur. L’argument financier est souvent avancé, alors même que la rémunération est basée sur un pourcentage de la recette (1 % est préconisé pour le scénographe et 0,5 % pour le créateur costume dans le spectacle vivant) et qu’il est tout à fait possible de signer des contrats de cession de droits à titre gracieux, si cela se justifiait. Par ce Manifeste, nous souhaitons donc promouvoir l’éco-scénographie et obtenir que les clauses qu’il propose, sur le chapitre de la déontologie, du réemploi d’éléments originaux, de la rémunération en cas de réemploi, du respect du droit moral, etc., soient incluses dès aujourd’hui dans chaque contrat de cession de droits d’auteur. B. A. – À qui s’adresse le Manifeste ? C. D. – À tous les acteurs qui interviennent à tous les moments de la vie d’une scénographie (décor ou costumes), qu’il s’agisse de la production, la conception, la construction, le démantèlement, la réutilisation : producteurs, scénographes d’exposition, de théâtre et d’opéra, créateurs de costumes, ateliers de construction des décors, directeurs techniques, etc. Il est important pour nous d’associer à ce projet les principaux représentants des producteurs, diffuseurs, directeurs techniques, concepteurs d’exposition comme Profedim, Syndeac, Reditec, xpo, et que ce texte fasse l’unanimité afin d’être pleinement diffusé et adopté. Notre Manifeste aura ainsi une audience et une application plus larges qu’auprès des seuls auteurs. La conception d’une éco-scénographie ne peut être que le fruit d’un effort commun. * Les éléments techniques et les éléments manufacturés, qui ne sont pas liés à la création originale et à la propriété intellectuelle, sont exclus du domaine des droits d’auteur. Crédit de la photo : Doriane Fréreau. Cet entretien est paru dans le Bulletin des Auteurs n° 152 (Janvier 2023).

Les contrats Webtoon – Un entretien avec Marc-Antoine Boidin (vice-président du Snac et représentant du groupement Bande dessinée)

Actualités Les contrats Webtoon – Un entretien avec Marc-Antoine Boidin (vice-président du Snac et représentant du groupement Bande dessinée) Avec l’apparition du Webtoon en France, la BD est potentiellement au tournant d’un bouleversement créatif et éditorial majeur. Si l’attrait des jeunes auteurs et les possibilités créatives existent, qu’en est-il de la place des auteurs dans ce nouveau modèle, et d’ailleurs quel est ce nouveau modèle ? Quels contrats sont proposés aux auteurs ? Là aussi les évolutions semblent rapides. Bulletin des Auteurs – Que proposent les contrats Webtoon en France ? Marc-Antoine Boidin – Nous sommes dans l’effervescence de ces nouveaux contrats. Quasiment tous les éditeurs traditionnels BD papier se mettent à produire du Webtoon, commencent à investir dans des plateformes de diffusion et proposent à de jeunes auteurs des contrats pour créer du Webtoon. Le contrat Webtoon est donc d’abord un contrat numérique, qui peut envisager, dans le même contrat mais en exploitation secondaire, une édition papier si la version numérique a rencontré le succès. À la suite de Naver un deuxième groupe coréen est arrivé en France, Kakao Webtoon. Un public existe déjà en France envers les webtoons coréens traduits en français. Naver propose d’ores et déjà des contrats français, afin de créer des webtoons à destination du public français. Il est difficile de mesurer l’audience internationale de ces webtoons français. Naver s’est très vite adapté au droit d’auteur français, et demande, dans ses contrats français, tous les droits pour la durée de la propriété intellectuelle. Si le webtoon rencontre le succès, Naver peut céder à un éditeur français le droit de l’édition papier. Mais ce domaine est en constante évolution. Les contrats ne sont pas tous identiques. Ils peuvent être différents selon la notoriété de l’auteur, ou le moment où ils ont été signés. Les contrats Naver comportent, de plus, une clause de confidentialité, qui interdit à l’auteur de communiquer les termes de son contrat, ce qui entrave notre information. Une difficulté est à prendre en compte, celle du risque de burn-out, car l’auteur doit travailler sept jours sur sept pour tenir le rythme des 50 chapitres par an. Rutile et Diane Truc, autrices de Colossale, ont pu en témoigner lors de leur masterclass au festival d’Angoulême en 2021. Rutile et Diane Truc ont pu conserver leurs droits papier, et vont publier leur œuvre chez un éditeur papier traditionnel, mais le type de contrat qu’elles ont pu négocier est hélas en voie de disparition. Les contrats Webtoon proposés par les maisons d’édition françaises peuvent également être très différents selon les maisons et ils évoluent rapidement aussi. B. A. – Le Webtoon est-il facile à publier en papier ? M.A. B. – Le passage vers une édition papier nécessite un travail de mise en forme. Le webtoon est un ruban qui défile. Ce n’est pas la même logique que des pages que l’on tourne. Ce n’est pas la même manière de raconter. En webtoon on peut avoir des bulles sans dessin, quand par exemple on descend dans les pensées d’un personnage. Une édition papier demanderait sans doute d’ajouter des cases dessinées. B. A. – Comment sont calculés les droits d’auteur dans une diffusion Webtoon ? M.A. B. – Dans le système Naver, les premiers chapitres sont offerts au lecteur, qui doit ensuite s’abonner à la plateforme. Le lecteur achète une sorte de monnaie virtuelle, un peu comme dans le jeu vidéo, et il distribue tant de jetons pour avoir accès à tant de chapitres. Un des problèmes est qu’il est difficile de créer un webtoon à plusieurs comme un scénariste, un dessinateur, un coloriste s’allient pour créer une bande dessinée traditionnelle, à cause du rythme à soutenir, d’un chapitre par semaine. Soit il faudrait plus de co-auteurs, auquel cas chacun serait auteur et toucherait un pourcentage des avances, des droits d’auteur, ce qui paupériserait encore un peu plus le métier, soit il faudrait industrialiser le processus, se rapprocher de la logique du dessin animé, où chacun serait assigné à une tâche particulière, mais en tant que technicien, et où seul serait auteur celui qui créerait le concept. C’est un peu le principe de l’atelier qui assiste le mangaka. Une telle organisation poserait la question du budget, peu comparable à celui d’un dessin animé. B. A. – Pourquoi le Webtoon est-il attractif ? M.A. B. – Le Webtoon est conçu pour être lu sur un Smartphone, ce qui lui assure une grande accessibilité. Ce mode de création a su utiliser le potentiel du numérique et créer un nouveau public, qui n’est pas celui qui lit des bandes dessinées traditionnelles, et pas forcément celui qui lit des mangas. Notre offre culturelle est aujourd’hui un bouillon de culture, qui provient de tous les pays. Les auteurs sont influencés par toutes ces nouvelles formes, dont ils ont été les lecteurs. Rutile et Diane Truc observent qu’elles ont choisi d’écrire pour le Webtoon parce qu’elles ne trouvaient pas dans la Bande dessinée ce qu’elles cherchaient. Elles constataient que la Bande dessinée oubliait le public féminin jeune. Beaucoup de jeunes femmes sont lectrices de webtoons parce qu’elles y trouvent des thèmes, des visions qui leur sont propres. Heureusement sur ce plan la Bande dessinée évolue aujourd’hui, grâce aux nombreuses autrices et éditrices qui apparaissent. Crédit de la photo : Eric Desaunois. Cet entretien est paru dans le Bulletin des Auteurs n° 152 (Janvier 2023)

Un groupe de travail sur la liberté de création face aux assignations identitaires et aux injonctions de contenus – Un entretien avec Bessora, présidente du Snac.

Actualités Un groupe de travail sur la liberté de création face aux assignations identitaires et aux injonctions de contenus – Un entretien avec Bessora, présidente du Snac. Bulletin des Auteurs – Comment est né ce groupe de travail ? Bessora – Nous avions participé à l’élaboration de la Charte des valeurs au CNL, sur notamment la lutte contre les discriminations. Cette charte met en avant la lutte contre les stéréotypes. Le Snac a développé la question de la classification des ouvrages et des auteurs et a fait en sorte que dans cette charte il soit stipulé que les invitations à des rencontres, tout comme les classifications, doivent se baser sur des critères objectifs et non sur des stéréotypes. B. A. – Vous avez continué cette réflexion au sein du Snac. Bessora – Il est essentiel qu’un syndicat s’empare de ce sujet. Nous nous sommes aperçues que la BnF recourait à des catégories, en particulier la catégorie « Littérature francophone », qui est définie comme une littérature étrangère, et que dans cette catégorie étaient classées des personnes tels Aimé Césaire, et d’autres auteurs français, mais de couleur, ou des auteurs multinationaux. Certains auteurs étaient classés dans le pays « La Martinique ». La Martinique étant définie comme une région du « reste du monde », et non comme un département français. Nous avons échangé avec le directeur de la BnF, afin que les auteurs ou leurs ayants droit aient un droit de rectification sur ces classifications. La BnF a rectifié son erreur concernant la Martinique. Pas concernant la catégorie « Littérature francophone », où Césaire, Confiant et d’autres demeurent des auteurs de nationalité étrangère. Dans beaucoup d’institutions, bibliothèques ou instituts français à l’étranger, dans les rayons des librairies, on utilise des catégories identitaires comme « Francophonie », mais aussi « Littérature homosexuelle », « Littérature féminine », dans lesquelles les auteurs ne vont pas forcément se reconnaître, mais dont ils ne sont pas forcément au courant. B. A. – Votre groupe de travail est très ouvert. Bessora – Nous nous sommes tournés vers des auteurs qui traitent des assignations identitaires dans leur œuvre ou bien dans leurs recherches. Par exemple Alison Rice, une universitaire américaine, qui a mené voici une dizaine d’années des entretiens audiovisuels avec des personnalités aussi diverses que Julia Kristeva, Shumona Sinha, Pia Pertersen, Fatou Diome, moi-même également, sur le sujet des assignations identitaires et des classifications ethniques et/ ou de genre. À la suite de cette enquête, Alison Rice a publié Francophone Metronome, ouvrage qui n’est pas encore traduit en français. Nous avons convenu de faire un montage à partir de ces entretiens, et d’organiser, en collaboration avec son université, une rencontre à la mi-juin 2023, en France, avec Alison Rice et certaines des personnes qu’elle avait interrogées, pour leur demander, dix ans après ces entretiens, ce qu’elles pensent aujourd’hui de cette question. C’est ainsi que Shumona Sinha, qui vient de publier L’autre nom du bonheur était français, a rejoint notre groupe de travail. Dans son livre elle identifie la catégorie « Francophonie » comme une assignation identitaire et comme une injonction de contenu. Kaoutar Harchi, autrice et sociologue, suit nos travaux en tant que sociologue. B. A. – Qu’est-ce qu’une injonction de contenu ? Bessora – Vous êtes un auteur, dit francophone, donc vous allez parler d’Afrique dite noire, de colonisation, d’esclavage, de migration et vos personnages sont censés être ou représenter des stéréotypes dits africains. Vous êtes une femme, donc vous allez parler de condition féminine, de corps, de gestation pour autrui, au nom de toutes les femmes, comme si elles pensaient toutes la même chose. B. A. – Si vous n’en parlez pas, que se passe-t-il ? Bessora – Eh bien si vous êtes Proust, aujourd’hui votre œuvre risque d’être invisibilisée parce que vous ne portez pas la cause homosexuelle… Le sujet ne coïncide pas aux attentes, qui sont liées à l’identité qu’on vous prête. C’est là que s’inscrit le lien avec la liberté de création. On peut penser qu’être auteur, c’est pouvoir devenir autre ! Une empathie est nécessaire pour entrer dans la peau de personnages qui sont éloignés de soi. Les Orphelins, mon dernier livre publié, parle d’orphelins de guerre allemands envoyés en Afrique du Sud après la guerre, pour y être adoptés. Alors qu’on pourrait attendre de moi un texte par exemple sur le métissage, ou un engagement panafricain. J’ai pu entendu des questions du type : « Pourquoi elle a mis des enfants blancs en couverture ? » B. A. – Quels sont les axes de votre réflexion ? Bessora – Nous avons une note de Jean-Loup Amselle, anthropologue et ethnologue, qui retrace l’historique de ces concepts, depuis la « Négritude », jusqu’aux notions de post-colonialisme et de décolonialisme, en passant par celle de « Francophonie ». Shumona Sinha va rédiger également une note sur la catégorie « Francophone ». J’écris pour ma part une note satirique pour questionner toutes ces catégories et leur implication sur la liberté de création. Ces notes nourriront une publication sous l’égide du Snac. Nous préparons aussi quatre webinaires, dont le premier, qui aura lieu au deuxième trimestre 2023, dressera un état des lieux, pour poser la problématique, donnera des exemples, exposera notre objectif, qui est d’interpeller non seulement les pouvoirs publics, les institutions, mais aussi la chaîne du livre, afin que les auteurs aient droit à une autodétermination et à une rectification. À la suite de la rencontre avec Alison Rice nous organiserons l’année suivante un colloque plus large sur ces questions, qui reviennent régulièrement. Nous préparons aussi un questionnaire que nous adresserons aux auteurs, afin de leur demander si eux se sentent ou non assignés à des identités, si pour eux c’est un frein, si au contraire ils vivent cette situation comme une revendication. Alors que l’assignation identitaire concernerait plutôt les personnes qui malgré elles se voient cataloguées dans des catégories où elles ne se reconnaissent pas. Un homme blanc peut également se sentir assigné à une identité, de genre ou ethnique ou autre. Des auteurs peuvent aussi subir cet état de fait mais y trouver un intérêt, commercial par exemple, partagé avec leur éditeur. La complexité des différentes perspectives nous intéresse. B. A. – Cette réflexion peut-elle concerner d’autres secteurs de la création ? Bessora – Pour l’instant nous travaillons sur le secteur du livre, où