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Saison volcanique – par François Peyrony, compositeur.

Bienvenue dans ce nouveau Bulletin des Auteurs du Snac, le numéro 161 ; promis, le numéro 200 sera exceptionnel ! Cette publication est concoctée avec talent par Xavier Bazot, et pilotée avec gourmandise par Maïa Bensimon, la déléguée générale du syndicat. De nombreux sujets y sont abordés – ce ne sont pas les sujets qui manquent, mais le temps nécessaire pour les traiter tous. À propos de temps, parlons du temps qu’il fait ; parlons des saisons.

Cet hiver, je me suis retrouvé à rouler sur une route envahie d’un brouillard très épais. Cette expérience m’a fait penser à ce que ressentent les auteurs débutants lorsqu’ils commencent leur métier. Sans GPS, sans carte, avec seulement la vague conscience qu’il existe quelque part, sur la route, un village ou une ville qui pourrait les accueillir.

À chaque embranchement se pose la même question : quelle direction prendre ? Il suffit que les deux routes proposées soient d’égale largeur, sans aucun panneau indicateur, pour que le choix de l’une ou de l’autre ne soit que le fruit du hasard ou de l’intuition. Et lorsqu’au détour d’un virage, on découvre enfin le panneau d’une commune, on ne sait pas s’il s’agit d’un simple village, d’un gros bourg ou de la périphérie d’une capitale.

L’auteur qui se professionnalise passe de l’hiver au printemps, puis à l’été, cette saison de pleine lumière qui pourrait métaphoriquement correspondre au succès, fût-il modeste. On sait que les Anglais ont une vision optimiste de l’été dans leur contrée ; ils disent : « Nous avons eu de la chance cette année, l’été est tombé un week-end. »

Le succès parfois est éphémère. Et quand l’automne arrive, le brouillard peut de nouveau s’installer. À chaque virage – retraite, maladie, précarité, à chaque embranchement de ces routes inexplorées, il manque de nombreux éléments pour être certain de prendre la bonne direction.

Le syndicat met à votre disposition, autrices et auteurs, afin de vous guider et de rendre votre route plus sûre : de puissants antibrouillards, ainsi que le dégivrage, le chauffage automatique, des astucieux rabats qui protègent du soleil direct, l’antipatinage, la roue de secours, le kit d’entretien, et bien évidement le GPS ! À jour !

Allons, foin de cette métaphore automobile. Réjouissons-nous plutôt : nous sommes au printemps ! Comme chaque année, va avoir lieu la manifestation appelée Le Printemps des Poètes*. C’est probablement le plus beau nom existant pour un tel événement.

Tous les poètes sont des auteurs ; tous les auteurs sont-ils des poètes ? Oui, on peut dire de la musique d’un compositeur qu’elle est poétique, tout comme on peut qualifier de poétique le dessin d’une illustratrice. Mais qu’est-ce qu’être poète ? Qu’est-ce que la poésie ? Un regard particulier sur les choses ? Une sensibilité exacerbée au service d’un art précis et délicat ? Le poète est-il toujours un visionnaire ?

Le mot poésie provient du verbe grec « poiein », qui signifie « créer » ; alors, tous les auteurs sont des poètes. C.Q.F.D.

Chaque année, le Printemps des poètes met en avant un thème particulier sur lequel il est possible de créer, selon son inspiration et son medium favori. L’année dernière c’était « La grâce », et cette année c’est « Volcanique ». Alors allons-y, sortons crayons, pinceaux, gommes, plectres, roseaux, gestes et voix : poétisons le volcan.

Volcanique. Le printemps est aussi la saison des révolutions. Au fil de l’Histoire, on retrouve le Printemps de Prague, le Printemps arabe, Mai 68, les manifestations de la place Tian’anmen, et cet événement qui traditionnellement marque le début de la Révolution française, l’ouverture des États généraux le 5 mai 1789.

Toutes les tensions accumulées durant l’hiver, froid, famine, chômage saisonnier, peuvent exploser au retour des beaux jours et de l’espoir d’une vie meilleure. Et jamais peut-être ne se sont autant rencontrés printemps, révolution et poésie, qu’autour de la Commune et du « Temps des cerises » – paroles de Jean-Baptiste Clément, musique d’Antoine Renard.

Malheureusement, « Il est bien court, le temps des cerises », le temps « où l’on s’en va deux, cueillir en rêvant, des pendants d’oreilles ». En ce printemps 2025, on nous dit : « la guerre, la guerre ».

C’est au sortir de la Première Guerre mondiale que Jacques Prévert, ce poète magnifique, écrit dans son poème « Le temps des noyaux » :

Soyez prévenus vieillards / Soyez prévenus chefs de famille / Le temps où vous donniez vos fils à la patrie / Comme on donne du pain aux pigeons / Ce temps-là ne reviendra plus / Prenez-en votre parti / C’est fini […]

Hélas, le poète n’est pas toujours un visionnaire,

[…] Les enfants que vous portiez sur vos épaules / Vous les avez laissés glisser dans la boue tricolore / Dans la glaise des morts […]**

mais la poésie, parfois, se passe de commentaires…