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Un appel d’offres pour l’organisation du festival d’Angoulême – Un entretien avec Marc-Antoine Boidin, scénariste, dessinateur et coloriste de Bande dessinée, responsable du groupement « Bande dessinée ».

Bulletin des AuteursQuel est le bilan du festival d’Angoulême ?

Marc-Antoine Boidin – Cette année nous avons élargi notre terrain d’intervention. Comme d’habitude nous avions l’espace des auteurs et des autrices de BD, à la Chambre de commerce et d’industrie d’Angoulême, et nous avons inauguré l’espace de la nouvelle création. Nous y avons proposé une table ronde sur le sujet des débuts professionnels dans la BD, grâce à des retours d’expérience d’auteurs et autrices plus confirmés, qui ont raconté comment ils avaient débuté leur activité. Le public regroupait une soixantaine de spectateurs, des auteurs amateurs qui songent à devenir professionnels, et des scolaires, sachant que les personnes qui assistaient sont assez passionnées de BD et souvent rêvent de devenir auteurs aussi. Ils ont ainsi découvert l’existence du Snac et de notre contrat BD commenté. Ainsi de futurs potentiels auteurs et autrices ont pu recevoir des informations utiles.

À la CCI, le jeudi après-midi, en lien avec l’AGrAF, les Auteurs Groupés de l’Animation Française, et L’A., l’Agence culturelle de la Région Nouvelle-Aquitaine, nous avons proposé un « speed dating », c’est-à-dire des rencontres, entre auteurs de l’écrit et auteurs de l’image, pour des projets de BD ou des projets d’animation. L’idée était que des rencontres puissent avoir lieu, et des projets communs émerger ensuite. Ce n’est pas évident, surtout pour des scénaristes, de rencontrer des dessinateurs ou dessinatrices. Provoquer de telles rencontres est une manière de rompre l’isolement. Ils ont pu ainsi échanger sur leurs projets ou leurs souhaits, l’occasion aussi pour le Snac de les informer sur les droits d’adaptation qui sont systématiquement associés aux contrats d’édition. Permettre aux auteurs et autrices de  penser dès le départ à ce qu’il pourrait advenir de leur projet. Artistiquement certes, mais aussi en termes de périmètre de contrat.

Le vendredi nous avions notre journée professionnelle, avec une table ronde autour de la phobie administrative, qui donnait des informations sur ce qu’il faut faire, ce à quoi il faut penser, et qui avait pour objet de donner des clefs pour éviter cette peur des papiers à remplir, des formulaires à envoyer, pas toujours simples à comprendre, et pour lesquels on n’a pas forcément une appétence  particulière.

Le vendredi après-midi nous avons échangé autour du contrat numérique et de la question des intelligences artificielles, à propos de quoi Maïa Bensimon, déléguée générale du Snac, est intervenue. Des clauses mentionnant l’IA commencent à apparaître dans les contrats, heureusement pour s’en défendre, éditeur comme auteur. Cependant nous devons être vigilants sur ces nouveaux points qui sont abordés dans les contrats.

Le contrat, papier et numérique, étant la pierre angulaire du confort (ou non) dans lequel nous exercerons notre métier, le sujet est primordial. Même si le contrat concerne l’œuvre, il génère les conditions de travail de l’auteur, sa rémunération, ses délais, le périmètre des droits qu’il aura cédés.

Enfin, Maïa Bensimon a tenu une permanence juridique le jeudi après-midi.

B.A. – Le Conseil permanent des écrivains demande que l’organisation du festival d’Angoulême bénéficie d’un appel d’offres.

M.-A. B. – Le festival d’Angoulême est  souvent l’objet de polémiques, car il est le plus important événement BD de l’année et il cristallise les tensions, notamment syndicales, puisque c’est le moment où nous sommes visibles, donc où nous pouvons faire remonter des problématiques. Un article du journal « L’Humanité Magazine » pointait, le 23 janvier dernier, certains scandales autour de l’organisation du festival, et de la société « 9eme art+ » qui le gèrent. Cette gestion de l’organisation du festival est problématique, elle nuit à son image et à l’image de la bande dessinée en général. C’est à l’occasion d’un précédent scandale qu’avait été créée l’ADBDA (Association pour le Développement de la BD à Angoulême) où les institutions publiques locales, régionales, nationales, qui financent le festival, se réunissent pour rédiger un Contrat d’objectifs et de moyens. Les auteurs avec le Snac comme les éditeurs, SNE (Syndicat National de l’Edition) et SEA (Syndicat des éditeurs alternatifs), y siègent, mais à titre consultatif. C’est dans cette association que nous avons pu défendre la rémunération des dédicaces au FIBD, la parité dans les jurys ainsi qu’un espace dédié aux autrices et aux auteurs.

Trois structures différentes se croisent dans la conduite du festival : l’Association pour le développement de la bande dessinée à Angoulême ; l’Association historique qui a créé l’événement, et qui est propriétaire de la marque « FIBD » ; la société « 9e Art +», à laquelle l’association FIBD a confiée l’organisation du festival.

La société « 9e Art +», du fait de son contrat avec l’association FIBD, qui dure jusqu’en 2027, n’est pas mise en concurrence avec d’autres sociétés. Le financement public du festival représente 45 % de son budget, c’est pourquoi il a pu ne pas y avoir d’appel d’offres (à partir de 50 %, un tel appel d’offres est obligatoire). Un appel à projets en revanche est possible et permettrait de construire un festival en adéquation avec l’ensemble des partenaires publics et de l’interprofession. Il y a un en outre consensus entre les éditeurs, les auteurs et les pouvoirs publics pour que cet appel à projet soit mise en place.

Le DG de « 9e Art + » est aussi propriétaire d’une société, « Partnership Consulting », qui cherche des partenariats pour le financement du festival. Il n’y a aucune transparence sur le choix des sponsors que nous découvrons le jour de la conférence de presse. Cela crée de l’incompréhension, et des frictions avec les valeurs auxquelles peuvent s’identifier les auteurs de bande dessinée.

B.A. – Parmi les scandales évoqués ont été mentionnées des violences sexistes et sexuelles.

M.-A. B. – Ce sujet nous préoccupe et nous concerne. Dans notre secteur, il a été lancé par le collectif des créatrices de BD déjà avant « #MeToo ». Nous devons donc prendre en main urgemment et collectivement ces questions des VHSS (Violences et Harcèlements sexistes et sexuels). Dans nos relations interprofessionnelles, ce fut l’objet de notre colloque à l’Adagp en Avril sur les « Dérives comportementales », qui aura des suites concrètes, mais également au sein des événements BD avec lesquels nous souhaitons travailler. Les autrices sont les premières à être exposées à ces risques aussi nous réfléchissons à un certain nombre d’outils qui seraient utiles pour qu’elles se sentent davantage en sécurité et puissent avoir les moyens de se protéger dans le cadre de leurs déplacements en festivals ou en salons.